En cette fin novembre à Marseille, un climat de défiance s’est installé entre la municipalité et sa police. Le 21 novembre dernier, une cinquantaine de policiers municipaux ont forcé l’entrée de l’hôtel de ville lors d’une manifestation, scandant des slogans hostiles envers le maire Benoît Payan. Motif de la colère : une réforme du statut et des rémunérations des agents qui créerait des disparités entre les brigades.
Une réforme qui passe mal chez les policiers
En juin dernier, les 580 agents de la police municipale marseillaise ont appris qu’à compter du 1er janvier 2025, leur régime indemnitaire serait modifié suite à un nouveau décret. Concrètement, ceux travaillant de nuit ou dans des unités spécialisées bénéficieraient de primes plus élevées que leurs collègues en horaires de jour. Une première en 50 ans, dénoncent les syndicats.
Il y a une volonté de l’administration de diviser les brigades. C’est du jamais vu !
Ludovic Bedrossian, président CFTC police municipale Marseille
Selon des sources syndicales, les négociations avec la mairie n’auraient rien donné, cette dernière campant sur ses positions malgré la demande d’un régime unique pour tous les agents. Un ras-le-bol qui a mené à la manifestation houleuse du 21 novembre.
La mairie dénonce des « dégradations inadmissibles »
Suite à l’intrusion d’une partie des manifestants dans l’hôtel de ville, la municipalité a décidé de porter plainte contre X pour « dégradations ». Elle pointe des « comportements inadmissibles de la part de quelques manifestants, incompatibles avec leur statut de policiers municipaux dévoués au quotidien pour le respect de la tranquillité publique ». Des sanctions disciplinaires pourraient être engagées si la responsabilité de certains agents était avérée.
Une escalade qui n’arrange pas les affaires de la mairie, dont l’objectif est de porter les effectifs de police municipale à 800 agents d’ici 2026, contre 580 actuellement. Difficile dans ces conditions d’attirer de nouvelles recrues, d’autant que certains agents menacent déjà de quitter Marseille.
Comment voulez-vous que les policiers viennent chez nous si la mairie porte plainte contre eux ?
Un responsable syndical
Une « bataille de chiffres » sur les effectifs
L’opposition municipale dénonce quant à elle « une bataille de chiffres qui permet de montrer que la mairie ment ». Selon le groupe « Une Volonté pour Marseille », classé à droite, les 151 recrutements annoncés depuis 2020 ne suffiraient pas à compenser les départs. « Les policiers municipaux n’avaient jamais tenté de pénétrer de force dans la mairie, c’est du jamais vu », souligne Bruno Gilles, élu d’opposition.
Pour lui, le dépôt de plainte viserait à « casser » le mouvement de grève et à rappeler aux policiers qu’ils sont « aux ordres du politique ». Une analyse rejetée par la majorité municipale, qui assure vouloir poursuivre le dialogue malgré les tensions.
Un bras de fer sur fond de moyens limités
Derrière ce conflit se dessine la question plus large des moyens alloués à la police municipale marseillaise. Avec un budget de fonctionnement par habitant inférieur de moitié à celui de villes comme Lyon ou Nice, Marseille peine à rattraper son retard en matière de sécurité. Le recrutement et la fidélisation des agents constituent un défi majeur pour les années à venir.
La réforme contestée des rémunérations, avec ses disparités entre brigades, cristallise les frustrations d’une profession qui s’estime déjà mal considérée. « Certains agents se sentent délaissés, il y a une certaine souffrance » reconnaît un responsable CFDT. Reste à savoir si la mairie parviendra à renouer le dialogue avec des syndicats échaudés, pour mettre fin à un bras de fer qui paralyse l’institution.
Une chose est sûre : l’avenir de la police municipale de Marseille se jouera autant sur le terrain des effectifs et des moyens que sur celui du climat social interne. Un double défi pour l’exécutif phocéen, pris entre les attentes de sécurité de la population et le ras-le-bol d’agents qui ne se sentent pas suffisamment reconnus.