À Maputo, la capitale du Mozambique, l’atmosphère est électrique. Demain, une “marche de la liberté” doit avoir lieu à l’appel de Venancio Mondlane, la principale figure de l’opposition dans ce pays d’Afrique australe. Après des semaines de manifestations sanglantes contestant les résultats des dernières élections, cette marche s’annonce comme un moment crucial et risqué.
Un Pays Plongé Dans La Crise Politique
Depuis l’annonce des résultats du double scrutin présidentiel et législatif du 9 octobre, donnant vainqueur le parti Frelimo au pouvoir depuis près de 50 ans, le Mozambique traverse une grave crise politique. Venancio Mondlane, arrivé officiellement second avec 20% des voix, conteste ces résultats et revendique la victoire. Ses partisans sont descendus dans la rue, s’opposant violemment aux forces de l’ordre.
Selon un rapport de Human Rights Watch, la répression policière aurait fait au moins 18 morts parmi les manifestants depuis le scrutin. Un bilan lourd qui fait craindre le pire pour la marche de demain, malgré les appels à la retenue lancés par la communauté internationale.
Maputo Sous Haute Tension
À la veille de la manifestation, la tension est palpable dans les rues de la capitale. Les commerces ont fermé leurs portes plus tôt que d’habitude, les rues sont étrangement calmes. Seuls les véhicules des forces de sécurité semblent peupler la ville, stationnés à des points stratégiques.
Mais dans les quartiers populaires, la mobilisation s’organise. Près d’un millier de personnes ont déjà manifesté cet après-midi pour soutenir l’appel de l’opposant Venancio Mondlane. Ce dernier, contraint de se cacher en raison de la répression, a annoncé qu’il serait présent demain pour mener la marche.
“Bientôt, tous les groupes de manifestants, dans les quartiers, devraient être avec moi au centre-ville” a-t-il déclaré dans un message publié sur les réseaux sociaux.
Venancio Mondlane, chef de l’opposition mozambicaine
L’Armée Menace D’Intervenir
Face à la détermination des opposants, le gouvernement semble prêt à tout pour empêcher la marche. Le ministre de la Défense Cristovao Chume a haussé le ton mardi, menaçant d’envoyer l’armée pour mettre fin aux manifestations qu’il accuse de vouloir “renverser le gouvernement démocratiquement élu”. Une escalade verbale inquiétante alors que des rumeurs d’un possible état d’urgence décrété par le président sortant Filipe Nyusi se font pressantes.
“Les manifestations violentes sèment la haine, détruisent les infrastructures. (…) Il y a une intention de changer le pouvoir démocratiquement établi. Si l’escalade de la violence se poursuit, les forces armées devront protéger les intérêts de l’Etat”
Cristovao Chume, ministre mozambicain de la Défense
Les Avocats Redoutent Un “Bain De Sang”
Du côté de la société civile, l’inquiétude est à son comble. L’Association du Barreau du Mozambique a estimé que “toutes les conditions étaient réunies pour un bain de sang” lors de la marche de jeudi. Ses avocats ont pu faire libérer 2700 personnes arrêtées, pour la plupart “illégalement” selon eux, lors des précédentes manifestations.
L’organisation pointe aussi du doigt les “graves déficiences” du processus électoral, soulignant qu’il n’y avait “aucune garantie” sur la fiabilité du recomptage des voix en cours. “L’annulation des élections est une option qui doit être envisagée”, a martelé son président Carlos Martins.
La Communauté Internationale Appelle Au Calme
Alors que le Mozambique semble au bord de l’embrasement, la communauté internationale multiplie les appels au dialogue et à la retenue. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, a exhorté les autorités à respecter le droit de manifester pacifiquement et à s’abstenir d’un usage excessif de la force. Amnesty International a de son côté dénoncé “la pire répression des manifestations dans le pays depuis des années”.
Les chancelleries occidentales (USA, Canada, Royaume-Uni, Norvège, Suisse) ont également appelé “toutes les parties à faire preuve de retenue tout en respectant l’Etat de droit et la vie humaine” dans une déclaration commune.
L’Afrique Du Sud Ferme Sa Frontière
Signe supplémentaire de la gravité de la situation, l’Afrique du Sud voisine a décidé mardi de fermer un important point de passage frontalier avec le Mozambique en raison des violences post-électorales. Selon les autorités sud-africaines, sept fonctionnaires mozambicains ont même “demandé refuge” de l’autre côté de la frontière “pour des raisons de sécurité”.
À quelques heures de la “marche de la liberté”, le Mozambique est plus que jamais suspendu à un fil. Entre détermination de l’opposition, intransigeance du pouvoir et inquiétudes de la communauté internationale, cette journée de mobilisation s’annonce décisive pour l’avenir du pays. Les regards du monde entier seront tournés vers Maputo, avec l’espoir que la marche se déroule pacifiquement et ouvre la voie à une résolution de cette crise politique qui déchire le pays.