Quand Michel Barnier a été nommé Premier ministre, beaucoup s’attendaient à une cohabitation difficile avec le camp présidentiel. Et force est de constater que les premières semaines de ce « mariage de raison » ont été émaillées de plusieurs moments de tension, laissant présager une coexistence des plus houleuses pour les mois à venir.
Une passation de pouvoir sous haute tension
Dès la passation de pouvoir avec son prédécesseur Gabriel Attal, le ton était donné. Sur le perron de Matignon, l’ex-locataire des lieux s’est fendu d’un long monologue, visiblement peu au goût de Michel Barnier qui peinait à masquer son impatience. Lâchant une première pique teintée d’ironie, le nouveau Premier ministre a demandé la parole pour livrer quelques « enseignements », non sans un brin de condescendance.
Un premier accroc qui n’a pas manqué de faire grincer des dents du côté de la macronie, certains jugeant l’attitude de Barnier pour le moins inélégante. Mais ce n’était là qu’un avant-goût des frictions à venir.
Le rapport au RN, pomme de discorde
Quelques jours plus tard, c’est au tour du jeune ministre de l’Économie Antoine Armand de provoquer un mini-séisme en excluant toute collaboration avec le Rassemblement National. Une sortie aussitôt sanctionnée par un tir groupé de Marine Le Pen et des siens, menaçant de placer le gouvernement sous « surveillance ».
Pris entre deux feux, Michel Barnier n’a eu d’autre choix que de recadrer son ministre, allant jusqu’à appeler directement la patronne du RN pour la rassurer. Un rétropédalage qui en dit long sur la ligne de crête sur laquelle le Premier ministre est condamné à avancer.
L’épineuse question calédonienne
Mais c’est sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie que les divergences se sont fait le plus durement ressentir. En annonçant l’abandon de la réforme contestée du corps électoral et le report des élections provinciales, Michel Barnier a sérieusement froissé une partie des macronistes, à commencer par le député loyaliste Nicolas Metzdorf qui a ouvertement accusé le chef du gouvernement d’avoir « humilié les Calédoniens ».
Je suis effaré par la manière dont le Premier ministre a jeté à la poubelle le travail effectué par le gouvernement précédent sur ce dossier sensible.
Nicolas Metzdorf, député loyaliste
Un camouflet pour les ex-ministres qui avaient porté la réforme, à l’image de Gérald Darmanin et de Sébastien Lecornu, qui n’ont pas manqué de manifester leur mécontentement en quittant l’hémicycle lors des questions au gouvernement. Le signe que la pilule a du mal à passer.
Le chantier budgétaire, prochain test
Mais c’est assurément sur le budget 2025 que se jouera la suite de la cohabitation. En annonçant un « effort fiscal temporaire » sur les entreprises et les ménages les plus aisés, Michel Barnier s’est attiré les foudres des macronistes, Gérald Darmanin en tête.
Il est hors de question que nous votions des hausses d’impôts. C’est une ligne rouge.
Gérald Darmanin, député et ex-ministre
Reste à savoir si le chef du gouvernement parviendra à convaincre les troupes de son prédécesseur du bien-fondé de sa stratégie budgétaire. En attendant, il devra aussi composer avec les injonctions contradictoires de sa propre majorité. Un véritable casse-tête en perspective.
Qu’on se le dise, la cohabitation Barnier-macronie n’en est qu’à ses débuts. Et au vu des premières semaines, tout porte à croire que la suite s’annonce pour le moins mouvementée. À Michel Barnier de faire preuve de toute son habileté politique pour maintenir son attelage gouvernemental dans le droit chemin. Pas une mince affaire !