C’est une décision qui a pris tout le monde de court. Le mercredi 28 novembre dernier, le Tchad a annoncé son intention de mettre fin aux accords de sécurité et de défense qui le liaient à la France depuis la fin de l’époque coloniale. Selon une source proche du dossier, cette rupture a été justifiée par un désir de « souveraineté » après « une évaluation minutieuse » de la situation. Paris, qui en a simplement pris acte, attend maintenant un dialogue pour la mise en œuvre concrète de cette décision surprise.
Une commission spéciale pour un retrait ordonné
Pour piloter ce processus délicat, les autorités tchadiennes ont rapidement mis en place une commission spéciale. Présidée par le ministre des Affaires étrangères, celle-ci aura pour mission de :
- Notifier officiellement la dénonciation de l’accord de coopération militaire auprès des autorités françaises
- Élaborer un plan de travail pour la cessation des obligations prévues par la convention
- Identifier et gérer les aspects juridiques, sécuritaires et logistiques
- Se coordonner avec le partenaire français pour garantir un retrait ordonné des engagements bilatéraux
Pour l’instant, aucune échéance précise n’a été communiquée. Le délai de résiliation prévu par l’accord est de six mois à compter de la notification officielle aux autorités françaises. La commission définira son calendrier de travail lors de sa première réunion, dont la date reste à fixer.
Le Tchad, dernier pays sahélien à accueillir des forces françaises
Actuellement, environ un millier de militaires français sont encore déployés sur trois bases au Tchad. Depuis plusieurs mois, la présence de ces forces est de plus en plus perçue comme un « élément de soutien au régime en place, peu enclin à promouvoir des avancées démocratiques », selon une analyse de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Le pays est toujours en transition politique depuis le coup d’État qui a porté au pouvoir le général Mahamat Idriss Déby en 2020, avant sa légitimation par une élection présidentielle contestée en avril dernier. Sur le plan sécuritaire, le Tchad fait face à de multiples défis :
- Attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans le nord-ouest
- Afflux de réfugiés venus du Soudan voisin
- Dégâts d’une saison des pluies sans précédent ayant fait plus de 2 millions de déplacés
Une rupture qui s’inscrit dans un contexte régional tendu
La décision tchadienne intervient après une série de revers pour la France dans la région sahélienne. Ces derniers mois, Paris a dû retirer ses troupes du Mali, du Burkina Faso et du Niger, souvent sous la pression des autorités de transition issues de coups d’État. Plus récemment, le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a lui aussi formulé le souhait d’une fermeture des bases françaises dans son pays.
Cette décision de rupture ne constitue en aucun cas un rejet de la coopération internationale ni une remise en question de nos relations diplomatiques avec la France.
Président tchadien Mahamat Idriss Déby
Malgré tout, le président tchadien a tenu à rassurer en affirmant que cette dénonciation « ne constitue en aucun cas un rejet de la coopération internationale ni une remise en question de nos relations diplomatiques avec la France ». Il a aussi précisé qu’il ne s’agissait pas d’« une logique de remplacement d’une puissance par une autre».
Reste à voir comment se déroulera concrètement ce retrait et quelles en seront les conséquences pour la stabilité du Tchad et de la région. Une chose est sûre : la reconfiguration des partenariats sécuritaires et de défense en Afrique semble bel et bien enclenchée, avec une volonté croissante des États d’affirmer leur souveraineté et de diversifier leurs alliances.
