Les relations diplomatiques entre le Nigeria et le Niger traversent une période de turbulences suite à de graves allégations portées par les autorités nigériennes. Ces dernières accusent en effet leur voisin de vouloir déstabiliser le pays, jetant un froid sur des liens qui semblaient pourtant s’être normalisés ces derniers mois.
Le Niger Accuse, le Nigeria Réfute
Tout a commencé par un communiqué incendiaire du ministère des Affaires étrangères du Niger, lu à la télévision nationale. Sans citer directement la France, le Niger a affirmé que le Nigeria servait de base arrière pour déstabiliser le pays en complicité avec certaines puissances étrangères. Des allégations lourdes de sens, immédiatement démenties par la diplomatie nigériane.
En dépit des efforts de normalisation des relations, il est regrettable de constater que le Nigeria n’a pas renoncé à servir de base arrière à la déstabilisation du Niger en complicité avec certaines puissances étrangères et les dignitaires de l’ancien régime auxquels il offre un refuge.
Ministère des Affaires étrangères du Niger
En réponse, le Nigeria s’est dit « très inquiet » et a réfuté catégoriquement la présence de troupes françaises sur son territoire visant à renverser le régime nigérien. Abuja a également nié toute implication dans une attaque terroriste survenue mi-décembre contre un pipeline pétrolier au Niger.
Sanctions Levées, Tensions Persistantes
Pourtant, il y a peu, les relations entre les deux pays semblaient au beau fixe. Fin février, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), présidée par le Nigeria, avait levé les sanctions économiques imposées au Niger suite au coup d’État militaire de juillet 2023. Un dégel apparent, renforcé par des discussions sur une coopération militaire commune fin août.
Mais en coulisses, les tensions n’ont jamais vraiment disparu. Le Niger, avec le Mali et le Burkina Faso, deux autres pays dirigés par des juntes, a formé en janvier l’Alliance des États du Sahel (AES). Un bloc qui a annoncé vouloir quitter la CEDEAO, jugée inféodée aux intérêts occidentaux. Une décision qualifiée d' »irréversible » le 13 décembre.
Instabilité Régionale et Jeux d’Influence
Ces tensions s’inscrivent dans un contexte sahélien très volatile, marqué par la recrudescence du terrorisme jihadiste et le retrait progressif des forces françaises, jadis en première ligne dans la lutte anti-terroriste. Un vide que tentent de combler d’autres acteurs, comme la Russie via le groupe paramilitaire Wagner, ajoutant à la complexité géopolitique locale.
Pour le Niger, ancien bastion de la présence française, ces bouleversements impliquent de redéfinir ses alliances stratégiques. Reste à savoir si les récentes déclarations à l’encontre du Nigeria marquent une réelle rupture ou une simple posture politique. Une chose est sûre: dans cette région sous haute tension, chaque mot compte et peut avoir de lourdes conséquences.
Vers une Escalade Diplomatique ?
Si les canaux du dialogue semblent pour l’heure rester ouverts entre Niamey et Abuja, le risque d’une escalade diplomatique n’est pas à exclure. D’autant que le Niger a convoqué la chargée d’affaires nigériane pour lui faire part de ses griefs, un geste fort en termes de protocole.
De son côté, le président nigérian Bola Tinubu, également président en exercice de la CEDEAO, se retrouve en position d’équilibriste. Il doit à la fois préserver les intérêts de son pays, ménager un voisin instable et incarner une certaine fermeté au nom de l’organisation régionale qu’il préside. Un exercice périlleux qui testera ses talents de diplomate.
Dans ce bras de fer diplomatique, le Niger semble jouer une partition audacieuse, n’hésitant pas à pointer du doigt les ingérences étrangères sur fond de ressentiment anti-français. Un pari risqué alors que le pays reste fragilisé sur les plans politique et sécuritaire. Mais aussi un moyen de réaffirmer sa souveraineté et son refus de toute tutelle, fut-elle régionale.
Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si ces tensions diplomatiques sont un feu de paille ou les prémices d’une crise plus profonde. Une chose est sûre : dans cette région sahélienne en pleine recomposition, chaque coup de poker diplomatique peut avoir des répercussions majeures et durables. Le Niger et le Nigeria en sont pleinement conscients.