Imaginez deux chasseurs qui se fixent à plusieurs centaines de kilomètres/heure, l’un japonais, l’autre chinois, et soudain un signal strident retentit dans le cockpit nippon : le radar ennemi vient de les verrouiller. Ce n’est pas un film hollywoodien. C’est ce qui s’est produit samedi au-dessus des eaux internationales près d’Okinawa. Un incident qui a poussé Tokyo à convoquer dès le lendemain l’ambassadeur de Chine pour une protestation officielle d’une rare fermeté.
Un verrouillage radar qui fait monter la tension d’un cran
Le principe est simple et terrifiant à la fois. Quand un avion militaire passe en mode « verrouillage », son radar ne balaie plus le ciel : il suit une cible précise pour préparer un tir de missile. Les systèmes modernes avertissent immédiatement le pilote visé. Samedi, deux J-15 décollés du porte-avions Liaoning ont effectué cette manœuvre à deux reprises contre des appareils japonais.
Aucun missile n’a été lancé, aucun dégât n’est à déplorer, mais le message est clair : la Chine montre les dents dans une zone qu’elle considère comme stratégique. Tokyo, de son côté, parle d’« actes extrêmement dangereux » et demande des garanties que cela ne se reproduira plus.
Le contexte taïwanais qui met le feu aux poudres
Cet incident ne sort pas de nulle part. Il intervient un mois après des déclarations explosives de la Première ministre japonaise Sanae Takaichi. Celle-ci a laissé entendre que le Japon pourrait intervenir militairement si la Chine attaquait Taïwan. Une ligne rouge franchie pour Pékin, qui considère l’île comme une province rebelle.
Depuis, la température n’a fait que monter. La Chine a déconseillé à ses ressortissants de voyager au Japon, des événements culturels ont été annulés, et des restrictions informelles semblent toucher certains produits japonais. L’incident aérien apparaît donc comme une réponse musclée sur le terrain militaire.
« Nous réagirons avec calme et fermeté »
Sanae Takaichi, Première ministre japonaise
Les îles Senkaku, l’autre abcès de fixation
À peine remis de l’épisode aérien, un nouveau différend éclate en mer. La semaine dernière, deux patrouilleurs chinois sont entrés dans les eaux territoriales japonaises autour des îles Senkaku (Diaoyu pour Pékin). Tokyo a immédiatement dépêché ses garde-côtes. Pékin, lui, affirme avoir chassé un bateau de pêche japonais entré « illégalement » dans ses eaux.
Ces incursions sont presque devenues routinières, mais elles conservent toujours le même potentiel explosif. Chaque camp affirme sa souveraineté, chaque camp envoie ses navires, et la moindre erreur de navigation peut dégénérer.
Chronologie des tensions récentes
- Octobre 2025 – Sanae Takaichi évoque une possible intervention japonaise à Taïwan
- Novembre 2025 – Pékin déconseille les voyages au Japon
- Décembre 2025 – Incursion maritime aux Senkaku
- 6 décembre 2025 – Verrouillage radar par deux J-15 chinois
- 7 décembre 2025 – Convocation de l’ambassadeur Wu Jianghao à Tokyo
La réponse chinoise : démenti et contre-accusation
Pékin n’a pas tardé à réagir. La marine chinoise qualifie les accusations japonaises de « totalement contraires aux faits ». Le ministère des Affaires étrangères va plus loin : il somme Tokyo de « cesser immédiatement ses manœuvres dangereuses de harcèlement » contre les exercices chinois, qualifiés de « normaux ».
En clair, chacun accuse l’autre de provocation. Un grand classique des relations sino-japonaises quand il s’agit de la mer de Chine orientale.
Les terres rares, l’arme économique en embuscade
Pour l’instant, la Chine s’est abstenue de mesures économiques brutales. Pas de nouvelle interdiction officielle sur les produits de la mer japonais, pas de limitation des exportations de terres rares. Mais des signaux inquiètent : selon plusieurs entreprises japonaises, les autorisations d’exportation de ces minerais stratégiques (indispensables aux batteries et aux smartphones) prennent soudain beaucoup plus de temps.
Une façon discrète mais efficace de rappeler à Tokyo qui tient une partie des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le Japon renforce sa vigilance
De son côté, l’archipel n’entend pas céder. La Première ministre a annoncé un renforcement de la surveillance maritime et aérienne autour du pays. Les forces d’Okinawa, déjà très militarisées, voient leur rôle stratégique encore accru.
Les Forces d’autodéfense japonaises multiplient les patrouilles. Les radars tournent à plein régime. Et les pilotes, désormais, gardent un œil particulièrement attentif sur tout appareil portant l’étoile rouge.
Vers une escalade incontrôlable ?
L’histoire a montré que ces dernières années que les incidents aériens et maritimes entre Chine et Japon (ou avec les États-Unis dans la région) peuvent très vite déraper. Un mauvais calcul, une erreur d’interprétation, et un simple verrouillage radar peut se transformer en affrontement armé.
Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si les tensions vont continuer, mais jusqu’où elles peuvent monter avant qu’un seuil critique ne soit franchi. Taïwan reste l’épicentre du risque, mais la mer de Chine orientale et les îles Senkaku constituent des détonateurs tout aussi dangereux.
Dans ce climat, chaque geste diplomatique, chaque sortie de navire ou d’avion est scruté, interprété, parfois surinterprété. Et pendant ce temps, les populations des deux côtés suivent avec une inquiétude croissante cette partie d’échecs grandeur nature dont l’issue pourrait changer la face de l’Asie-Pacifique.
Pour l’instant, la raison semble l’emporter : pas de victimes, pas de tirs. Mais la répétition de ces « incidents » rapproche inexorablement les deux puissances d’un point de non-retour. Et dans ce genre de situation, l’histoire nous a appris que la paix ne tient parfois qu’à un fil… ou à un signal radar.









