Imaginez : toutes les secondes, plus de 145 petits colis franchissent les frontières européennes. En 2024, ce sont 4,6 milliards d’envois de moins de 150 euros qui ont atterri chez nous, et 91 % venaient directement de Chine. Un raz-de-marée qui inquiète depuis longtemps les commerçants, les industriels et même les douaniers.
Face à cette vague, l’Union européenne a décidé d’agir plus vite que prévu. L’exonération de droits de douane dont bénéficiaient ces petits paquets va disparaître bien avant 2028. Objectif : rétablir des règles du jeu équitables et protéger le consommateur.
Une concurrence jugée déloyale de plus en plus criante
Quand un tee-shirt coûte trois euros livré en trois jours depuis la Chine et échappe à toute taxe, le commerçant du centre-ville qui paie TVA, charges sociales et loyer ne fait plus le poids. C’est le cri d’alarme qui monte depuis des années chez les détaillants européens.
Le phénomène a explosé récemment avec l’arrivée massive de plateformes ultra-agressives en prix. Certains noms reviennent sans cesse dans les débats : Shein, Temu, AliExpress. Leurs colis minuscules inondent les boîtes aux lettres et échappent aux contrôles habituels.
« Il y a quatre ans, on parlait d’un milliard de colis. Aujourd’hui, c’est plus de quatre milliards. »
Cette phrase résume à elle seule l’ampleur du problème. Et derrière les prix cassés se cachent parfois des produits qui ne respectent aucune norme européenne de sécurité ou d’environnement.
Des contrôles impossibles à tenir
Les services douaniers sont débordés. Quand des milliers de colis arrivent en même temps dans un hub aérien, impossible de tous les ouvrir. Résultat : jouets dangereux, vêtements avec substances interdites ou contrefaçons passent trop souvent entre les mailles du filet.
Le scandale récent des poupées à l’apparence enfantine vendues par certaines plateformes a fini de convaincre les responsables politiques qu’il fallait agir vite. La France, particulièrement offensive sur le sujet, a poussé ses partenaires à accélérer le calendrier.
2026 au lieu de 2028 : un calendrier resserré
À l’origine, la suppression de cette exonération était prévue pour 2028, le temps de mettre en place une grande plateforme numérique douanière commune. Mais l’urgence a changé la donne. En novembre, les ministres des Finances des 27 ont décidé d’avancer la mesure « dès que possible » en 2026.
Cette solution transitoire doit être simple, rapide à déployer et surtout efficace. Car appliquer dès l’an prochain les barèmes douaniers classiques (qui varient selon la catégorie de produit et le pays d’origine) serait tout simplement ingérable.
Taxe forfaitaire ou proportionnelle : le débat qui anime les couloirs bruxellois
Plusieurs options sont sur la table. La France défend une taxe forfaitaire, jugée plus dissuasive et surtout plus facile à collecter immédiatement. D’autres pays préfèreraient un pourcentage du prix, plus conforme aux règles habituelles du commerce international.
Quelle que soit la formule retenue, l’idée reste la même : faire payer un minimum à chaque colis pour décourager les commandes compulsives de produits à deux euros et financer des contrôles renforcés.
À retenir : L’exonération actuelle permet à un colis de 149 euros d’entrer sans aucun droit de douane ni TVA à l’import. Demain, même un paquet de 10 euros pourrait coûter quelques euros supplémentaires.
Deux euros de frais de traitement en plus à partir de novembre 2026
La taxation des droits de douane ne sera pas la seule nouveauté. Bruxelles prépare aussi l’instauration de frais administratifs fixes, probablement deux euros par colis, pour couvrir les coûts de contrôle. Cette mesure, déjà proposée en mai, devrait entrer en vigueur à l’automne 2026.
Ces deux euros semblent dérisoires, mais multipliés par plusieurs milliards, ils représentent une manne importante pour moderniser les douanes et embaucher du personnel supplémentaire.
Ce que cela va changer concrètement pour le consommateur
Finies les commandes à 1,99 euro « tout compris ». Le prix affiché sur l’application ne sera plus le prix final. Il faudra ajouter la nouvelle taxe, les éventuels frais de traitement et, dans certains cas, la TVA collectée dès l’achat par la plateforme (règle déjà en place depuis 2021 pour la TVA mais peu appliquée par certains acteurs).
Les plateformes les plus agressives risquent de perdre leur principal argument commercial : le prix imbattable. Les consommateurs, eux, retrouveront peut-être le chemin des boutiques physiques ou des sites européens qui respectent les normes.
Une première étape dans une stratégie plus large
Cette taxation n’est que le début. L’Union européenne prépare d’autres mesures pour mieux contrôler les flux venant de l’extérieur : traçabilité renforcée, obligation pour les plateformes de vérifier la conformité des produits avant expédition, sanctions plus lourdes en cas de fraude.
L’objectif affiché est clair : protéger l’industrie européenne, garantir la sécurité des consommateurs et rééquilibrer les échanges commerciaux avec les grands pays exportateurs.
En résumé, 2026 marquera la fin d’une ère où des milliards de petits colis échappaient à tout contrôle. L’Europe passe à l’offensive, et les habitudes d’achat en ligne pourraient bien en être durablement transformées.
| Mesure | Date prévue | Impact principal |
|---|---|---|
| Suppression exonération douane | Dès que possible 2026 | Taxe sur chaque colis < 150 € |
| Frais de traitement | Novembre 2026 | ~2 € par colis |
| Plateforme douanière complète | 2028 | Contrôles automatisés |
Le compte à rebours est lancé. Les négociations techniques se poursuivent pour que tout soit prêt dans moins d’un an. Une chose est sûre : le shopping en ligne low-cost à l’extrême appartient peut-être bientôt au passé.









