Un nouveau chapitre sombre s’écrit pour la liberté d’expression artistique en Russie. Deux éminentes figures du théâtre russe, la metteuse en scène Evguénia Berkovitch et la dramaturge Svetlana Petriïtchouk, croupissent derrière les barreaux depuis mai 2023. Leur crime ? Avoir osé monter une pièce jugée controversée par les autorités. Mais alors que leur procès en appel approche, une voix puissante s’élève pour réclamer justice.
L’ONU exige la libération immédiate des artistes emprisonnées
Mariana Katzarova, rapporteure spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme en Russie, a lancé un appel vibrant ce lundi. Dans un communiqué sans équivoque, elle a réclamé « l’acquittement et la libération immédiate » d’Evguénia Berkovitch et Svetlana Petriïtchouk. Un geste fort à quelques jours de leur audience devant la cour d’appel, prévue le 25 décembre.
Les poursuites contre Berkovitch et Petriïtchouk représentent une attaque directe contre le droit à la liberté d’expression et le rôle de la culture dans la promotion du dialogue critique.
– Mariana Katzarova, rapporteure spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme en Russie
Pour l’experte onusienne, il ne fait aucun doute que ce procès s’inscrit dans une tendance alarmante en Russie : la répression systématique de toute voix dissidente ou critique, particulièrement celles qui osent dénoncer la guerre en Ukraine. Poètes, artistes, acteurs, écrivains… Nul n’est épargné par la machine répressive de l’État russe dès lors qu’il exprime une opinion contraire à la ligne officielle.
Une pièce sur le recrutement de djihadistes qui dérange
Mais quel était donc le crime odieux de ces deux artistes respectées ? En 2020, elles avaient monté la pièce « Finist, le clair faucon », qui abordait le sujet sensible du recrutement de femmes russes par des islamistes en Syrie. L’histoire mettait en scène ces jeunes femmes, appâtées sur internet, qui partaient épouser des djihadistes.
Un sujet brûlant qui n’a pas plu aux autorités. En juillet dernier, le verdict est tombé tel un couperet : 6 ans de prison pour « apologie du terrorisme ». Une accusation fermement rejetée par les deux artistes, qui n’ont cessé de clamer leur innocence.
L’art, un sanctuaire menacé en Russie
Pour Mariana Katzarova, cette condamnation est une atteinte intolérable à la liberté d’expression artistique, pourtant protégée par le droit international. Les artistes devraient pouvoir exprimer leurs idées sans crainte, même à travers des œuvres controversées ou politiquement sensibles.
Les personnalités culturelles ont le droit d’exprimer leurs idées à travers l’art, y compris les œuvres controversées ou politiquement sensibles, sans crainte de répercussions.
– Mariana Katzarova, rapporteure spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme en Russie
Malheureusement, la réalité est tout autre en Russie. Censure, licenciements, emprisonnement, torture… Les artistes critiques du régime ou de la guerre en Ukraine font face à une répression implacable. Un constat glaçant dressé par la rapporteure spéciale.
La communauté internationale se mobilisera-t-elle ?
L’appel de Mariana Katzarova résonnera-t-il au-delà des murs des Nations Unies ? Alors que le procès en appel d’Evguénia Berkovitch et Svetlana Petriïtchouk approche à grands pas, la mobilisation de la communauté internationale sera cruciale. Car au-delà de leur propre sort, c’est bien la liberté de création artistique qui est en jeu en Russie.
Dans un pays où le pouvoir muselle de plus en plus les voix discordantes, l’art reste l’un des derniers espaces où peut encore s’exprimer une pensée libre et critique. Un espace vital pour la société russe, mais terriblement menacé. En réclamant la libération des deux artistes, l’ONU envoie un message fort au Kremlin. Reste à savoir s’il sera entendu.
Car au-delà de ce cas emblématique, c’est tout un climat délétère qui s’est installé en Russie pour les artistes et les intellectuels. Un climat où toute critique, toute remise en question du discours officiel, est perçue comme une menace à neutraliser. Dans ce contexte, chaque voix qui s’élève pour défendre la liberté d’expression est précieuse. Celle de Mariana Katzarova en est une. Espérons qu’elle ne restera pas isolée.