Imaginez un champ de betteraves sucrières s’étendant à perte de vue, baigné par un soleil timide, tandis qu’au loin, une usine crache une fumée discrète. Ce paysage, emblématique de l’industrie agroalimentaire, est aujourd’hui secoué par une tempête économique. Le géant mondial du sucre, connu pour ses marques emblématiques, traverse une période de turbulences avec une chute vertigineuse des prix du sucre en Europe. Comment une entreprise, jusque-là prospère, peut-elle faire face à un tel retournement de situation ? Cet article plonge au cœur de cette crise, explore ses causes et dévoile les stratégies envisagées pour un avenir plus résilient.
Une Crise Sucreuse Qui Secoue L’Industrie
En 2025, l’industrie sucrière européenne fait face à un paradoxe : une abondance de production qui, loin de renforcer le secteur, le fragilise. Après deux années marquées par des profits records, portés par une flambée des prix du sucre, le marché a basculé. Les chiffres sont éloquents : une chute de 40 % des cours du sucre en Europe en seulement un an. Cette dégringolade, loin d’être anodine, met sous pression des acteurs majeurs comme Tereos, un colosse du secteur avec un chiffre d’affaires de près de 6 milliards d’euros.
La raison de cette crise ? Une surproduction de betteraves sucrières en Europe, conjuguée à des importations massives de sucre ukrainien. Ces dernières, bien que soumises à des quotas, ont inondé le marché, faisant plonger les prix non seulement du sucre, mais aussi de l’alcool et de l’éthanol, deux sous-produits clés de l’industrie. Ce cocktail explosif a conduit à une perte nette de 87 millions d’euros pour Tereos au premier trimestre 2025, un contraste saisissant avec les années fastes de 2022 à 2024.
Les Racines De La Crise : Un Marché En Surchauffe
Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut remonter à la source. Les années 2022 et 2023 ont été marquées par des récoltes difficiles, notamment au Brésil, l’un des plus grands producteurs mondiaux de canne à sucre. Cette pénurie mondiale avait fait grimper les prix, offrant une aubaine aux producteurs européens. Mais en 2024, la roue a tourné. Les champs européens, gorgés de betteraves grâce à des conditions climatiques favorables, ont produit bien au-delà des besoins.
« La surproduction de betteraves en Europe a fait pression sur les prix, transformant une opportunité en défi majeur. »
Gwenaël Eliès, directeur financier
À cela s’ajoute l’impact des importations ukrainiennes. Bien que régulées, ces importations ont saturé le marché européen, accentuant la baisse des prix. Sur le plan mondial, la situation n’est guère plus reluisante, avec un déficit de sucre estimé à 5,5 millions de tonnes. Ce déséquilibre, paradoxalement, n’a pas suffi à soutenir les prix face à l’excédent européen.
Tereos : Un Géant Sous Pression
Tereos, connu pour ses marques phares comme Beghin Say et La Perruche, n’est pas un acteur ordinaire. Avec une présence dans plusieurs continents et une activité diversifiée (sucre, éthanol, amidon), l’entreprise a longtemps été un modèle de résilience. Pourtant, la crise actuelle met à rude épreuve sa stratégie. Après avoir réduit son endettement et investi dans des produits à plus forte valeur ajoutée, l’entreprise se retrouve confrontée à une réalité brutale : la volatilité du marché.
La chute des prix a des répercussions directes sur les agriculteurs partenaires de la coopérative. Avec des prix en baisse, les planteurs de betteraves, qui forment le cœur du modèle coopératif, voient leurs revenus diminuer. Cette situation fragilise non seulement l’économie locale, mais aussi la relation de confiance entre Tereos et ses coopérateurs.
Les chiffres clés de la crise :
- Chute des prix du sucre : 40 % en un an.
- Perte nette au T1 2025 : 87 millions d’euros.
- Déficit mondial de sucre : 5,5 millions de tonnes.
Diversification : La Clé Pour Rebondir ?
Face à ce revers, Tereos ne reste pas les bras croisés. La coopérative mise sur une stratégie de diversification pour réduire sa dépendance au sucre. Parmi les axes prioritaires, on note le développement de produits à base de biomasse, comme les bioplastiques. En s’associant avec des partenaires comme Futerro, Tereos explore la production de matériaux durables à partir de blé, un virage audacieux vers une économie plus verte.
Le groupe intensifie également ses efforts dans la décarbonation. En investissant dans des technologies moins polluantes, Tereos espère non seulement réduire son empreinte environnementale, mais aussi séduire des consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux écologiques. Cette transition, bien que coûteuse, pourrait ouvrir de nouveaux marchés et renforcer la résilience de l’entreprise face aux fluctuations des prix.
Les Défis De La Gouvernance
La crise des prix n’est pas le seul obstacle pour Tereos. Ces dernières années, l’entreprise a traversé des turbulences internes, marquées par des changements fréquents à sa direction. La nomination récente d’un nouveau directeur général, Jorge Boucas, illustre cette instabilité. Ce dernier, venu d’une autre grande coopérative, a pour mission de stabiliser la gouvernance et de redonner du pouvoir aux coopérateurs.
« Nous devons donner plus de voix aux agriculteurs pour construire un avenir durable. »
Un représentant des coopérateurs
Cette volonté de renforcer la coopération pourrait être un atout. En impliquant davantage les agriculteurs dans les décisions stratégiques, Tereos espère restaurer la confiance et aligner les intérêts de tous les acteurs. Cependant, ce processus prend du temps, et les résultats ne seront pas immédiats.
Un Avenir Incertain Mais Plein D’Opportunités
L’industrie sucrière, bien que secouée, n’est pas à l’agonie. Tereos, avec sa taille et son expertise, dispose des atouts pour rebondir. Mais pour cela, l’entreprise devra naviguer avec agilité dans un marché volatile. Voici les grandes lignes de sa stratégie :
- Diversification des produits : Investir dans les bioplastiques et autres dérivés de la biomasse.
- Décarbonation : Réduire l’empreinte carbone pour répondre aux attentes des consommateurs.
- Optimisation de la gouvernance : Renforcer la collaboration avec les agriculteurs.
- Adaptation au marché : Ajuster la production face aux fluctuations des prix.
Le chemin sera semé d’embûches. La concurrence internationale, les incertitudes climatiques et les tensions géopolitiques, comme celles affectant les importations ukrainiennes, continueront d’influencer le marché. Pourtant, l’histoire de Tereos montre une capacité à se réinventer, comme en témoigne sa montée en gamme ces dernières années.
Quel Impact Pour Les Consommateurs ?
Pour le consommateur, cette crise pourrait avoir des effets contrastés. D’un côté, la baisse des prix du sucre pourrait se traduire par des produits moins chers sur les étals. De l’autre, la pression sur les agriculteurs et les restructurations potentielles pourraient affecter la qualité ou la disponibilité de certains produits. À long terme, la transition vers des produits durables, comme les bioplastiques, pourrait également influencer les habitudes de consommation.
En attendant, les marques emblématiques comme Beghin Say et La Perruche restent des références pour des millions de foyers. Leur avenir dépendra de la capacité de Tereos à transformer cette crise en opportunité.
| Défi | Solution envisagée |
|---|---|
| Chute des prix | Diversification vers les bioplastiques |
| Surproduction | Ajustement des volumes de production |
| Gouvernance instable | Renforcement du rôle des coopérateurs |
En conclusion, la crise actuelle est un test pour Tereos et, plus largement, pour l’industrie sucrière européenne. Si les défis sont nombreux, les opportunités le sont tout autant. En misant sur l’innovation, la durabilité et une gouvernance renforcée, Tereos pourrait non seulement surmonter cette tempête, mais aussi redéfinir son rôle dans une économie en mutation. Reste à savoir si ces efforts porteront leurs fruits face à un marché aussi imprévisible.
