Imaginez-vous réveillé à 3 heures du matin par des tirs nourris près du palais présidentiel. C’est exactement ce qu’ont vécu des milliers de Cotonouens dans la nuit du samedi au dimanche dernier. Une tentative de coup d’État venait d’être lancée contre le président Patrice Talon. Et pourtant, moins de 48 heures plus tard, le pouvoir annonçait déjà que tout était sous contrôle. Comment un putsch a-t-il pu être stoppé aussi rapidement ?
Une intervention régionale express après l’échec initial des putschistes
Le ministre des Affaires étrangères béninois, Olushegun Adjadi Bakari, a été très clair lors de sa conférence de presse à Abuja : quand les premières demandes d’aide internationale ont été formulées, le coup d’État était déjà en train d’échouer.
Les assaillants avaient choisi l’heure la plus sombre de la nuit pour frapper. Vers 3 heures, ils ont tenté de prendre d’assaut la résidence présidentielle. Mais les forces de défense béninoises, parfaitement préparées, les ont immédiatement bloqués. En quelques heures seulement, les putschistes se sont retrouvés acculés dans une caserne de la capitale.
200 soldats de la CEDEAO déjà déployés sur le sol béninois
Aujourd’hui, environ 200 militaires étrangers sont présents au Bénin pour sécuriser le pays et procéder à des opérations de ratissage. Parmi eux :
- Des soldats nigérians arrivés dès le dimanche
- Une cinquantaine d’Ivoiriens envoyés par Abidjan
- Des contingents ghanéens et sierraléonnais attendus dans les prochains jours
Cette mobilisation rapide montre à quel point la CEDEAO prend au sérieux la stabilité de ses membres. Le protocole de l’organisation sur la démocratie et la bonne gouvernance autorise en effet ce type d’intervention en cas de rupture de l’ordre constitutionnel.
« Il y a actuellement environ 200 soldats présents, qui sont venus prêter main-forte aux forces béninoises dans le cadre de l’opération de nettoyage et de ratissage »
Olushegun Adjadi Bakari, ministre béninois des Affaires étrangères
L’appui décisif de l’aviation nigériane
Le point le plus spectaculaire de cette crise reste sans doute l’intervention aérienne du Nigeria. Les putschistes, retranchés dans un camp militaire situé en pleine zone urbaine de Cotonou, disposaient de véhicules blindés. Impossible de les déloger sans risquer des pertes civiles massives.
Le président Talon a donc personnellement demandé l’appui aérien d’Abuja. Des appareils nigérians ont effectué des frappes ciblées pour neutraliser les blindés et empêcher toute sortie des rebelles vers l’aéroport international.
Une opération qualifiée de chirurgicale par les autorités béninoises, qui a permis d’éviter un bain de sang dans la plus grande ville du pays.
La France également impliquée en toute discrétion
Moins médiatisée mais confirmée par le chef de la garde républicaine béninoise : la présence de membres des forces spéciales françaises sur le terrain. Paris, partenaire historique de Cotonou en matière de défense, a apporté un soutien logistique et opérationnel décisif dans les toutes premières heures.
Cette coopération illustre une nouvelle fois le rôle discret mais constant de la France dans la stabilisation de ses anciens territoires en Afrique de l’Ouest.
Combien de temps les troupes étrangères resteront-elles ?
La question est sur toutes les lèvres à Cotonou. Le ministre Bakari a indiqué que la durée du séjour serait décidée dans les prochains jours. L’objectif affiché reste de sécuriser totalement le territoire et d’éviter toute résurgence du mouvement putschiste.
Certaines voix dans l’opposition béninoise s’inquiètent déjà d’une présence prolongée qui pourrait être perçue comme une ingérence. Le pouvoir, lui, insiste sur le caractère temporaire et purement technique de cette aide fraternelle.
Un précédent qui interroge sur la fragilité démocratique ouest-africaine
Cette tentative de coup d’État, même avortée, rappelle cruellement que la sous-région reste vulnérable. En quelques années seulement, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Niger ont connu des putschs réussis. Le Bénin, longtemps cité en exemple pour sa stabilité, semblait à l’abri.
Cet événement montre que personne n’est totalement immunisé. Et que la solidarité régionale, incarnée par la CEDEAO, peut parfois faire la différence entre chaos et retour à l’ordre constitutionnel.
Au moment où j’écris ces lignes, Cotonou retrouve peu à peu son calme. Les écoles rouvrent, les marchés reprennent vie. Mais dans beaucoup d’esprits, une question subsiste : qui étaient vraiment ces putschistes, et surtout, ont-ils agi seuls ? Les enquêtes en cours devront apporter des réponses claires pour éviter que ce scénario ne se reproduise.
Une chose est sûre : le Bénin vient de vivre un week-end qu’il n’est pas près d’oublier.









