Une crise diplomatique éclate entre Haïti et la France. Les autorités haïtiennes, indignées par des propos jugés “inacceptables” du président Emmanuel Macron, ont convoqué l’ambassadeur de France à Port-au-Prince ce jeudi. Elles exigent une rectification officielle de la part de Paris.
Des déclarations polémiques qui passent mal
Tout est parti d’une vidéo tournée en marge du G20 à Rio, où l’on entend Emmanuel Macron tenir des propos très critiques envers les dirigeants haïtiens. Interpellé par un citoyen haïtien l’accusant d’être responsable de la situation dans le pays, le président français a rétorqué : “Là franchement, c’est les Haïtiens qui ont tué Haïti, en laissant le narcotrafic”. Des propos qui ont immédiatement suscité l’indignation à Haïti.
Emmanuel Macron a également commenté le limogeage récent du Premier ministre haïtien Garry Conille, qu’il jugeait “formidable”, déclarant : “Ils sont complètement cons, ils n’auraient jamais dû le sortir”. Des mots très durs qui reflètent les fortes tensions entre les deux pays.
Haïti exige des excuses et une rectification
Face à cette polémique, le ministère des Affaires étrangères haïtien a rapidement réagi. L’ambassadeur de France Antoine Michon a été convoqué dès jeudi après-midi pour se voir notifier “l’indignation du Pouvoir de Transition face à ce qu’il considère comme un geste inamical et inapproprié qui mérite d’être rectifié”.
Si le diplomate français a reconnu qu’il s’agissait de “propos malheureux”, cela n’a pas suffi à apaiser la colère des autorités haïtiennes. Une lettre de protestation officielle a été remise à l’ambassadeur, adressée au ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Haïti attend désormais des excuses et une rectification en bonne et due forme de la part de la France.
Un pays plongé dans le chaos et l’instabilité politique
Au-delà de la polémique, cet incident met en lumière la situation chaotique que traverse Haïti depuis plusieurs années. Gangréné par la violence des gangs armés, le trafic de drogue et une pauvreté endémique, le pays est également confronté à une grave crise politique.
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti est dirigé par un Conseil présidentiel de transition. Le limogeage du Premier ministre Garry Conille au bout de seulement 5 mois, évoqué par Emmanuel Macron, illustre l’instabilité chronique des institutions. Un nouveau Premier ministre controversé, Ariel Henry, a depuis démissionné, laissant le pays sans réel leadership.
La France pointée du doigt pour son ingérence
Au-delà des propos polémiques, les critiques d’Emmanuel Macron mettent en lumière les relations complexes entre la France et son ancienne colonie. Beaucoup d’Haïtiens reprochent à Paris de continuer à s’ingérer dans les affaires intérieures du pays.
Le fait qu’Emmanuel Macron critique ouvertement les décisions des autorités haïtiennes, comme le limogeage d’un Premier ministre, est perçu comme une forme de néocolonialisme. Les déclarations sur le narcotrafic passent aussi très mal, de nombreux Haïtiens y voyant un moyen de se dédouaner des responsabilités historiques et actuelles de la France dans la déstabilisation du pays.
Un besoin urgent d’apaisement et de dialogue
Face à cette crise diplomatique, un apaisement des tensions est plus que jamais nécessaire entre Paris et Port-au-Prince. Au-delà des polémiques, la France et la communauté internationale ont un rôle crucial à jouer pour accompagner Haïti vers la stabilité et le développement.
Cela passera par un soutien aux efforts de dialogue national, à la lutte contre la violence et à la reconstruction des institutions démocratiques. Mais aussi par une remise en question des ingérences extérieures et un véritable partenariat d’égal à égal, respectueux de la souveraineté haïtienne. Le chemin sera long, mais c’est une condition indispensable pour permettre à Haïti de surmonter enfin les crises qui déchirent le pays.