Les relations diplomatiques entre l’Inde et le Bangladesh traversent une période tumultueuse depuis plusieurs mois. Un émissaire indien de haut rang s’est rendu lundi à Dacca, la capitale bangladaise, dans l’espoir d’apaiser les tensions qui se sont exacerbées après la chute de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina en août dernier.
La fuite de Sheikh Hasina en Inde, point de discorde
Selon des sources proches du dossier, le départ précipité de Mme Hasina pour l’Inde, où elle se trouve toujours malgré une demande d’extradition émise par son pays, est au cœur des dissensions actuelles. La dirigeante, qui a exercé un pouvoir autoritaire pendant 15 ans avec le soutien de New Delhi, a dû quitter le pouvoir en catastrophe face à un important mouvement de contestation étudiant.
Muhammad Yunus, qui assure l’intérim à la tête du Bangladesh, n’a pas mâché ses mots envers le voisin indien, l’accusant de « saper les efforts pour construire un nouveau Bangladesh ». Cet économiste de 84 ans, prix Nobel de la paix, avait lui-même fait l’objet de plus de cent poursuites judiciaires sous le règne de Sheikh Hasina après une brève incursion en politique.
Violations des droits humains sous Hasina
Muhammad Yunus a vivement critiqué le soutien inconditionnel apporté par l’Inde au régime de l’ancienne Première ministre, marqué par de nombreuses violations des droits fondamentaux. Des ONG et défenseurs des droits humains ont régulièrement dénoncé la répression violente des opposants, la restriction des libertés et les arrestations arbitraires qui ont eu cours pendant cette période.
Le sort de la minorité hindoue, autre pomme de discorde
Du côté indien, on s’inquiète du sort de la minorité hindoue du Bangladesh, qui représente environ 10% de la population de ce pays à majorité musulmane. Des attaques et des actes de vandalisme visant des temples et des commerces appartenant à des hindous ont été rapportés depuis la chute de Sheikh Hasina, vue comme une protectrice de cette communauté.
L’arrestation le mois dernier d’un prêtre hindou contestataire pour sédition a encore aggravé les tensions. Des partisans du Premier ministre nationaliste indien Narendra Modi ont appelé à une ligne dure envers Dacca. Le gouvernement bangladais a pour sa part accusé l’Inde de mener une « campagne de propagande », tout en reconnaissant et condamnant les violences.
Une rue sous pression
Signe du climat délétère, des centaines de manifestants du Parti nationaliste bangladais (BNP) ont défilé dimanche jusqu’à l’ambassade indienne à Dacca, protestant contre une tentative d’intrusion de militants hindous dans un consulat du Bangladesh en Inde. Dacca a déposé une protestation officielle et rappelé plusieurs diplomates.
En parallèle, Sheikh Hasina est sortie de son silence depuis New Delhi pour s’adresser par vidéo à ses partisans, au risque de jeter de l’huile sur le feu. Selon le ministère bangladais des Affaires étrangères, l’émissaire indien a assuré que sa présence en Inde « n’a aucune incidence » sur les relations bilatérales.
Une visite pour renouer le dialogue
La visite de Vikram Misri, haut responsable de la diplomatie indienne, est la première rencontre de ce niveau depuis août. L’enjeu est de taille pour les deux pays, qui partagent une frontière de plus de 4000 km et de profondes relations historiques, culturelles et économiques malgré une histoire conflictuelle.
Il faut reconnaître qu’il y a eu un changement qualitatif des relations entre les deux pays. En reconnaissant cette réalité, les relations doivent continuer à aller de l’avant.
Touhid Hossain, ministre des Affaires étrangères par intérim du Bangladesh
Reste à savoir si cette visite permettra d’apaiser les tensions et de poser les jalons d’une relation apaisée entre les deux géants d’Asie du Sud. Au-delà des personnes, c’est la stabilité et la prospérité de toute une région qui est en jeu. Le Bangladesh comme l’Inde ont intérêt à tourner la page des crispations pour se concentrer sur leur développement et les défis communs qui les attendent.