Un an après le meurtre sordide du jeune Thomas dans le paisible village de Crépol, les plaies peinent à cicatriser. Si la douleur des proches de la victime reste indicible, c’est tout un quartier populaire de Romans-sur-Isère qui vit aujourd’hui dans l’ombre de ce drame. Là-bas, à la Monnaie, d’où sont originaires les meurtriers présumés, les habitants oscillent entre chagrin, colère et incompréhension.
Un deuil volé par les extrêmes
Hafid, 50 ans, technicien dans un hôpital de la région, est un enfant du quartier. Profondément ébranlé par ce drame, il n’en revient toujours pas de la tournure politique prise par l’affaire. Selon lui, l’extrême droite a instrumentalisé ce fait divers sordide pour stigmatiser toute une communauté. « Quand j’ai appris ce qui s’est passé, j’étais effondré et révolté, confie-t-il. C’est un jeune de chez nous, je ne fais aucune différence avec ceux du quartier. Sauf qu’on nous a privés de notre deuil pour nous désigner comme des coupables. »
« Les fachos de la France entière se sont emparés de l’antenne pour déverser leur fiel contre l’immigration. »
Hafid, habitant du quartier de la Monnaie
Un sentiment partagé par de nombreux riverains, qui dénoncent une récupération éhontée visant à les ostraciser. Dans ce quartier populaire gangrené par le chômage et les difficultés sociales, certains jeunes se sentent acculés, rejetés par le reste de la société. Un terreau fertile pour les dérives, s’alarme Moussa, éducateur : « C’est malheureux, le monde extérieur ne veut pas les connaître et eux s’en méfient au point d’avoir parfois un couteau sur eux. »
Une fracture qui s’enracine
Depuis le drame, les tensions intercommunautaires n’ont cessé de s’exacerber. Regards suspicieux, invectives, parfois même affrontements… Le climat s’est considérablement dégradé. La peur et la défiance règnent désormais des deux côtés. Un cercle vicieux qui ne fait qu’aggraver la fracture et nourrir les pires pulsions.
Pour endiguer cette spirale délétère, des initiatives citoyennes ont vu le jour. Des espaces de dialogue pour recréer du lien, des actions de sensibilisation pour combattre les préjugés… Mais la tâche s’annonce ardue. Car au-delà des discours de façade, c’est un changement de regard qui s’impose. Loin des préjugés et des fantasmes, il est urgent de restaurer la confiance et l’écoute. Un défi immense, à la hauteur de la tragédie qui a endeuillé cette communauté.
La justice comme seul horizon
En attendant, tous les regards sont désormais tournés vers les avancées de l’enquête et le futur procès des suspects. Une étape cruciale pour permettre aux proches de la victime de faire enfin leur deuil. Mais aussi pour tout un quartier, qui espère pouvoir se reconstruire une fois la vérité établie et la justice rendue. Sans cela, impossible d’envisager une réconciliation, préviennent les acteurs locaux.
Face à ce défi, les pouvoirs publics semblent bien démunis. Au-delà des grands discours et des effets d’annonce, peu d’actes concrets pour retisser les fils du vivre-ensemble. Pourtant, c’est bien sur le terrain, au plus près des habitants, que se joue l’avenir du quartier. Avec l’espoir qu’un jour, la paix puisse à nouveau régner dans les rues de la Monnaie.
