Dans un petit village du sud-ouest du Tchad, la paix fragile a volé en éclats. Le 19 juin 2025, une attaque brutale a secoué Oregomel, dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, laissant derrière elle un bilan tragique de 18 morts, dont des femmes et des enfants. Ce drame, loin d’être un incident isolé, reflète des tensions profondes entre communautés, exacerbées par des différends autour de la terre et des ressources. Comment une telle violence a-t-elle pu éclater, et quelles sont les pistes pour apaiser ces conflits récurrents ?
Une tragédie qui secoue le Tchad
Le village d’Oregomel, niché dans une région où les terres fertiles attirent à la fois agriculteurs et éleveurs, a été le théâtre d’un affrontement meurtrier. Selon les autorités, 18 personnes ont perdu la vie, parmi lesquelles des femmes et des enfants, tandis que 17 autres ont été blessées. Ce drame, survenu en plein jour, a plongé la communauté dans la peur et le deuil. Les images de familles endeuillées et de villages désemparés ont rapidement fait le tour des réseaux, rappelant la fragilité de la coexistence dans cette région.
Le gouvernement tchadien, par la voix de son porte-parole, a confirmé l’ampleur de la tragédie. Une mission composée de plusieurs ministres a été envoyée sur place pour évaluer la situation, soutenir les victimes et rétablir l’ordre. Mais au-delà de ces mesures d’urgence, c’est la récurrence de ces violences qui interpelle. Pourquoi ces conflits, ancrés dans des différends anciens, continuent-ils de déchirer le tissu social ?
Les racines d’un conflit complexe
À l’origine de cette attaque, un différend agropastoral oppose deux communautés : les Ngambaye, agriculteurs sédentaires, et les Peuls, éleveurs nomades. Ce conflit, loin d’être nouveau, repose sur une concurrence pour l’accès à la terre. Les agriculteurs souhaitent protéger leurs champs, tandis que les éleveurs cherchent des pâturages pour leur bétail. Cette tension, exacerbée par la raréfaction des ressources, dégénère souvent en violence.
« Les conflits entre éleveurs et agriculteurs sont un fléau récurrent dans le sud du Tchad, où la terre est à la fois une richesse et une source de discorde. »
Le drame d’Oregomel n’est pas un cas isolé. Le mois dernier, un autre massacre dans le village de Mandakao avait coûté la vie à 42 personnes. Là encore, des tensions similaires entre Ngambaye et Peuls étaient en cause. Selon des estimations, entre 2021 et 2024, ces conflits ont fait plus de 1 000 morts et 2 000 blessés dans le pays. Ces chiffres, bien que glaçants, ne rendent pas pleinement compte de la douleur des communautés touchées.
Une vendetta aux conséquences dévastatrices
Les autorités locales ont qualifié l’attaque d’Oregomel de vendetta, menée par des éleveurs armés de machettes. Ce terme, chargé d’une connotation de vengeance, souligne l’engrenage de la violence dans la région. Parmi les victimes, onze enfants et six femmes, un bilan qui choque par sa brutalité. Les récits des survivants, bien que rares, décrivent une attaque soudaine, où la fureur a laissé peu de place à la clémence.
Vingt suspects ont été arrêtés, selon le communiqué officiel. Ces interpellations, bien qu’essentielles, soulèvent des questions : suffiront-elles à apaiser les tensions, ou risquent-elles d’attiser les ressentiments ? Le gouvernement, conscient de l’urgence, a dépêché une délégation ministérielle pour non seulement soutenir les familles, mais aussi réaffirmer l’autorité de l’État. Pourtant, dans une région où la méfiance envers les institutions est palpable, cette réponse sera-t-elle suffisante ?
Les tensions ethniques et politiques en toile de fond
Le drame d’Oregomel s’inscrit dans un contexte plus large de tensions ethniques et politiques. Dans le sud du Tchad, les populations chrétiennes et animistes se sentent souvent marginalisées par un pouvoir central perçu comme favorisant les communautés musulmanes du nord. Cette fracture, ancrée dans l’histoire du pays, alimente un sentiment d’injustice qui peut dégénérer en violence.
Un acteur clé de cette crise est Succès Masra, leader du parti d’opposition Les Transformateurs. Issu de l’ethnie Ngambaye, il a été arrêté et accusé de graves chefs d’inculpation, dont l’incitation à la haine et la complicité d’assassinat. Un message audio datant de 2023, où il appellerait à l’apprentissage de l’usage des armes, est au cœur des accusations portées contre lui. Bien que controversé, ce message illustre la polarisation croissante dans le pays.
« Apprenons-nous les uns et les autres à utiliser une arme à feu. Que ce soit fille ou garçon, que ce soit homme ou femme… soyons tous des boucliers protecteurs. »
Extrait attribué à Succès Masra
Cette affaire, loin d’être anodine, met en lumière la difficulté de concilier liberté d’expression et prévention de la violence. Si certains y voient une tentative de museler l’opposition, d’autres estiment que de tels discours peuvent attiser des conflits déjà explosifs. Dans ce climat, la justice devra faire preuve de transparence pour éviter d’aggraver les tensions.
Un défi pour la cohésion nationale
Les conflits agropastoraux, bien qu’enracinés dans des questions locales, posent un défi majeur à la cohésion nationale. Le Tchad, pays aux multiples ethnies et cultures, doit trouver un équilibre entre les besoins des agriculteurs sédentaires et des éleveurs nomades. Les autorités ont promis des mesures pour rétablir l’ordre, mais la solution ne peut se limiter à des interventions sécuritaires.
Des initiatives de dialogue intercommunautaire pourraient-elles apaiser les tensions ? Certains experts plaident pour une meilleure délimitation des zones de pâturage et d’agriculture, assortie d’un renforcement de la médiation locale. D’autres soulignent l’importance de lutter contre la marginalisation des communautés du sud, qui alimente un sentiment d’exclusion.
Conflit | Lieu | Date | Bilan |
---|---|---|---|
Attaque intercommunautaire | Oregomel | 19 juin 2025 | 18 morts, 17 blessés |
Massacre | Mandakao | Mai 2025 | 42 morts |
Vers des solutions durables ?
Le drame d’Oregomel, comme celui de Mandakao, met en lumière l’urgence de trouver des solutions durables. Voici quelques pistes envisagées :
- Médiation communautaire : Mettre en place des forums de dialogue entre éleveurs et agriculteurs pour prévenir les conflits.
- Régulation foncière : Délimiter clairement les zones de pâturage et d’agriculture pour réduire les frictions.
- Renforcement de la justice : Garantir des procès équitables pour les responsables des violences, sans alimenter les tensions ethniques.
- Soutien aux victimes : Apporter une aide psychologique et matérielle aux familles touchées pour favoriser la réconciliation.
Ces mesures, bien que prometteuses, nécessitent une volonté politique forte et des ressources importantes. Dans un pays où les divisions ethniques et religieuses sont profondément ancrées, le chemin vers la paix reste semé d’embûches. Pourtant, l’espoir persiste : des initiatives locales, portées par des chefs communautaires, ont déjà permis de désamorcer des conflits par le passé.
Un appel à la vigilance
Le drame d’Oregomel est un rappel douloureux des défis auxquels le Tchad est confronté. Au-delà des chiffres, ce sont des vies brisées, des familles déchirées et des communautés divisées. La réponse du gouvernement, bien que rapide, devra s’inscrire dans une vision à long terme pour éviter que de tels événements ne se reproduisent.
Alors que le pays pleure ses morts, une question demeure : le Tchad parviendra-t-il à surmonter ces fractures pour bâtir un avenir plus uni ? La réponse dépendra autant de la volonté des autorités que de l’engagement des communautés à construire une paix durable. En attendant, Oregomel reste un symbole de la fragilité de la coexistence, mais aussi d’un espoir tenace pour un avenir meilleur.