Les tensions sino-philippines en mer de Chine méridionale connaissent une nouvelle escalade. L’armée chinoise a annoncé jeudi le déploiement d’une « patrouille de préparation au combat » dans les eaux et l’espace aérien entourant le récif de Scarborough, un atoll disputé avec les Philippines. Pékin entend ainsi « défendre fermement » sa souveraineté sur la zone, dans un contexte de tensions bilatérales récurrentes.
Contentieux territorial en mer de Chine méridionale
Au cœur de ce nouveau bras de fer se trouve le contrôle du récif de Scarborough, appelé Huangyan en chinois, situé à environ 220 km des côtes philippines. Cet atoll fait l’objet de revendications concurrentes entre la Chine et les Philippines, comme de nombreux autres îlots et récifs de la mer de Chine méridionale. Pékin affirme détenir des droits historiques sur la quasi-totalité de cette zone maritime stratégique, contestés par plusieurs pays riverains dont les Philippines, le Vietnam, la Malaisie et Brunei.
En 2016, une cour d’arbitrage internationale avait invalidé les revendications chinoises, estimant qu’elles ne reposaient sur aucune base juridique. Mais Pékin n’a jamais reconnu cette décision, continuant d’affirmer sa souveraineté. En 2012, la Chine avait d’ailleurs repris le contrôle du récif de Scarborough aux Philippines, marquant une étape majeure dans ce contentieux territorial.
Regain de tensions sous la présidence Marcos
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2022 du président philippin Ferdinand Marcos Jr, Manille adopte un ton plus ferme face à Pékin, n’hésitant pas à réaffirmer ses prétentions souveraines. Cette posture a entraîné une recrudescence des accrochages et des confrontations près des îles disputées ces derniers mois, faisant craindre un embrasement de la situation.
D’après une source proche du dossier, les patrouilles chinoises autour du récif de Scarborough ont été « renforcées » depuis début novembre, avec pour objectif de « renforcer le contrôle » de la zone. L’envoi de forces navales et aériennes vise à « défendre avec fermeté la souveraineté et la sécurité nationales » de la Chine, a déclaré le Théâtre d’opération sud de l’armée chinoise.
Craintes d’un conflit ouvert et jeu d’alliances
Cette démonstration de force ravive les inquiétudes quant à un potentiel conflit armé dans la région. Washington pourrait être entraîné dans une telle confrontation, en vertu de son traité de défense mutuelle avec Manille datant de 1951. Un scénario redouté, dans une zone déjà sous haute tension.
Pékin accuse d’ailleurs régulièrement les États-Unis de soutenir volontairement les nations rivales afin de contrer la montée en puissance chinoise. « La cause principale est que les Philippines (…) se livrent à de fréquentes provocations en mer, portent atteinte à la souveraineté territoriale (…) chinoise et tentent d’obtenir le soutien de forces extérieures pour faire valoir leurs intérêts », a dénoncé Wu Qian, porte-parole du ministère chinois de la Défense.
Intérêts géostratégiques et économiques en jeu
Au-delà des questions de souveraineté, le contrôle de la mer de Chine méridionale revêt des enjeux géostratégiques et économiques cruciaux. Cette voie maritime est un carrefour du commerce international, avec d’importants gisements d’hydrocarbures et des zones de pêche convoitées.
En multipliant les patrouilles et les incursions près des îlots disputés, Pékin cherche à asseoir son emprise sur la région et à dissuader toute contestation de ses revendications. Une stratégie qui passe par l’affirmation de sa puissance militaire et la mise en place d’un rapport de force favorable.
« La Chine continuera à prendre toutes les mesures nécessaires face aux provocations »
Wu Qian, porte-parole du ministère chinois de la Défense
Face à la détermination chinoise, les Philippines et les autres pays de la région cherchent à faire valoir leurs droits, tout en évitant une confrontation directe aux conséquences imprévisibles. Un jeu d’équilibriste périlleux, sur fond de rivalités géopolitiques et de course à l’armement naval en Asie-Pacifique.
Vers une diplomatie apaisée ou une escalade des tensions ?
À court terme, le risque d’accrochage ou d’incident grave ne peut être écarté, au vu des positions tranchées des différents acteurs et de la militarisation croissante de la zone. Mais à plus long terme, la voie diplomatique pourrait permettre de désamorcer les tensions et de trouver un modus vivendi acceptable.
Certains observateurs appellent ainsi à un dialogue renforcé entre la Chine et les pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), afin de définir un code de conduite en mer de Chine méridionale et d’établir des mécanismes de gestion des différends. Une approche multilatérale et coopérative, seule à même de garantir la stabilité et la prospérité de la région.
Reste à savoir si Pékin et ses voisins sauront faire prévaloir la raison et trouver un terrain d’entente, ou si l’escalade des tensions se poursuivra, au risque d’embraser cet espace maritime hautement stratégique. L’avenir de la mer de Chine méridionale, et la paix dans la région, en dépendent largement.