C’est dans un contexte tendu que l’Assemblée nationale vénézuélienne, dominée par le pouvoir en place, a reconduit jeudi Tarek William Saab au poste de procureur général pour un nouveau mandat de sept ans. Une décision qui ne manque pas de faire réagir, M. Saab étant une figure controversée, notamment en raison des sanctions américaines dont il fait l’objet.
Un procureur général sous le feu des critiques
Âgé de 62 ans, Tarek William Saab est loin de faire l’unanimité. Personnage médiatique et très présent sur les réseaux sociaux, cet ancien gouverneur de l’État d’Anzoategui pour le parti au pouvoir s’est illustré ces dernières années en étant un des fers de lance de la répression judiciaire au Venezuela.
Procureur général depuis 2017, il a notamment supervisé les poursuites contre de nombreux manifestants anti-gouvernementaux, souvent inculpés pour « terrorisme ». Une ligne dure qui lui vaut les foudres des organisations de défense des droits humains.
Les ONG dénoncent régulièrement le manque d’indépendance du système judiciaire vénézuélien, accusé d’être aux ordres du pouvoir.
Face à ces accusations, M. Saab se défend en mettant en avant les condamnations prononcées contre plus de 600 fonctionnaires pour abus sous son mandat au ministère public. Une preuve, selon lui, qu’il ne s’agit pas de directives officielles.
Dans le collimateur de Washington
Mais ces arguments peinent à convaincre à l’international. En 2017, les États-Unis ont placé Tarek William Saab sur leur liste noire de responsables vénézuéliens soumis à des sanctions, gelant ses éventuels avoirs sur le sol américain et lui interdisant toute transaction avec des entités américaines.
Une décision prise dans le cadre de la politique de pression maximale menée par Washington envers le gouvernement de Nicolas Maduro, que les États-Unis ne reconnaissent plus comme légitime depuis la réélection contestée du président vénézuélien en 2018.
Enquêtes anti-corruption et tensions diplomatiques
Malgré ce contexte difficile, le parquet général sous la houlette de Tarek William Saab n’a pas chômé ces dernières années. L’un de ses principaux chevaux de bataille a été la lutte anti-corruption, notamment dans le secteur pétrolier, crucial pour l’économie vénézuélienne.
Sous son mandat, pas moins de cinq anciens ministres du Pétrole ont été mis en cause, finissant en fuite ou en prison. Une purge qui ne suffit cependant pas à endiguer la chute libre de la production pétrolière du pays, qui peine à exploiter ses immenses réserves.
M. Saab s’est aussi illustré récemment en s’en prenant verbalement au président brésilien Lula, l’accusant d’avoir mis en scène un accident domestique pour ne pas avoir à se rendre à un sommet diplomatique en Russie. Un sommet où le Brésil s’est opposé à l’entrée du Venezuela.
Le procureur a également fait parler de lui en réclamant l’arrestation d’un homme politique argentin dans le cadre d’une affaire d’avion vénézuélien saisi en Argentine l’an dernier. Des prises de position retentissantes qui ne font qu’accroître les tensions entre Caracas et ses voisins.
Un nouveau mandat qui interroge
Dans ce contexte diplomatique et judiciaire explosif, la reconduction de Tarek William Saab pour sept années supplémentaires interpelle. Si elle n’est guère surprenante au vu de la mainmise du pouvoir sur l’Assemblée nationale, elle risque de compliquer encore un peu plus les relations du Venezuela avec l’extérieur.
D’autant que l’opposition vénézuélienne, qui conteste la légitimité du parlement depuis le boycott des législatives de 2020, voit d’un très mauvais œil la poursuite du mandat de celui qu’elle considère comme le bras armé judiciaire du régime.
Une situation délicate qui place M. Saab en première ligne. Sera-t-il en mesure d’incarner l’indépendance de la justice que réclament ses détracteurs, ou continuera-t-il au contraire à s’affirmer comme un soutien indéfectible du président Maduro ? Les années à venir nous le diront.
En attendant, sa reconduction apparaît comme un signal clair envoyé par le pouvoir vénézuélien : malgré les pressions, le cap ne changera pas et les fidèles seront récompensés. Une logique qui risque hélas de continuer à peser lourd sur l’avenir politique et judiciaire du pays.