Le sud de la Mauritanie est en proie à de violentes émeutes suite à l’annonce des résultats de l’élection présidentielle donnant la victoire au président sortant Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Trois personnes ont trouvé la mort dans ces troubles qui secouent la région, plongeant le pays dans une crise post-électorale aux conséquences imprévisibles. Retour sur ces événements qui menacent la fragile stabilité de cette nation de l’Afrique de l’Ouest.
Une nuit d’émeutes meurtrières à Kaédi
C’est dans la ville de Kaédi, située dans la vallée du fleuve Sénégal, qu’ont éclaté les premières violences dans la nuit de lundi à mardi. Des émeutiers ont semé le chaos, pillant des commerces et s’en prenant aux infrastructures publiques. Face à ces débordements, les forces de sécurité ont dû intervenir, donnant lieu à des affrontements. Bilan : trois morts parmi les manifestants arrêtés, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur, qui reste avare en détails sur les circonstances exactes des décès.
Un contexte post-électoral tendu
Ces émeutes surviennent alors que la Mauritanie est suspendue à l’annonce des résultats définitifs de la présidentielle de samedi dernier. Lundi, la commission électorale a proclamé la victoire dès le premier tour du président Ghazouani, au pouvoir depuis 2019, avec plus de 60% des suffrages. Une issue contestée par l’opposition qui dénonce des irrégularités et réclame un second tour.
Les institutions démocratiques du pays sont mises à rude épreuve par cette crise post-électorale sans précédent depuis l’instauration du multipartisme en 1991.
Alioune Tine, expert électoral
Des tensions communautaires en toile de fond
Au-delà de la seule question électorale, ces événements mettent en lumière les profondes fractures qui traversent la société mauritanienne. Le sud du pays, frontalier du Sénégal, concentre d’importantes communautés négro-africaines qui s’estiment marginalisées face à une élite issue des populations arabo-berbères. Des tensions identitaires et socio-économiques qui constituent un terreau fertile pour les violences.
- Un clivage ethno-racial persistant entre Maures et populations noires
- Des inégalités criantes en termes d’accès aux ressources et aux postes de pouvoir
- Une jeunesse désœuvrée, première victime du chômage et de la pauvreté
Une réponse sécuritaire qui suscite des interrogations
Face à ces émeutes, le gouvernement a opté pour une approche sécuritaire musclée. Un important dispositif policier et militaire a été déployé à Kaédi et dans les autres villes du sud pour rétablir l’ordre. Mais cette stratégie pose question au regard du lourd bilan humain et des circonstances encore floues des décès de manifestants en détention.
Plutôt que la répression aveugle, les autorités doivent ouvrir le dialogue avec toutes les composantes de la société pour apaiser les tensions et traiter les racines de la colère.
Bakary Tandia, avocat spécialiste des droits humains
Quel avenir pour une Mauritanie sous tension ?
Ces émeutes meurtrières installent le pays dans une situation de grande instabilité. La contestation de la réélection de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani fragilise sa légitimité et sa capacité à rassembler une nation divisée. Dans ce contexte inflammable, la Mauritanie semble au bord de l’embrasement, d’autant que les revendications sociales qui nourrissent la colère restent sans réponse.
Pour sortir de l’ornière, le pouvoir devra faire preuve d’ouverture et engager des réformes profondes pour réduire les inégalités, promouvoir la justice sociale et donner des perspectives à une jeunesse désabusée. Faute de quoi, le pays risque de s’enfoncer dans un cycle de violences aux conséquences désastreuses. L’avenir de la Mauritanie est plus que jamais suspendu à la capacité de ses dirigeants à instaurer un véritable dialogue national inclusif pour relever les immenses défis qui l’attendent.
