Imaginez un instant : des enfants qui courent après un ballon, leurs rires résonnant dans l’air, oubliant pour un moment les murs qui les entourent. C’est la scène quotidienne sur un petit terrain de football synthétique dans le camp de réfugiés d’Aïda, près de Bethléem. Pourtant, cet espace de joie et d’évasion est aujourd’hui sous la menace d’une démolition.
Un Oasis de Verdure au Cœur du Béton
Dans ce camp surpeuplé, où plus de 7 000 personnes se partagent un espace exigu, ce terrain représente bien plus qu’un simple lieu de sport. Il est le seul endroit ouvert où les jeunes peuvent respirer librement, s’évader des rues étroites et des bâtiments serrés les uns contre les autres.
Les garçons y arrivent crampons aux pieds, prêts à enchaîner les dribbles et les passes. À côté, le mur de séparation s’élève à huit mètres de hauteur, séparant la Cisjordanie d’Israël. Mais pour ces enfants et adolescents, ce béton gris fait désormais partie du décor. Ils n’y prêtent plus attention, tant leur attachement à ce terrain est fort.
Un jeune joueur de 18 ans, qui rêve de rejoindre l’équipe nationale palestinienne, confie que sans ce terrain, il n’aurait jamais eu l’opportunité de s’entraîner sérieusement. Pour lui, c’est une véritable chance, un tremplin vers un avenir meilleur.
Une Découverte Choquante pour les Enfants
Tout a basculé début décembre. Des enfants venus jouer comme à leur habitude ont trouvé une note fixée à l’entrée du terrain. Intrigués, ils l’ont apportée au responsable du club local.
Le directeur sportif du club des jeunes d’Aïda a été stupéfait en lisant le document. Il s’agissait d’un ordre de démolition émis par les autorités israéliennes. Ce terrain, qui accueille plus de 500 enfants pour des entraînements réguliers, était soudainement menacé.
Ce n’est pas un terrain réglementaire complet, mais une moitié de taille standard. Pourtant, il suffit amplement pour organiser des sessions animées, des matchs amicaux et des moments de partage indispensables dans la vie quotidienne du camp.
« Ce terrain est le seul espace ouvert que nous avons. Si on nous le prend, on prive les enfants de leurs rêves. »
Ces mots du directeur sportif résument parfaitement l’enjeu. Sans cet endroit, les jeunes se retrouveraient à jouer dans les rues étroites, exposés aux dangers, ou pire, à ne plus jouer du tout.
Un Espace Vital pour Respirer
Le camp d’Aïda, comme tant d’autres camps de réfugiés palestiniens, est né de l’exode de 1948. À l’origine des tentes provisoires, il s’est transformé au fil des décennies en un quartier densément bétonné.
Aujourd’hui, les habitants se sentent étouffés par le manque d’espaces verts et ouverts. Les rues sont si étroites que la circulation quotidienne est un défi. Dans ce contexte, le terrain de football apparaît comme une bouffée d’oxygène essentielle.
Pour les responsables locaux, perdre cet espace signifierait priver la nouvelle génération d’un lieu où évacuer le stress, développer des compétences et nourrir des ambitions. C’est une bouée de sauvetage au milieu d’une réalité souvent oppressante.
Le président du comité populaire du camp insiste sur ce point : avec une population aussi dense sur un si petit territoire, il n’y a tout simplement pas d’autre endroit pour « respirer ».
Les Arguments des Deux Côtés
La décision de démolition repose sur l’absence d’autorisation de construction, selon les autorités israéliennes qui occupent la Cisjordanie depuis 1967. Elles appliquent régulièrement ce type de mesures pour des infrastructures considérées comme illégales.
Le document consulté indique que le terrain a été édifié sans permis, et qu’il se trouve dans une zone où des restrictions strictes s’appliquent le long de la barrière de sécurité.
De l’autre côté, les responsables palestiniens affirment la légalité du projet. Le terrain a été installé en 2021 après une location officielle auprès du propriétaire, une église arménienne. La municipalité de Bethléem avait alors confié la gestion au comité du camp.
Un recours déposé par l’église propriétaire est actuellement en examen. Les habitants espèrent que cette procédure aboutira à une annulation de l’ordre de démolition.
L’Impact sur les Jeunes et Leurs Rêves
Au-delà de l’aspect légal, c’est l’impact humain qui touche le plus. Ce terrain a permis à des groupes de jeunes de participer à des tournois à l’étranger, offrant des expériences rares dans un contexte de restrictions de mouvement.
Partir jouer en Europe est parfois plus simple que se déplacer à l’intérieur même de la Cisjordanie. Les barrages routiers, multipliés ces dernières années, compliquent énormément les trajets entre villes palestiniennes.
Un exemple concret : une équipe venue d’une ville voisine a récemment mis six heures pour rejoindre Aïda, alors que la distance à vol d’oiseau est minime. Ces obstacles rendent chaque déplacement une épreuve.
Pour les entraîneurs sur place, préserver le terrain est une priorité absolue. Lors des sessions avec les plus jeunes, âgés de cinq à dix ans, on voit dans leurs yeux une détermination et une joie pures.
« Si le terrain est démoli, tous les rêves des enfants seront démolis. »
Cette phrase d’un entraîneur résume l’angoisse qui plane. Le mur est déjà là, rappel constant des contraintes, mais au moins, sur ce bout de gazon, les enfants peuvent oublier un instant et se projeter vers l’avenir.
Un Symbole de Résilience Quotidienne
Ce terrain n’est pas seulement un lieu de sport. Il incarne la résilience des habitants d’Aïda face aux difficultés accumulées. Dans un environnement marqué par la surpopulation et les restrictions, il offre un rare moment de normalité.
Les jeunes qui y grandissent y apprennent bien plus que le football : la discipline, le travail d’équipe, la persévérance. Pour certains, c’est même une porte vers des opportunités professionnelles dans le sport.
Perdre cet espace reviendrait à retirer un pilier essentiel de la communauté. Les responsables locaux multiplient les appels pour sensibiliser à cette situation, espérant une issue favorable.
En attendant, les entraînements continuent. Les ballons volent, les goals sont célébrés, et l’espoir persiste que ce petit coin de verdure résistera.
Cette histoire illustre une réalité plus large dans les territoires palestiniens occupés : la lutte pour préserver des espaces de vie et d’expression face à des décisions administratives et sécuritaires.
Le sort de ce terrain reste suspendu à l’examen du recours. Pour les centaines d’enfants qui foulent son gazon chaque semaine, l’enjeu est immense. Il ne s’agit pas seulement de football, mais de leur droit à rêver dans un contexte souvent impitoyable.
Dans les camps comme Aïda, chaque petit victoire compte. Ce terrain en est une, précieuse et fragile, qu’il faut défendre bec et ongles.
Résumé des enjeux clés :
- Un unique espace ouvert dans un camp surpeuplé
- Plus de 500 enfants concernés par les entraînements
- Menace de démolition pour absence présumée de permis
- Recours en cours pour contester la décision
- Symbole d’espoir et de résilience pour la jeunesse
Au final, cette affaire dépasse le cadre local. Elle touche à des questions plus profondes de justice, d’accès à l’espace public et de conditions de vie dans les camps de réfugiés. Les regards sont tournés vers l’évolution de la procédure en cours.
Pour l’instant, les crampons continuent de fouler le synthétique vert. Les matchs se jouent, les rêves se construisent. Espérons que cette parenthèse de joie puisse durer encore longtemps.
(Note : Cet article s’appuie sur des témoignages et documents relatifs à la situation actuelle dans le camp d’Aïda. La procédure étant en cours, des évolutions sont possibles.)









