C’est dans un contexte de vives tensions que le diplomate turc Feridun Sinirlioglu a été désigné vendredi à la tête de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), lors d’une réunion ministérielle à Malte. Cette nomination intervient alors que l’organisation est paralysée depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, Moscou bloquant systématiquement les décisions clés qui doivent être prises à l’unanimité.
Une réunion sous haute tension
La présence du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a en effet jeté un froid sur cette rencontre organisée à Ta’Qali, près de La Valette. Il s’agissait de son premier voyage dans un pays de l’Union européenne depuis le début de la guerre en Ukraine. L’année dernière, Kiev avait boycotté la réunion en raison de la présence de M. Lavrov, mais cette fois, le ministre ukrainien des affaires étrangères Andriï Sybiga a fait le déplacement. Il a cependant quitté la salle avec plusieurs représentants des alliés de l’Ukraine pendant le discours de son homologue russe, qu’il a qualifié de « criminel de guerre ».
Une organisation au point mort
Le chef de la diplomatie maltaise Ian Borg, qui présidait la réunion, a souligné que l’OSCE était marquée par « des divisions géopolitiques fondamentales et une paralysie institutionnelle ». L’organisation est en effet privée de secrétaire général depuis septembre, et n’a plus trouvé d’accord sur son budget depuis 2021. Dans ce contexte, les nominations au secrétariat général et à trois autres postes-clés n’ont pas été une mince affaire.
Feridun Sinirlioglu, un pont entre l’Est et l’Ouest ?
Pour succéder à l’Allemande Helga Maria Schmid, dont le mandat avait été prolongé jusqu’en septembre faute d’accord, c’est finalement le diplomate turc Feridun Sinirlioglu qui a été choisi. Cet ambassadeur expérimenté a notamment représenté son pays en Israël, à l’ONU ainsi qu’au ministère des Affaires étrangères turc. Il s’est engagé à « servir de pont et de facilitateur » entre les États membres de l’OSCE, une organisation créée en 1975 pour favoriser le dialogue Est-Ouest, qui envoie des observateurs lors de conflits et d’élections dans le monde entier.
Malte et la Finlande au secours de l’OSCE
Face au blocage de la Russie, qui a empêché l’Estonie d’assurer la présidence tournante cette année en raison de son appartenance à l’OTAN, c’est Malte qui a dû prendre le relais. En 2025, ce sera au tour de la Finlande de prendre la tête de l’organisation, après son adhésion à l’Alliance atlantique l’an dernier. Un symbole fort, alors que l’OSCE peine à remplir son rôle de dialogue dans une Europe à nouveau divisée.
Aujourd’hui, nous avons démontré que même dans l’adversité, cette organisation reste une pierre angulaire du multilatéralisme.
Ian Borg, ministre maltais des Affaires étrangères
Malgré les efforts des pays membres pour maintenir l’OSCE en vie, l’ombre de la guerre en Ukraine et des tensions entre la Russie et l’Occident plane sur son avenir. La nomination d’un secrétaire général turc sera-t-elle suffisante pour renouer le dialogue et débloquer l’institution ? L’avenir le dira, mais la tâche s’annonce ardue tant les positions semblent irréconciliables à l’heure actuelle. Une chose est sûre : plus que jamais, l’Europe a besoin d’espaces de discussions pour éviter l’escalade et préserver la paix sur le continent. Un défi de taille pour Feridun Sinirlioglu et l’OSCE.