Depuis la chute soudaine du régime de Bachar al-Assad en Syrie le 8 décembre dernier, les habitants du sud du pays font face à une situation inédite. Dans la province de Qouneitra, sur le plateau du Golan, villageois syriens et soldats israéliens armés se retrouvent désormais face à face, séparés de quelques centaines de mètres seulement.
Une présence militaire israélienne qui passe mal
Dès le lendemain de la chute d’Assad, Tsahal, l’armée israélienne, annonçait son déploiement dans la zone tampon démilitarisée du Golan, à la frontière avec la partie du plateau occupée par Israël depuis 1967 et annexée en 1981. Une présence militaire visible jusque dans les villages, avec des chars positionnés à l’entrée de certaines localités comme Jabata al-Khachab.
Une situation que les Syriens de la région ont du mal à accepter. Arsan Arsan, médecin de 51 ans habitant la ville d’al-Baath, témoigne de la colère de la population :
Les habitants sont très remontés contre l’incursion israélienne (…) Nous sommes pour la paix, mais à condition qu’Israël se retire jusqu’à la ligne de cessez-le-feu.
Arsan Arsan, médecin syrien
Outre la présence des soldats, ce sont aussi les dégâts provoqués par les chars israéliens qui suscitent l’indignation, avec des rues envahies de débris et des panneaux de signalisation détruits. « C’est inhumain », s’offusque le Dr Arsan.
Israël occupe des positions stratégiques
En l’espace de quelques jours, Tsahal a pris le contrôle de plusieurs points stratégiques :
- La zone tampon démilitarisée sous contrôle de l’ONU
- Des sites sur le Mont Hermon
- Des positions dans la province de Damas
Le 17 décembre, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a même tenu une réunion sécuritaire en territoire syrien, au sommet du Mont Hermon. Il a déclaré qu’Israël resterait déployé « jusqu’à ce qu’une autre solution garantissant la sécurité d’Israël soit trouvée ».
La crainte d’une escalade
Sur le terrain, l’inquiétude des habitants est palpable. Yassin al-Ali, 43 ans, raconte que dans son village d’al-Hamidiyah, les enfants ont peur à la vue des chars israéliens stationnés à 400 mètres des habitations. Il appelle les nouvelles autorités syriennes à réagir face à cette « incursion ».
Même inquiétude du côté de l’ONU, qui considère la prise de contrôle israélienne de la zone tampon comme une « violation » des accords de 1974. Son secrétaire général Antonio Guterres a fait part de sa « profonde préoccupation ».
Si le nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Chareh dénonce lui aussi les actions d’Israël, il reconnaît que la Syrie, épuisée par des années de guerre, n’est pas en mesure d’entrer dans un nouveau conflit. Mais certains, comme Yassin al-Ali, craignent qu’Israël en profite pour « annihiler » toute la région.
Une population qui se sent abandonnée
Alors que le pays fête la chute du régime Assad, les Syriens du Golan se sentent bien seuls face à ce qu’ils considèrent comme une « occupation israélienne ». Certains appellent leurs compatriotes à cesser les célébrations pour venir les soutenir.
Une situation complexe et potentiellement explosive, qui montre que la Syrie est loin d’en avoir fini avec les défis sécuritaires, malgré le changement de régime. Toute la question est maintenant de savoir comment le nouveau pouvoir et la communauté internationale vont gérer ce dossier brûlant. L’avenir de la région en dépend.