Trois départements en vigilance rouge, des pluies diluviennes, des rivières qui débordent… La tempête Herminia a frappé de plein fouet le nord-ouest de la France ces derniers jours, plaçant Rennes au cœur d’inondations historiques. Avec des cumuls de précipitations jamais atteints depuis 1944 et des crues inédites depuis plus de 40 ans, comment expliquer une telle ampleur ? Décryptage des facteurs naturels et humains qui ont conduit à cette situation exceptionnelle.
Des records de pluie pulvérisés
Depuis le début de l’année 2025, il est tombé 171 mm de pluie sur Rennes, soit l’équivalent de 170 litres d’eau déversés sur chaque mètre carré. Un chiffre exceptionnel, qui représente trois fois la moyenne habituelle pour un mois de janvier et dépasse largement le précédent record de 1995 (169,6 mm). Et ces derniers jours, la dépression Herminia est venue s’ajouter à ce contexte déjà très humide, apportant de fortes pluies sur des sols déjà gorgés d’eau. Des vents violents, soufflant jusqu’à 140 km/h, ont encore aggravé la situation en poussant les précipitations vers les terres.
Une végétation « endormie » en hiver
Selon les experts, la végétation joue un rôle crucial dans l’absorption des eaux de pluie par les sols. En été, elle « draine » efficacement l’eau et facilite son infiltration. Mais en hiver, la végétation est au repos. Résultat : le sol se sature très rapidement et ne peut plus absorber davantage d’eau. Jean-Luc Jégou, directeur d’Eau & Vilaine, résume ainsi la situation : « Aujourd’hui, la bassine est pleine et ça déborde ».
L’urbanisation en question
Depuis les années 1960, Rennes s’est fortement développée et urbanisée. Or la bétonisation et l’artificialisation des sols sont des facteurs aggravants bien connus en cas de fortes pluies. Les constructions empêchent l’eau de s’infiltrer dans le sol, qui ruisselle alors en surface. « La problématique, c’est une urbanisation très proche du cours d’eau, avec des zones habitables qui sont touchées », détaille Nadia Dupont, géographe à l’Université Rennes 2.
L’impact du changement climatique
Si les tempêtes hivernales ne sont pas inhabituelles dans le nord-ouest de la France, le changement climatique joue aussi un rôle dans l’intensité des épisodes actuels. Selon Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France, les températures supérieures aux normales saisonnières favorisent des pluies plus abondantes. « Plus une atmosphère est chaude, plus elle peut contenir de vapeur d’eau », explique-t-il, prévenant que « le débordement des rivières sera plus facile au fur et à mesure de ces tempêtes, avec des décrues plus lentes car les sols sont gorgés d’eau ».
Vers une meilleure prévention des risques
Face à cette situation exceptionnelle, la mairie de Rennes planche sur un nouveau plan de prévention des inondations. Objectif affiché : « désimperméabiliser à tous les niveaux » pour mieux absorber les fortes pluies. Des solutions fondées sur la nature, comme la végétalisation des espaces urbains ou la création de noues et de bassins, pourraient ainsi voir le jour.
La tempête Herminia aura en tout cas marqué les esprits par son intensité et ses conséquences. Un épisode météo hors norme qui révèle la vulnérabilité de nos villes face aux aléas climatiques et la nécessité d’adapter urgemment nos territoires. Car avec le réchauffement global, les événements extrêmes risquent de se multiplier dans les années à venir.