La tension monte dangereusement dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Mardi, l’armée ougandaise a annoncé avoir déployé des troupes dans la ville de Bunia, dans la province de l’Ituri, en réponse à des « massacres de la population par des milices ». Ce déploiement intervient dans un contexte déjà explosif, marqué par la récente prise des villes de Bukavu et Goma par le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda selon de nombreux experts.
Massacres de civils et riposte ougandaise
Selon le porte-parole de la défense ougandaise Felix Kulayigye, la décision d’envoyer des soldats à Bunia a été prise conjointement avec les autorités congolaises afin de « sauver des vies », suite à des tueries perpétrées par des groupes armés dans la région. Bunia et ses environs sont régulièrement ciblés par des attaques meurtrières, notamment des Forces démocratiques alliées (ADF), des rebelles ougandais majoritairement musulmans.
Samedi, le chef d’état-major ougandais Muhoozi Kainerugaba, connu pour ses déclarations incendiaires sur les réseaux sociaux, avait adressé un ultimatum aux milices opérant à Bunia. Sur Twitter, il leur avait donné 24 heures pour « rendre les armes », menaçant de les attaquer dans le cas contraire. L’opération à Bunia fait officiellement partie de « Shujaa », une mission conjointe lancée fin 2021 par les armées ougandaise et congolaise pour combattre les groupes armés en Ituri.
Escalade des tensions dans l’est de la RDC
Le déploiement ougandais à Bunia intervient dans un contexte particulièrement tendu dans l’est congolais. Ces dernières semaines, la rébellion du M23, que Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir, a progressé de manière fulgurante, s’emparant fin janvier de Goma puis dimanche de Bukavu, deux capitales provinciales. Certains experts soupçonnent également l’Ouganda d’apporter un soutien logistique au M23, des accusations fermement démenties par Kampala.
Cette escalade militaire fait craindre à de nombreux observateurs une répétition du scénario catastrophique de 1998. A l’époque, le soutien apporté par le Rwanda et l’Ouganda à des groupes rebelles dans l’est de la RDC avait déclenché un conflit régional dévastateur, impliquant jusqu’à 9 pays africains. Surnommée « Première Guerre Mondiale africaine », cette deuxième guerre du Congo a fait des millions de victimes, principalement des civils, jusqu’à sa fin officielle en 2003.
Un risque de déstabilisation régionale
Si un conflit d’une telle ampleur semble pour l’instant peu probable, la situation actuelle représente néanmoins une menace sérieuse pour la stabilité et la sécurité de toute la région des Grands Lacs. Les populations civiles, comme souvent, risquent d’en être les premières victimes.
Face à cette dangereuse escalade, la communauté internationale a appelé toutes les parties à la retenue et au dialogue. Plusieurs médiations diplomatiques sont en cours, avec l’espoir d’éviter que l’est de la RDC, déjà meurtri par près de trois décennies de violence, ne sombre à nouveau dans un conflit majeur aux conséquences potentiellement désastreuses.
Une chose est sûre : la communauté internationale ne peut rester les bras croisés face à la souffrance des populations. Il est urgent d’agir, par la voie diplomatique mais aussi par un soutien accru aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, pour ramener la stabilité dans cette région tourmentée et offrir un espoir de paix durable à ses habitants.
« Il n’y a pas de paix durable sans développement, ni de développement sans paix durable, ni les deux sans respect des droits de l’homme. »
– Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU
Ces paroles de sagesse de Kofi Annan doivent plus que jamais servir de boussole à la communauté internationale pour son action dans les Grands Lacs. La paix, le développement et les droits humains forment un triptyque indissociable. Un engagement résolu en faveur de ces trois piliers est la seule voie possible vers une résolution durable du drame qui se joue aujourd’hui dans l’est de la RDC.