Les habitants de Juba, la capitale du Soudan du Sud, ont été brutalement tirés de leur sommeil dans la nuit de jeudi par une fusillade d’une rare intensité. Pendant près d’une heure, les coups de feu ont crépité dans le district de Thongpiny, semant la panique dans cette ville déjà éprouvée par des années de conflit.
Très vite, l’information s’est répandue comme une traînée de poudre: c’est du domicile d’Akol Koor, l’ex-chef des puissants services de renseignement, que provenaient les tirs nourris. Limogé par le président Salva Kiir il y a deux mois et assigné à résidence depuis, Koor était-il la cible d’une tentative d’arrestation qui aurait mal tourné? Les rumeurs les plus folles se sont mises à circuler dans la cité en ébullition.
Réunion d’urgence au sommet de l’État
Au petit matin, alors qu’un important dispositif militaire était déployé autour de la résidence de l’ancien espion en chef, le président Kiir convoquait en urgence une réunion au sommet avec les plus hauts gradés du pays. Selon des sources bien informées, Akol Koor lui-même ainsi que son successeur étaient présents, témoignant de la gravité de la situation.
Officiellement, le porte-parole de l’armée a rapidement évoqué un simple “malentendu” entre “différents niveaux de sécurité”, sans autre précision. Mais officieusement, c’est une hypothèse bien plus inquiétante qui circule : celle d’une possible tentative de coup de force de l’ex-homme fort du renseignement, prêt à tout pour revenir sur le devant de la scène.
Un paysage sécuritaire encore instable
Pour nombre d’observateurs, cet incident met en lumière la fragilité persistante du Soudan du Sud, plus jeune nation au monde née dans la douleur en 2011. Malgré l’accord de paix signé en 2018 entre le président Kiir et son rival de toujours Riek Machar, les luttes de pouvoir continuent de menacer ce pays ravagé par des années de guerre civile.
Le limogeage express d’Akol Koor en octobre dernier, alors qu’il était en poste depuis l’indépendance, avait déjà été interprété par beaucoup comme le signe de fortes tensions au sommet. Sa nomination avortée au poste de gouverneur de l’État instable du Warrap n’avait fait qu’accroître les spéculations sur un possible coup de force en préparation.
Une stabilité précaire pour le plus jeune pays au monde
Si le calme semble être revenu à Juba après cet incident, l’inquiétude demeure palpable. Beaucoup craignent que ces événements ne soient que le prélude à de nouvelles turbulences dans un pays qui peine à se remettre de ses blessures. Avec des élections sans cesse repoussées, une corruption endémique et des rivalités ethniques toujours vives, le Soudan du Sud apparaît plus que jamais en quête d’un véritable nouveau départ.
Les prochains jours seront décisifs pour prendre la mesure exacte de ce qui s’est joué cette nuit-là à Juba. Les regards seront tournés vers le président Kiir pour voir comment il compte gérer cette nouvelle crise et rassurer une population épuisée d’être prise en otage par les querelles de ses élites. Une chose est sûre: le chemin vers une paix durable s’annonce encore long et semé d’embûches pour le plus jeune pays de la planète.