Dans un village reculé du sud-ouest du Tchad, un drame a secoué la communauté : un massacre d’éleveurs peuls, majoritairement des femmes et des enfants, a fait 42 victimes selon les autorités. Mais ce qui choque davantage, c’est la menace qui pèse aujourd’hui sur ceux qui tentent de faire la lumière sur cet événement tragique. Pourquoi les autorités tchadiennes cherchent-elles à museler les journalistes et les acteurs de la société civile qui enquêtent sur cette affaire ? Cet article explore les dessous d’une crise où la liberté de la presse et les droits humains sont en péril.
Un massacre qui révèle des tensions profondes
Le village de Mandakao, théâtre d’un massacre en mai 2025, est devenu un symbole des tensions qui déchirent certaines régions du Tchad. Ce drame, qui a coûté la vie à 42 personnes, trouve ses racines dans un conflit entre éleveurs peuls et agriculteurs ngambayes. La cause ? Une dispute autour de la délimitation des terres destinées au pâturage et à l’agriculture. Ce type de conflit, loin d’être isolé, reflète une problématique récurrente dans le pays.
Entre 2021 et 2024, les affrontements agro-pastoraux ont causé plus de 1 000 morts et environ 2 000 blessés, selon les estimations d’une organisation internationale spécialisée dans l’analyse des conflits. Ces chiffres alarmants montrent l’ampleur des tensions ethniques et économiques qui traversent le Tchad, un pays où les ressources naturelles, comme la terre, sont souvent au cœur des violences.
Les conflits agro-pastoraux ne sont pas seulement des querelles locales, ils sont le reflet d’un manque de régulation et de dialogue entre les communautés.
Source locale anonyme
Une justice qui intimide
Face à ce drame, les autorités tchadiennes ont adopté une posture qui inquiète. Le procureur de la République de N’Djamena a publié un communiqué menaçant de poursuites judiciaires les journalistes et les membres de la société civile qui se rendent à Mandakao pour enquêter de leur propre initiative. Cette déclaration, reçue dans la nuit de samedi à dimanche, met en avant la sensibilité de l’affaire et accuse ces acteurs d’empiéter sur les fonctions judiciaires.
Cette menace intervient dans un contexte où la liberté d’expression est déjà fragilisée. En mars 2025, trois journalistes tchadiens ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt. Parmi eux, un directeur de publication et correspondant d’une radio internationale, accusé d’avoir collaboré avec un groupe paramilitaire étranger. Ces arrestations ont suscité l’indignation des organisations de défense des droits humains, qui dénoncent une vague de répression.
Les organisations internationales, telles que la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et Reporters sans frontières (RSF), ont appelé à la libération immédiate des journalistes et à un procès équitable.
Un climat politique tendu
Le contexte politique au Tchad n’est pas étranger à cette situation. Élu en mai 2024 dans un scrutin largement contesté, le président Mahamat Idriss Déby Itno a consolidé son pouvoir en décembre de la même année grâce à une victoire écrasante aux élections législatives et locales. Ces élections, boycottées par l’opposition, ont renforcé l’emprise du pouvoir en place, laissant peu de place à la dissidence.
Un exemple marquant de cette répression est l’arrestation de Succès Masra, leader du parti Les Transformateurs et ancien Premier ministre. Placé en détention provisoire le 21 mai 2025, il est accusé d’incitation à la haine en lien avec le massacre de Mandakao. Cette arrestation, survenue cinq jours après les événements, soulève des questions sur les motivations réelles des autorités.
En muselant les opposants et les journalistes, le pouvoir cherche à contrôler le récit autour des événements de Mandakao.
Analyste politique anonyme
Les journalistes, cibles d’une répression croissante
Les journalistes tchadiens opèrent dans un climat de plus en plus hostile. Les menaces du procureur ne sont pas un cas isolé, mais s’inscrivent dans une série d’actions visant à limiter la liberté de la presse. Les arrestations de mars 2025, par exemple, ont visé des professionnels des médias accusés de liens avec des groupes étrangers, des accusations souvent vagues et difficilement vérifiables.
Pour mieux comprendre l’impact de cette répression, voici quelques points clés :
- Arrestations arbitraires : Trois journalistes placés sous mandat de dépôt en mars 2025.
- Menaces judiciaires : Le procureur met en garde contre toute enquête indépendante à Mandakao.
- Appels internationaux : Les organisations de défense des droits humains demandent justice et transparence.
Ces mesures ont un effet dissuasif sur les professionnels des médias, qui craignent désormais pour leur sécurité lorsqu’ils couvrent des sujets sensibles. Cette situation compromet non seulement leur travail, mais aussi l’accès du public à une information libre et indépendante.
Les conflits agro-pastoraux : une crise structurelle
Pour mieux saisir les racines du massacre de Mandakao, il est essentiel de s’intéresser aux conflits agro-pastoraux qui gangrènent le Tchad. Ces affrontements opposent souvent des communautés nomades, comme les éleveurs peuls, à des agriculteurs sédentaires, comme les Ngambayes. La question de l’accès à la terre, exacerbée par le changement climatique et la pression démographique, est au cœur de ces tensions.
Voici un aperçu des causes principales de ces conflits :
Cause | Description |
---|---|
Accès à la terre | Conflits sur la délimitation des zones de pâturage et d’agriculture. |
Changement climatique | Raréfaction des ressources naturelles, augmentant la compétition. |
Absence de régulation | Manque de politiques claires pour gérer les tensions communautaires. |
Ces conflits, loin d’être résolus, continuent de faire des victimes et d’alimenter un climat d’instabilité dans plusieurs régions du pays.
Les droits humains en danger
Les organisations de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme. La répression des journalistes et des opposants politiques, combinée à l’absence de transparence sur des événements comme le massacre de Mandakao, met en péril les principes fondamentaux de la démocratie. La liberté de la presse, en particulier, est un pilier essentiel pour garantir une société informée et juste.
Les appels à la libération des journalistes arrêtés se multiplient, tout comme les demandes pour un accès libre et sécurisé aux zones touchées par les violences. Sans une presse libre, comment les citoyens tchadiens peuvent-ils comprendre les enjeux qui les entourent ?
La liberté de la presse est un droit fondamental, et sa restriction est un signe inquiétant pour l’avenir du Tchad.
Organisation internationale des droits humains
Vers un avenir incertain
Le massacre de Mandakao et les menaces qui pèsent sur les journalistes ne sont que les symptômes d’un problème plus large : un climat de répression et de tensions sociales qui menace la stabilité du Tchad. Alors que le pays navigue dans une période de transition politique, la question de la liberté d’expression reste cruciale.
Les citoyens, les journalistes et les défenseurs des droits humains continueront-ils à faire entendre leur voix face à ces pressions ? L’avenir de la liberté de la presse au Tchad dépendra de la capacité des autorités à écouter les appels à la transparence et à la justice.
Et si la vérité devenait un crime dans un pays en quête de justice ?
En attendant, les regards se tournent vers Mandakao, où les familles des victimes attendent toujours des réponses. La communauté internationale, de son côté, appelle à une enquête indépendante pour faire la lumière sur ce drame et garantir que la liberté de la presse ne soit pas sacrifiée au nom du contrôle.