Imaginez un instant pouvoir remporter le jackpot sans avoir à payer d’impôts sur vos gains. Un rêve pour certains, mais qui pourrait bien virer au cauchemar pour les joueurs si les préconisations d’un récent rapport venaient à se concrétiser. Le Conseil des prélèvements obligatoires, organisme rattaché à la Cour des comptes, vient en effet de dégainer ses propositions chocs pour taxer les jeux d’argent et de hasard. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne vont pas faire que des heureux !
Taxer les gains des joueurs : une première en France
C’est l’une des mesures phares préconisées par le rapport : assujettir les gains des joueurs à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Une taxation inédite en France, qui pourrait rapporter gros selon les estimations du Conseil. Mais forcément, cette proposition risque de faire grincer des dents chez les habitués des paris sportifs, des casinos et autres jeux de grattage. Jusqu’à présent, ils pouvaient profiter de leurs gains en toute tranquillité fiscale. Un sacré avantage qui pourrait donc bientôt disparaître…
Des dépenses publicitaires dans le viseur
Mais les joueurs ne seraient pas les seuls à trinquer. Le rapport s’attaque aussi aux opérateurs de jeux en suggérant de taxer leurs dépenses promotionnelles. Publicités, bonus, gratifications diverses… Tout serait concerné ! Le but : dissuader le matraquage publicitaire qui incite au jeu, notamment chez les jeunes et les profils à risque. Une mesure déjà évoquée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale du gouvernement, mais jugée insuffisante par le Conseil qui préconise d’aller encore plus loin.
Remède miracle pour combler le trou de la Sécu ?
Au-delà de la volonté de mieux contrôler ce secteur juteux mais problématique pour la santé publique, il y a évidemment un enjeu financier derrière ces propositions. D’après les calculs du Conseil, taxer les gains des joueurs pourrait rapporter au bas mot 1 milliard d’euros par an. De quoi donner des idées au gouvernement, toujours en quête de nouvelles recettes pour combler le déficit de la Sécurité sociale. Le rapport suggère d’ailleurs d’affecter l’essentiel du produit de ces taxes à la Sécu. Un remède miracle ?
Simplifier la fiscalité des jeux, mission impossible ?
Mais ce n’est pas tout ! Le rapport égratigne aussi au passage l’extrême complexité de la fiscalité actuelle sur les jeux. Pas moins de 33 taxes et prélèvements divers s’appliquent aujourd’hui, formant ce que le Conseil qualifie «d’ensemble illisible». D’où sa proposition de tout regrouper en une taxe unique, plus simple et plus cohérente. Sur le papier, l’idée semble séduisante. Reste à voir si elle est réellement applicable en pratique, sans créer encore plus de complications…
La fiscalité sur les jeux d’argent est un maquis inextricable. Il est plus que temps de la simplifier et de la rendre plus efficace, quitte à bousculer certains intérêts établis.
Un membre du Conseil des prélèvements obligatoires
Des recettes fiscales significatives en jeu
Il faut dire que l’enjeu financier est de taille. Selon des données de la Française des Jeux relayées par une source proche du dossier, les mises engagées dans les jeux d’argent et de hasard ont atteint la somme astronomique de 50 milliards d’euros en 2023. Sur ce total, l’État a prélevé environ 7 milliards d’euros de taxes et prélèvements divers, dont la majeure partie est allée dans ses caisses plutôt que dans celles de la Sécurité sociale. Un déséquilibre que le rapport entend bien corriger.
La rente des opérateurs dans le collimateur
Autre cheval de bataille du Conseil : mieux redistribuer la «rente» dont bénéficient les opérateurs. Sur des marchés très restreints et peu concurrentiels, comme celui des jeux de grattage par exemple, la Française des Jeux engrange des bénéfices confortables, voire «supra-compétitifs» selon l’expression consacrée. Une situation de quasi-monopole qui mérite d’être davantage régulée et taxée, estime le rapport, afin que les gains soient mieux partagés avec la collectivité.
Vers une taxation différenciée selon les jeux ?
Le Conseil pousse même la réflexion jusqu’à proposer une taxation différenciée selon le type de jeu, en fonction de sa dangerosité potentielle. Ainsi, les jeux de pur hasard comme les machines à sous ou la loterie pourraient être davantage taxés que les paris sportifs ou le poker, qui font appel (en partie) aux connaissances et à la stratégie des joueurs. Un premier pas vers une fiscalité plus «intelligente», prenant mieux en compte les spécificités de chaque activité.
Les écueils à éviter
Malgré ces pistes intéressantes, le rapport n’élude pas les difficultés et les risques potentiels d’une telle réforme fiscale. La principale crainte : voir les joueurs se tourner davantage vers les sites illégaux si la pression fiscale devenait trop forte sur le secteur légal. Un écueil majeur qui nécessiterait de renforcer encore les contrôles et la lutte contre ces opérateurs hors-la-loi. Sous peine de voir une partie des bénéfices escomptés s’évaporer dans la nature…
Seule certitude : le sujet risque de faire couler beaucoup d’encre dans les mois à venir, et de susciter un lobbying intense de la part des différents acteurs concernés. Opérateurs de jeux, buralistes, clubs de sport, associations d’addictologie… Tous voudront faire entendre leur voix et préserver leurs intérêts face à ces propositions explosives. Reste à savoir si le gouvernement osera vraiment ouvrir ce dossier brûlant, ou s’il préfèrera finalement le renvoyer aux calendes grecques. Réponse (peut-être) dans le prochain budget…