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Tentative de Coup d’État au Bénin : Le Calme Revient Après le Chaos

Ce dimanche, des militaires ont annoncé à la télévision avoir renversé Patrice Talon. Quelques heures plus tard, le président reprenait la parole pour affirmer que tout était sous contrôle… Que s’est-il réellement passé à Cotonou, et surtout, qui se cache derrière cette tentative de putsch ?

Imaginez-vous réveillé en sursaut par des coups de feu dans la capitale, la télévision nationale interrompue par des militaires en treillis qui proclament la chute du régime. C’est exactement ce qu’ont vécu des milliers de Béninois ce dimanche. En quelques heures, le pays a basculé dans l’incertitude la plus totale avant de retrouver, presque miraculeusement, son calme habituel le lundi matin.

Une tentative de coup d’État brutalement interrompue

Le scénario semblait pourtant bien rodé. Des militaires armés font irruption dans les studios de la télévision nationale en plein après-midi. Ils annoncent sans trembler avoir « pris le pouvoir » et « suspendu la Constitution ». Le président Patrice Talon serait, selon eux, destitué. Pendant plusieurs heures, personne ne sait réellement qui contrôle quoi.

Mais la riposte a été immédiate et massive. Contrairement à d’autres pays voisins où les putschs ont réussi en quelques heures, le Bénin a bénéficié d’un soutien extérieur rapide et déterminant. Le Nigeria, géant régional, n’a pas hésité une seconde.

L’intervention décisive du voisin nigérian

Dès les premières heures de la crise, les autorités béninoises contactent Abuja. La réponse est immédiate : des frappes aériennes sont menées sur les positions des mutins à Cotonou même. Des troupes au sol sont ensuite déployées pour appuyer les forces loyalistes.

Cette rapidité d’action a probablement sauvé la situation. En quelques heures à peine, les positions rebelles sont démantelées. Le président Talon peut alors prendre la parole dimanche soir pour déclarer que « la situation est totalement sous contrôle ».

« Nous avons fait front, repris les positions jusqu’à nettoyer les dernières poches de résistance des mutins »

Patrice Talon, président du Bénin – allocution du dimanche soir

Deux hauts gradés libérés dans la nuit

L’un des moments les plus tendus de cette journée a été la prise en otage de deux officiers supérieurs : le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Abou Issa, et le chef d’état-major de la garde nationale, Faïzou Gomina.

Retenus par les mutins près de la base de la Garde nationale, leur sort inquiétait particulièrement. Finalement, dans la nuit de dimanche à lundi, les deux hommes ont été libérés sains et saufs lors d’opérations des forces loyalistes appuyées par les soldats nigérians.

Leur libération a marqué un tournant symbolique fort : les putschistes perdaient leur principal levier de négociation.

Cotonou retrouve doucement son souffle

Lundi matin, la capitale économique présente un visage contrasté. Quelques chars sont encore visibles le long du boulevard de la Marina, cette artère stratégique qui dessert le palais présidentiel et le port. Des barrages filtrent toujours l’accès à certains quartiers sensibles.

Mais la vie reprend déjà ses droits. Les marchés rouvrent timidement, les motos-taxis circulent de nouveau, les embouteillages familiers se reforment. Les Béninois, connus pour leur calme légendaire, semblent vouloir tourner la page au plus vite.

Dans les kiosques, les journaux du jour affichent tous la même une : le président rassure, le coup d’État a échoué. Le soulagement est palpable.

Un leader en fuite, des arrestations en cours

Le cerveau présumé de l’opération, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, reste introuvable ce lundi. Considéré comme le chef des mutins, il aurait réussi à prendre la fuite pendant les combats de la nuit.

En revanche, une douzaine de militaires impliqués ont déjà été arrêtés. Le président Talon a promis que « cette forfaiture ne restera pas impunie ». Une enquête approfondie est en cours pour identifier tous les acteurs et surtout les éventuels commanditaires.

La Cedeao passe à l’action rapide

Contrairement au coup d’État au Niger en 2023 où l’organisation régionale avait menacé une intervention avant de finalement reculer, la Cedeao a cette fois-ci agi sans hésitation.

Dès dimanche soir, elle annonce le déploiement immédiat de troupes venant du Nigeria, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Objectif : soutenir « le gouvernement et l’armée républicaine » du Bénin et « préserver l’ordre constitutionnel ».

Une réunion extraordinaire est prévue ce lundi à Abidjan pour coordonner la suite des opérations et sans doute réfléchir à une stratégie régionale face à cette nouvelle vague d’instabilité.

Un contexte régional explosif

Cette tentative de coup d’État ne sort pas de nulle part. Depuis 2020, l’Afrique de l’Ouest connaît une véritable épidémie de putschs : Mali, Guinée, Burkina Faso deux fois, Niger… Et récemment encore, une tentative en Guinée-Bissau fin novembre.

Le Bénin, longtemps considéré comme un îlot de stabilité dans une région tourmentée, semblait jusqu’ici épargné. Le pays doit pourtant faire face à une menace grandissante : les groupes jihadistes qui, partis du Sahel, progressent inexorablement vers le sud et frappent désormais le nord du territoire.

Cette pression sécuritaire permanente, combinée à un climat politique tendu, crée un cocktail explosif.

Patrice Talon : un bilan contrasté à l’approche de 2026

Au pouvoir depuis 2016, Patrice Talon arrivera en avril 2026 au terme de son second et dernier mandat, conformément à la Constitution. L’homme d’affaires devenu président laisse un bilan en demi-teinte.

D’un côté, il est largement crédité du décollage économique du pays : croissance soutenue, modernisation des infrastructures, développement du port de Cotonou… De l’autre, ses opposants lui reprochent un virage autoritaire marqué : réforme constitutionnelle controversée, mise à l’écart de nombreux adversaires politiques, contrôle accru sur les institutions.

Son dauphin désigné, l’actuel ministre des Finances Romuald Wadagni, fait figure de grand favori pour la présidentielle de 2026. Le principal parti d’opposition ayant été écarté du jeu électoral, la transition semble déjà écrite.

Cette concentration du pouvoir a-t-elle contribué à créer les conditions d’une tentative de coup d’État ? La question mérite d’être posée.

Les réactions internationales

La communauté internationale n’a pas tardé à réagir. L’Union africaine, l’ONU, la France – ancienne puissance coloniale – et bien sûr la Cedeao ont toutes condamné sans ambiguïté cette tentative de renversement du pouvoir par la force.

Ces condamnations, presque rituelles, montrent à quel point l’instabilité politique en Afrique de l’Ouest est devenue une préoccupation majeure pour la stabilité du continent tout entier.

Et maintenant ?

Si le calme est revenu dans les rues de Cotonou ce lundi, de nombreuses questions restent en suspens. Qui sont vraiment les mutins ? Y avait-il des commanditaires politiques ou étrangers ? Cette tentative était-elle isolée ou le symptôme d’un malaise plus profond au sein de l’armée et de la société béninoise ?

Une chose est sûre : l’épisode de ce week-end a rappelé à tous que même les démocraties apparemment solides restent fragiles face aux ambitions et aux frustrations. Le Bénin, petit pays côtier longtemps cité en exemple, entre désormais dans une période d’incertitude alors que s’approche l’échéance cruciale de 2026.

Le président Talon a sauvé son régime grâce à une réaction rapide et un soutien régional sans faille. Mais pour combien de temps ? L’histoire récente de l’Afrique de l’Ouest nous enseigne qu’un coup d’État déjoué aujourd’hui peut parfois n’être que le prélude à d’autres crises demain.

Pour l’instant, les Béninois retrouvent leur quotidien. Les motos vrombissent de nouveau, les marchés reprennent leurs couleurs, et la vie continue. Mais dans beaucoup d’esprits, une question persiste : était-ce vraiment la dernière alerte ?

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