Imaginez un pays au cœur de l’Europe, cherchant à sécuriser son avenir énergétique tout en se libérant des énergies fossiles. La République tchèque, avec ses paysages vallonnés et son histoire industrielle, vient de prendre une décision qui pourrait redessiner son panorama énergétique. En signant un contrat avec la société sud-coréenne KHNP pour la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires, elle marque un tournant décisif, écartant des géants comme EDF. Pourquoi ce choix audacieux ? Quels enjeux se cachent derrière cette décision ? Plongeons dans cette saga énergétique.
Un Contrat Stratégique pour l’Avenir Énergétique
La République tchèque a franchi une étape cruciale en confiant à KHNP la construction de deux unités nucléaires à la centrale de Dukovany, dans le sud du pays. Ce projet, évalué à environ 16 milliards d’euros, vise à renforcer l’autonomie énergétique tout en réduisant la dépendance au charbon et aux importations de gaz. Mais ce choix n’a pas été sans controverses, notamment après les recours judiciaires déposés par des concurrents, dont un grand acteur français de l’énergie.
Le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, a qualifié cette signature de « moment historique » pour le pays. Selon lui, ce projet garantit non seulement une énergie plus propre, mais aussi une place de choix pour les entreprises locales, KHNP promettant d’attribuer 60 % des travaux à des sociétés tchèques. Mais comment en est-on arrivé là, et pourquoi ce choix a-t-il suscité autant de remous ?
Une Compétition Acharnée pour un Marché Clé
L’appel d’offres pour les réacteurs de Dukovany a attiré les regards des plus grands noms de l’industrie nucléaire mondiale. Parmi eux, un géant français, connu pour ses centrales nucléaires, et le groupe américain Westinghouse étaient en lice. Pourtant, c’est KHNP, une entreprise sud-coréenne, qui a remporté le contrat à l’été 2024. Ce choix a surpris, non pas par la réputation de KHNP, mais par les tensions qu’il a engendrées.
Le concurrent français a contesté la décision, dénonçant un manque de transparence dans le processus. Une plainte déposée auprès de l’Autorité de la concurrence tchèque a conduit à une injonction temporaire, bloquant la signature du contrat. Mais en mai 2025, la justice a levé cette interdiction, estimant que la procédure présentait des failles. Ce revirement a permis au gouvernement tchèque de finaliser l’accord avec KHNP, marquant une victoire pour la diplomatie économique sud-coréenne.
« Nous avons fait tout notre possible pour que l’accord puisse être signé dès que les obstacles juridiques ont été levés », a déclaré Petr Fiala, soulignant l’importance de ce projet pour l’avenir énergétique du pays.
Pourquoi KHNP ? Les Raisons d’un Choix
Le choix de KHNP n’est pas anodin. L’entreprise sud-coréenne a proposé une offre financièrement compétitive, évaluée à 8 milliards d’euros par réacteur, soit environ 200 milliards de couronnes tchèques par unité. Mais au-delà du coût, c’est la promesse d’une collaboration étroite avec l’industrie locale qui a séduit. En effet, 60 % des travaux seront réalisés par des entreprises tchèques, un argument de poids pour un pays soucieux de dynamiser son économie.
De plus, KHNP bénéficie d’une solide réputation dans la construction de réacteurs nucléaires, avec des projets réussis à l’international, notamment aux Émirats arabes unis. Leur expertise, combinée à une approche pragmatique, a convaincu le groupe énergétique tchèque CEZ, qui gère les centrales de Dukovany et Temelin. Ces deux sites produisent déjà 40 % de l’électricité du pays, et l’ajout de nouvelles unités pourrait porter cette part à 50 % d’ici 2050.
Les chiffres clés du projet
- Coût estimé : 16 milliards d’euros pour deux réacteurs
- Début des travaux : 2029
- Mise en service : 2036 pour le premier réacteur
- Part des entreprises tchèques : 60 % des travaux
- Impact énergétique : Jusqu’à 50 % de l’électricité nationale d’origine nucléaire d’ici 2050
Un Tournant dans la Transition Énergétique
La République tchèque, comme de nombreux pays européens, se trouve à un carrefour énergétique. Longtemps dépendante du charbon, elle cherche à diversifier ses sources d’énergie tout en réduisant son empreinte carbone. Le nucléaire, avec son faible taux d’émissions, apparaît comme une solution incontournable. Mais ce projet va au-delà de la simple production d’électricité : il s’inscrit dans une volonté de sécurité énergétique.
Depuis la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine, l’Europe cherche à s’affranchir des importations de gaz et de pétrole russes. Pour la République tchèque, qui a déjà réduit sa dépendance à ces ressources, le nucléaire offre une stabilité à long terme. Les deux nouvelles unités de Dukovany, combinées à des projets de réacteurs modulaires, pourraient transformer le pays en un acteur clé de l’énergie propre en Europe centrale.
Les Défis d’un Projet Ambitieux
Si le projet est prometteur, il n’est pas sans défis. La construction de réacteurs nucléaires est un processus complexe, nécessitant des années de planification et des investissements massifs. Le calendrier prévoit un démarrage des travaux en 2029, avec une mise en service du premier réacteur en 2036. Mais les retards, fréquents dans ce type de projets, pourraient compliquer les choses.
De plus, les recours judiciaires, bien que levés, ont révélé des tensions entre les acteurs de l’industrie nucléaire. Le groupe américain Westinghouse, par exemple, a accusé KHNP d’utiliser ses technologies sans autorisation, avant de retirer sa plainte. Ces différends soulignent la compétitivité du secteur et les enjeux économiques en jeu.
« Le processus a été pleinement transparent à chaque étape », a assuré un représentant du groupe CEZ, appelant à la publication des détails des candidatures pour dissiper tout doute.
Quel Impact pour l’Europe ?
Ce contrat dépasse les frontières tchèques. En choisissant un acteur sud-coréen plutôt qu’un partenaire européen, la République tchèque envoie un signal fort sur la compétitivité mondiale du secteur nucléaire. Cette décision pourrait influencer d’autres pays européens, confrontés aux mêmes défis énergétiques. En France, où le nucléaire représente une part importante de la production électrique, ce revers pourrait pousser à une réflexion sur la stratégie internationale des entreprises du secteur.
Par ailleurs, ce projet renforce la présence de la Corée du Sud en Europe, un continent où elle cherche à s’imposer comme un leader technologique. Avec des projets similaires en cours dans d’autres pays, KHNP pourrait devenir un acteur incontournable du nucléaire mondial.
Pays | Projet nucléaire | Entreprise |
---|---|---|
République tchèque | Dukovany | KHNP |
Émirats arabes unis | Barakah | KHNP |
France | EPR Flamanville | EDF |
Un Avenir Énergétique à Redéfinir
La signature de ce contrat marque un tournant pour la République tchèque, mais aussi pour l’Europe. À l’heure où la transition énergétique est au cœur des préoccupations, le nucléaire reste une option controversée mais incontournable pour beaucoup. En misant sur KHNP, la République tchèque fait le pari d’une énergie fiable et durable, tout en renforçant ses liens économiques avec l’Asie.
Ce projet soulève aussi des questions sur l’avenir de l’industrie nucléaire européenne. Face à la concurrence mondiale, les entreprises du vieux continent devront redoubler d’efforts pour rester compétitives. Pour la République tchèque, l’objectif est clair : devenir un modèle d’autonomie énergétique tout en soutenant son économie locale. Reste à savoir si ce pari ambitieux portera ses fruits d’ici 2036.
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