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Tensions Mer Noire et Chine Poussent les Céréales à la Hausse

La mer Noire s’enflamme de nouveau : Poutine menace de couper l’accès maritime de l’Ukraine. Résultat ? Les cours du blé remontent brutalement à plus de 192 €/t. Mais ce n’est pas tout… La Chine, elle, traîne des pieds pour acheter le soja américain. Conséquence inattendue : même l’orge devient plus chère que le blé. Jusqu’où ira cette flambée ?

Imaginez un instant : un tanker chargé d’huile de tournesol qui navigue tranquillement au large des côtes turques, et soudain, une explosion. Ce scénario n’a rien d’une fiction. Il s’est produit il y a quelques jours et a suffi à faire trembler l’ensemble des marchés agricoles mondiaux.

Une prime de risque qui revient hanter les cours

Depuis mardi, les déclarations du président russe ont jeté un froid. Vladimir Poutine a clairement indiqué que la Russie envisageait d’élargir ses frappes contre tout navire entrant dans les ports ukrainiens. Pire, il a évoqué des mesures de rétorsion contre les pays qui soutiennent l’Ukraine sur mer et même l’idée radicale de couper totalement l’accès maritime du pays.

En quelques heures, les opérateurs ont réagi. Le blé a repris plus de cinq euros en une seule séance sur Euronext pour repasser au-dessus des 192 euros la tonne sur l’échéance décembre. Le maïs et le colza ont suivi le mouvement, même si l’ampleur reste bien moindre qu’en 2022 lors du blocus total.

« On assiste au retour brutal d’une prime de risque géopolitique autour de l’Ukraine »

Les infrastructures ukrainiennes au bord de l’asphyxie

Au-delà de l’effet immédiat sur les cotations, le conflit pèse lourdement sur la logistique ukrainienne. Les silos manquent d’électricité pour fonctionner correctement, les séchoirs tournent au ralenti, les voies ferrées et les routes sont endommagées. Tout cela ralentit considérablement l’écoulement des stocks.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la moisson de maïs accuse un retard important à cause des intempéries. Normalement terminée fin novembre, elle traîne encore dans de nombreuses régions. Or l’Ukraine reste le premier fournisseur de maïs de l’Union européenne. Ce simple retard soutient mécaniquement les prix européens, même face à une campagne mondiale record.

Retenons : moins de grains ukrainiens disponibles rapidement = soutien durable des cours en Europe, indépendamment des fondamentaux mondiaux.

L’orge plus chère que le blé : un phénomène rarissime

Dans ce contexte déjà tendu, un autre phénomène interpelle les traders : l’orge fourragère cote désormais plus cher que le blé tendre. Une inversion historique qui ne s’était quasiment jamais vue.

Plusieurs raisons à cela. D’abord, les surfaces d’orge ont fortement diminué ces dernières années en Ukraine et en Russie, les deux grands producteurs traditionnels. Ensuite, la Turquie traverse une campagne catastrophique et cherche désespérément à reconstituer ses stocks. Enfin, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient se tournent massivement vers l’orge européenne en attendant les nouvelles récoltes australiennes et argentines.

Résultat ? Même l’orge brassicole française, pourtant de qualité supérieure, se trouve aspirée par la demande fourragère. Les brasseurs risquent de devoir payer le prix fort dans les prochains mois.

Le blé français trouve des débouchés inattendus

Paradoxalement, cette tension sur l’orge et le maïs offre une bouffée d’oxygène au blé français. Avec une récolte abondante cette année, la concurrence à l’export reste féroce (Russie, États-Unis, Australie…). Mais en Europe même, la demande explose pour l’alimentation animale.

Quand l’orge devient hors de prix et que le maïs ukrainien tarde à arriver, les éleveurs se reportent mécaniquement sur le blé. Ce soutien intra-communautaire permet de limiter la casse pour les agriculteurs français qui voyaient leurs prix s’effondrer ces dernières semaines.

Outre-Atlantique, la Chine joue la montre

À l’autre bout du monde, les États-Unis observent avec inquiétude le comportement chinois. Après l’annonce tonitruante d’un accord portant sur 12 millions de tonnes de soja d’ici fin 2025, les achats réels restent très timides.

Les dernières estimations font état de seulement 3 à 4 millions de tonnes réellement contractualisées. Les opérateurs commencent à douter sérieusement de la capacité de Washington à tenir ses objectifs d’exportation. D’autant que le Brésil et l’Argentine proposent actuellement des prix plus compétitifs.

« Beaucoup de gens deviennent sceptiques. Les Chinois achètent au compte-gouttes »

Un marché qui reste extrêmement nerveux

En résumé, malgré une offre mondiale abondante – record attendu pour le maïs, bonne campagne blé dans l’hémisphère nord, récoltes sud-américaines qui s’annoncent généreuses –, les marchés agricoles retrouvent une volatilité qu’on croyait appartenir au passé.

Chaque incident en mer Noire, chaque déclaration politique, chaque retard météorologique est scruté à la loupe. Les opérateurs savent que l’équilibre reste précaire : un silo détruit, un port bloqué, une décision chinoise inattendue suffisent à faire basculer les cours de plusieurs euros en quelques heures.

Et pendant ce temps, les agriculteurs européens, coincés entre des charges toujours élevées et des prix qui peinent à décoller durablement, retiennent leur souffle. La moindre étincelle peut tout faire basculer… dans un sens comme dans l’autre.

À suivre dans les toutes prochaines heures : toute nouvelle escalade en mer Noire pourrait propulser le blé au-delà des 200 €/t avant même la fin de semaine.

Les marchés n’ont clairement pas fini de trembler.

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