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Tentative de Coup d’État au Bénin : Le Pouvoir Vacille-t-il ?

Ce matin, des militaires ont pris la télévision nationale pour annoncer la destitution de Patrice Talon. Coups de feu près de sa résidence, accès bloqués… Mais la présidence jure que tout est sous contrôle. Alors, vrai putsch ou simple tentative désespérée ? La suite risque de vous surprendre.

Imaginez-vous réveillé un dimanche matin par une annonce surréaliste à la télévision : des militaires en treillis déclarent avoir renversé le président de la République. C’est exactement ce qui s’est produit au Bénin ce week-end. Un événement qui, en quelques heures, a fait trembler tout un pays pourtant réputé stable dans une région ouest-africaine habituée aux soubresauts militaires.

Une matinée qui a basculé en quelques minutes

Tout commence très tôt, vers six heures du matin. Sur les écrans de la télévision publique béninoise, un groupe d’officiers apparaît à l’antenne. Ils se présentent comme le « Comité militaire pour la refondation » et affirment, d’une voix posée mais ferme, avoir « démis de ses fonctions » le président Patrice Talon. Le message est court, clair, et surtout diffusé sur la chaîne nationale : l’acte classique d’un coup d’État en Afrique de l’Ouest.

Mais très vite, le signal de la télévision est coupé. Plus d’image, plus de son. Les Béninois qui suivaient l’annonce restent scotchés devant un écran noir. Dans les rues de Cotonou, la vie semble pourtant continuer normalement… pour l’instant.

La réponse immédiate de l’entourage présidentiel

Moins d’une heure après la diffusion, une source très proche du palais contacte les journalistes. Le message est rassurant : le président Patrice Talon est « en sécurité », l’armée loyaliste a déjà repris la situation en main. « Il s’agit d’un groupuscule qui n’a contrôlé que la télévision », précise cette source. En clair : pas de panique, c’est sous contrôle.

« La ville et le pays sont totalement sécurisés. L’armée régulière reprend le contrôle. »

Source proche de la présidence

Des sources militaires abondent dans le même sens. On parle d’un « nettoyage » en cours, d’une opération qui ne devrait prendre que quelques heures. Le domicile du chef de l’État n’aurait jamais été pris, pas plus que la présidence elle-même. Seule la télévision nationale était entre les mains des putschistes… et encore, plus pour très longtemps.

Des coups de feu près de la résidence présidentielle

Pourtant, tous les signaux ne sont pas au vert. L’ambassade de France à Cotonou publie très vite un message alarmant sur les réseaux sociaux : des coups de feu ont été entendus près du domicile du président. Conseils de prudence, invitation à rester chez soi. Le quartier huppé où vit Patrice Talon est bouclé, tout comme plusieurs artères stratégiques de la capitale économique.

Des barrages militaires filtrent les accès à la présidence, à la télévision nationale, mais aussi à des hôtels de luxe et aux quartiers abritant des ambassades. L’image est forte : des soldats en armes, des véhicules blindés légers, une tension palpable même si, paradoxalement, le reste de la ville continue de vivre au ralenti dominical.

Un pays habitué aux soubresauts… mais plus depuis longtemps

Le Bénin n’est pas un novice en matière de coups d’État. Entre 1963 et 1972, le pays a connu pas moins de cinq putschs réussis. Mathieu Kérékou lui-même était arrivé au pouvoir par les armes avant de rendre le pouvoir aux civils… puis de le reprendre par les urnes. Mais depuis le retour à la démocratie en 1991, le Bénin passait pour un îlot de stabilité dans une sous-région agitée.

Cette réputation avait déjà été écornée ces dernières années avec les accusations de dérive autoritaire portées contre Patrice Talon. Élu en 2016, réélu en 2021 dans un scrutin boycotté par l’opposition radicale, l’homme d’affaires devenu président a réformé la Constitution, modifié le code électoral et écarté ses principaux adversaires. Beaucoup parlaient déjà d’une « démocrature » béninoise.

Le contexte régional pèse lourd

Impossible de comprendre cet événement sans regarder autour. Depuis 2020, l’Afrique de l’Ouest a été secouée par une vague inédite de coups d’État : Mali (deux fois), Guinée Conakry, Burkina Faso (deux fois également), Niger, et tout récemment une tentative en Guinée-Bissau fin novembre. Partout le même schéma : des colonels ou capitaines mécontents prennent le pouvoir, souvent avec un soutien populaire initial.

  • Mali : Août 2020 et mai 2021
  • Guinée : Septembre 2021
  • Burkina Faso : Janvier et septembre 2022
  • Niger : Juillet 2023
  • Guinée-Bissau : tentative novembre 2024

Dans presque tous les cas, la justification avancée est la même : l’incapacité des pouvoirs civils à juguler la menace jihadiste au Sahel et dans le nord de ces pays. Le Bénin, justement, commence à être touché par les groupes armés qui descendent du Sahel vers le golfe de Guinée. Les attaques se multiplient dans le nord, près des frontières avec le Burkina et le Niger.

Patrice Talon : un président à la fois adulé et contesté

Patrice Talon, c’est d’abord l’histoire d’un self-made-man. Surnommé le « roi du coton » avant 2016, il a bâti une fortune colossale dans l’agro-business. Arrivé au pouvoir avec la promesse de n’effectuer qu’un seul mandat (promesse qu’il n’a pas tenue), il a lancé de grands chantiers : modernisation du port de Cotonou, routes, zones économiques spéciales.

Les chiffres sont là : croissance moyenne autour de 6 % par an, investissements étrangers en hausse, image de « bon élève » auprès des institutions financières. Mais le revers de la médaille est lourd : répression accrue contre l’opposition, exil de nombreux leaders, presse muselée, justice instrumentalisée selon les ONG.

En avril 2026, Patrice Talon doit quitter le pouvoir après deux mandats, limite constitutionnelle. L’opposition radicale est déjà hors jeu pour la prochaine présidentielle. Seuls des candidats « modérés » ou proches du pouvoir semblent autorisés à se présenter. C’est dans ce climat que certains observateurs craignaient une explosion… mais pas forcément militaire.

Que sait-on vraiment des putschistes ?

Pour l’instant, très peu de choses. Le « Comité militaire pour la refondation » n’avait jamais été mentionné auparavant. Aucun leader clairement identifié, aucun communiqué détaillé. Seule certitude : ils ont réussi à pénétrer dans les studios de la télévision nationale et à diffuser leur message pendant quelques minutes.

Plusieurs hypothèses circulent : un groupe d’officiers subalternes frustrés par les promotions ou les conditions de lutte contre le jihadisme ? Des éléments proches de l’opposition radicale ? Ou simplement une opération isolée, mal préparée, qui a tourné court dès que l’état-major loyaliste a réagi ?

La journée décisive : dimanche après-midi et soir

Vers midi, les accès à la télévision nationale sont toujours bloqués, mais les barrages se relâchent progressivement. L’aéroport fonctionne normalement, les marchés restent ouverts, les églises se remplissent pour les messes dominicales. À Cotonou, la vie reprend doucement ses droits, comme si la population avait intégré que cette fois encore, le coup n’avait pas pris.

En fin d’après-midi, aucune nouvelle annonce des putschistes. Le silence radio est total de leur côté. Du côté du pouvoir, on continue d’afficher la sérénité : « C’est une question de temps, tout rentrera dans l’ordre ». Des arrestations auraient déjà eu lieu parmi les militaires impliqués.

Et maintenant ? Les scénarios possibles

Plusieurs issues se dessinent dans les heures et jours qui viennent :

  1. Le pouvoir reprend totalement la main sans effusion de sang majeure et présente les putschistes comme une poignée de factieux isolés.
  2. Des combats éclatent si une partie de l’armée bascule du côté des mutins (scénario peu probable à ce stade).
  3. Patrice Talon profite de l’événement pour renforcer son contrôle sur l’appareil sécuritaire et accélérer la marginalisation de toute opposition.
  4. La communauté internationale (CEDEAO, Union africaine, France) condamne fermement et menace de sanctions en cas de succès du putsch.

Pour l’instant, le scénario numéro 1 semble le plus crédible. Mais dans une région où plus personne ne croyait au coup d’État possible au Niger… jusqu’à ce qu’il arrive, rien n’est jamais totalement écrit.

Un avertissement pour l’avenir ?

Cette tentative, même avortée, en dit long sur la fragilité des équilibres actuels. Quand un pays comme le Bénin, longtemps cité en exemple, voit des militaires oser prendre la télévision pour annoncer la chute du président, c’est que le mécontentement couve profondément.

Entre une menace jihadiste qui progresse, une démocratie qui recule et un président accusé de confisquer le pouvoir, les ingrédients d’une crise plus grave sont réunis. Ce dimanche matin n’était peut-être qu’un avant-goût.

Pour l’instant, Patrice Talon est toujours président. La télévision nationale devrait retrouver l’antenne dans les prochaines heures. Mais dans les esprits, quelque chose a changé. Le Bénin n’est plus tout à fait cette exception tranquille qu’il prétendait être.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Le Bénin va-t-il réussir à tourner la page sans dommage, ou cette alerte rouge annonce-t-elle des jours plus sombres ? L’histoire, comme toujours en Afrique de l’Ouest, est en train de s’écrire sous nos yeux.

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