Les tensions se sont ravivées ce dimanche entre la Russie et les États-Unis dans l’Arctique. Moscou a annoncé avoir fait décoller des avions de chasse pour empêcher deux bombardiers stratégiques américains de franchir la frontière russe au-dessus de la mer de Barents. Cet incident met en lumière les enjeux géopolitiques croissants dans cette région du globe où la course à l’armement s’intensifie.
Des chasseurs russes interceptent des bombardiers américains
Selon le ministère russe de la Défense, des MiG-29 et MiG-31 ont décollé pour intercepter deux bombardiers stratégiques américains B-52H qui s’approchaient de la frontière russe en Arctique. Face à l’intervention des chasseurs russes, les appareils américains auraient corrigé leur trajectoire de vol pour s’éloigner du territoire russe.
«À l’approche des chasseurs russes, les bombardiers stratégiques américains B-52H ont corrigé leur trajectoire de vol, s’éloignant de la frontière avec la Russie»
– Ministère russe de la Défense
Moscou assure que le vol de ses chasseurs s’est déroulé «dans le strict respect des règles internationales relatives à l’utilisation de l’espace aérien au-dessus des eaux neutres». Cet incident n’a pour l’instant pas fait l’objet de commentaires officiels de la part de Washington.
L’Arctique, nouveau théâtre des rivalités russo-américaines
Avec le dérèglement climatique et la fonte des glaces, l’Arctique est devenu ces dernières années un enjeu géostratégique majeur. Russie et États-Unis s’y livrent une compétition pour le contrôle des routes maritimes et l’accès aux ressources naturelles.
Moscou a considérablement renforcé sa présence militaire dans la région, rouvrant d’anciennes bases soviétiques et déployant de nouveaux systèmes de défense. Washington cherche de son côté à contrer l’influence russe, multipliant les exercices avec ses alliés de l’OTAN et les patrouilles aériennes et maritimes.
Une escalade des tensions qui fait craindre des incidents
Cette escalade militaire fait craindre une multiplication des incidents, voire une confrontation directe entre forces russes et occidentales. En juin 2020, des avions de chasse russes avaient déjà intercepté des bombardiers américains au-dessus de la mer de Béring et de la mer d’Okhotsk.
Le risque d’un embrasement est d’autant plus grand que les mécanismes de dialogue et de coopération en Arctique se sont considérablement dégradés depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les États-Unis et leurs alliés ont gelé leur participation au Conseil de l’Arctique, forum intergouvernemental clé pour la région.
«À mesure que la Russie renforce ses capacités militaires en Arctique, il existe un risque que des malentendus et des erreurs de calcul conduisent à une escalade involontaire»
– Mathieu Boulègue, chercheur à Chatham House
L’Arctique, un espace toujours plus militarisé
Cet incident russo-américain est symptomatique de la militarisation croissante de l’Arctique. Les deux puissances modernisent leur arsenal nucléaire et conventionnel dans la région :
- La Russie a déployé de nouveaux systèmes de missiles et de défense aérienne, ainsi que des sous-marins et brise-glaces à propulsion nucléaire
- Les États-Unis ont renforcé la présence de leurs bombardiers stratégiques et sous-marins d’attaque, tout en développant de nouvelles armes adaptées aux conditions arctiques
Cette course aux armements s’accompagne de manœuvres militaires de plus en plus fréquentes et d’ampleur, impliquant parfois jusqu’à des dizaines de milliers de soldats. Une démonstration de force qui attise les tensions dans une région autrefois préservée des grands conflits géopolitiques.
«L’Arctique est en train de devenir un théâtre de compétition stratégique, les États côtiers cherchant à protéger leurs intérêts sécuritaires et économiques»
– Ekaterina Klimenko, chercheuse au SIPRI
Pour une désescalade des tensions en Arctique
Face à cette dangereuse escalade, des voix s’élèvent pour appeler à une désescalade des tensions et à un renforcement de la coopération en Arctique. Malgré les divisions, Moscou et Washington conservent des intérêts communs dans la région, comme la sûreté maritime ou la gestion durable des ressources.
Le Conseil de l’Arctique, bien qu’actuellement paralysé, pourrait servir de cadre à un dialogue politique de haut niveau et des mesures de confiance. Des propositions ont été avancées pour négocier un traité de sécurité globale, incluant des mécanismes de prévention et de gestion des incidents militaires.
L’Arctique fait face à des défis transnationaux, du changement climatique à la préservation des écosystèmes, qui ne pourront être relevés que par une action coordonnée de l’ensemble des acteurs. Un impératif qui devrait primer sur les logiques de confrontation, pour faire de la région un espace de coopération plutôt que d’affrontement.