Imaginez une cérémonie d’investiture présidentielle qui se déroule non pas sous les acclamations d’une foule enthousiaste, mais dans un silence glacial, entourée de militaires et loin des regards du public. C’est exactement ce qui se prépare en Tanzanie ce lundi, où la tension est à son comble après un scrutin présidentiel marqué par des violences d’une rare intensité.
Une Investiture Sous Haute Tension
La présidente sortante, Samia Suluhu Hassan, doit prêter serment ce matin à Dodoma, la capitale administrative du pays. Contrairement aux traditions passées où ces événements se tenaient dans un stade bondé, cette fois-ci, tout se passe à huis clos. Seuls quelques officiels et militaires sont présents, dans un espace qui ressemble davantage à un terrain de manœuvres qu’à une fête nationale.
Les images diffusées par les médias publics montrent des tribunes clairsemées, où les uniformes dominent largement. Quelques podiums ont été installés, mais ils ne parviennent pas à combler le vide immense qui plane sur la scène. Ce choix de fermer l’événement au public en dit long sur l’atmosphère qui règne actuellement dans le pays.
Officiellement, Samia Suluhu Hassan a remporté l’élection avec un score écrasant de 97,66 % des voix, selon la commission électorale. Un chiffre qui soulève immédiatement des questions, tant il semble irréaliste dans un contexte démocratique sain. L’opposition, elle, parle d’une véritable parodie de démocratie, pointant du doigt l’absence de concurrence réelle.
Un Scrutin Sans Opposition Réelle
Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut remonter à la préparation du vote. Les deux principaux partis d’opposition ont été systématiquement écartés du processus. Le parti Chadema, principale force contestataire, a été purement et simplement exclu des élections. Quant à l’ACT Wazalendo, son candidat à la présidentielle a été disqualifié sans explication convaincante.
Les leaders de l’opposition n’ont pas été épargnés. Tundu Lissu, figure emblématique du Chadema, croupit en prison depuis avril. Il est actuellement jugé pour trahison, une accusation qui peut mener à la peine de mort. Luhaga Mpina, l’autre candidat potentiel, a vu sa candidature rejetée sous des prétextes administratifs.
Face à cette situation, le parti Chadema avait appelé au boycott total du scrutin. Un appel suivi par une grande partie de la population, malgré les chiffres officiels qui revendiquent une participation record de 87 %. Sur le terrain, les observateurs ont constaté une affluence extrêmement faible dans de nombreux bureaux de vote.
L’élection a été qualifiée de « parodie de démocratie » par l’opposition.
Cette citation résume parfaitement le sentiment général parmi les contestataires. Les irrégularités ne se limitent pas à l’absence d’adversaires. Le jour du vote, de nombreuses fraudes ont été signalées : bourrage d’urnes, intimidation d’électeurs, et manipulation des procès-verbaux.
Des Manifestations Réprimées Dans le Sang
Le scrutin présidentiel était couplé aux élections législatives, ce qui a amplifié les tensions. Dès l’annonce des premiers résultats, des manifestations massives ont éclaté à travers le pays, particulièrement dans la capitale économique Dar es Salaam. Les forces de l’ordre ont répondu avec une violence extrême.
En trois jours seulement, les affrontements ont fait des centaines de victimes. Les estimations varient, mais elles sont toutes effroyables. Un porte-parole du Chadema a d’abord évoqué au moins 700 morts, avant de réviser ce chiffre à 800 le lendemain. Des sources sécuritaires parlent elles aussi de centaines de morts, tandis que des diplomates évoquent la possibilité de milliers de victimes.
Les premières images qui filtrent malgré la coupure d’internet sont terrifiantes. On y voit des corps entassés, parfois les uns sur les autres. D’autres vidéos montrent des membres des forces de l’ordre utilisant leurs armes à feu contre des manifestants désarmés. L’authenticité de ces documents reste à vérifier, mais leur multiplication donne une idée de l’ampleur du drame.
Bilan provisoire des violences :
- Estimations basses : plusieurs centaines de morts
- Estimations hautes : potentiellement plus de 1000 victimes
- Manifestations dans toutes les grandes villes
- Forces de l’ordre accusées d’usage excessif de la force
Un Pays Mis Sous Cloche
Depuis mercredi, internet est complètement coupé sur tout le territoire tanzanien. Cette mesure drastique vise à empêcher la diffusion d’informations et d’images compromettantes. Elle ralentit considérablement la sortie des nouvelles du pays, créant un véritable blackout médiatique.
Cette coupure n’est pas anodine. Selon des sources diplomatiques, les autorités utilisent ce black-out pour traquer les opposants. La police rechercherait particulièrement ceux qui pourraient détenir des vidéos des exactions commises par les forces de l’ordre. Dans ce contexte, posséder un simple téléphone avec des images peut devenir une condamnation à mort.
La vie quotidienne est paralysée. Les écoles restent fermées ce lundi, tout comme les transports publics. Seuls quelques signes de retour au calme sont visibles dans les grandes villes depuis le week-end. Mais cette accalmie ressemble davantage à une résignation qu’à une véritable paix retrouvée.
Les Réactions Internationales
La communauté internationale commence à réagir, même si les réponses restent timides pour l’instant. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réclamé une enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d’usage excessif de la force. Une demande qui risque de rester lettre morte sans pression supplémentaire.
Le pape Léon XIV s’est également exprimé dimanche. Lors de sa prière, il a mentionné spécifiquement la Tanzanie, priant pour le pays et évoquant les nombreuses victimes des affrontements post-électoraux. Un message qui a touché de nombreux Tanzaniens, même si son impact concret reste limité.
« Il n’y a eu aucun usage excessif de la force. Je n’ai pas vu ces 700 morts. »
Ministre tanzanien des Affaires étrangères
Du côté des autorités tanzaniennes, c’est le déni total. Le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Thabit Kombo, affirme n’avoir constaté aucune violence excessive. Une position qui contraste violemment avec les témoignages et les images qui circulent malgré la censure.
Le Parcours de Samia Suluhu Hassan
Pour comprendre comment la situation a pu en arriver là, il faut revenir sur le parcours de la présidente. Samia Suluhu Hassan est arrivée au pouvoir en 2021, à la mort soudaine de son prédécesseur John Magufuli. À l’époque, elle avait été saluée pour son approche plus modérée.
Dans les premiers mois de son mandat, elle avait assoupli certaines des restrictions les plus controversées mises en place par Magufuli. La liberté de la presse avait connu un léger mieux, tout comme certains droits civiques. Beaucoup y avaient vu le début d’une ère nouvelle pour la Tanzanie.
Mais cette lune de miel n’a pas duré. Progressivement, les critiques à l’encontre de son pouvoir se sont multipliées. En amont du scrutin, les organisations de défense des droits humains avaient déjà tiré la sonnette d’alarme. Elles dénonçaient une vague de terreur marquée par des arrestations arbitraires et des disparitions forcées.
| Période | Événements clés |
|---|---|
| 2021 | Arrivée au pouvoir après la mort de Magufuli |
| 2021-2022 | Assouplissement initial des restrictions |
| 2023-2024 | Répression croissante de l’opposition |
| 2025 | Élections contestées et violences massives |
Les Accusations d’Amnesty International
Avant même le scrutin, Amnesty International avait publié un rapport accablant. L’organisation dénonçait des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des actes de torture et même des exécutions extrajudiciaires. Des pratiques qui rappellent les heures les plus sombres de l’histoire tanzanienne.
Ces accusations n’ont pas empêché la tenue des élections. Au contraire, elles semblent avoir été le prélude à une répression encore plus sévère. Le scrutin lui-même s’est déroulé dans un climat de peur généralisée, avec des bureaux de vote sous surveillance militaire.
Les irrégularités étaient visibles à l’œil nu. Dans certains bureaux, les urnes arrivaient déjà remplies. Ailleurs, des électeurs étaient empêchés de voter sous divers prétextes. Les observateurs indépendants, quand ils étaient autorisés, ont rapporté des scènes surréalistes où des militaires votaient à la place des civils.
La Situation Actuelle à Dodoma
Ce lundi matin, la cérémonie d’investiture doit débuter vers 10 heures locales. L’ambiance est lourde. Les rares journalistes autorisés à couvrir l’événement décrivent une sécurité renforcée, avec des checkpoints à chaque coin de rue menant au lieu de la cérémonie.
Dans les rues de Dodoma, la population reste chez elle. Les commerces sont fermés, les écoles désertes. Même les transports publics, d’habitude si animés, sont à l’arrêt. La ville semble retenir son souffle en attendant la suite des événements.
La question que tout le monde se pose : cette investiture va-t-elle marquer le début d’une nouvelle phase de répression, ou sera-t-elle le catalyseur d’un soulèvement plus large ? Les prochains jours seront déterminants pour l’avenir du pays.
Perspectives d’Avenir Incertaines
À court terme, le maintien de Samia Suluhu Hassan au pouvoir semble acquis. Avec un contrôle total sur les institutions et les forces de sécurité, il est peu probable qu’elle soit délogée par des moyens légaux. Mais la légitimité de son pouvoir est sérieusement entamée.
À moyen terme, plusieurs scénarios sont possibles. Une poursuite de la répression pourrait plonger le pays dans une spirale de violence continue. À l’inverse, des pressions internationales plus fortes pourraient forcer un dialogue avec l’opposition, même si cela semble peu probable dans l’immédiat.
La coupure d’internet, si elle se prolonge, risque d’avoir des conséquences économiques désastreuses. La Tanzanie dépend de plus en plus des technologies numériques, et ce black-out total paralyse de nombreux secteurs. Les entreprises étrangères commencent déjà à s’interroger sur la stabilité du pays.
Scénarios possibles pour les prochains mois :
- Statu quo autoritaire : Renforcement du contrôle, poursuite de la répression
- Dialogue forcé : Pressions internationales menant à des négociations
- Explosion sociale : Nouvelles manifestations massives malgré la répression
- Intervention extérieure : Implication régionale ou internationale (peu probable)
Quel que soit le scénario qui se réalisera, une chose est certaine : la Tanzanie traverse une crise profonde. Le score écrasant annoncé par la commission électorale ne reflète en rien la réalité du terrain. La fracture entre le pouvoir et une large partie de la population est béante.
Les images des victimes, même si elles circulent au compte-gouttes, marqueront durablement les mémoires. Elles pourraient devenir le symbole d’une lutte pour la démocratie qui ne fait que commencer. Car malgré la répression, l’esprit de résistance semble loin d’être éteint chez de nombreux Tanzaniens.
La cérémonie de ce lundi ne sera pas seulement l’investiture d’une présidente. Elle marquera peut-être le début d’une nouvelle ère, mais dans quel sens ? C’est la question qui hante le pays entier en ce moment crucial de son histoire contemporaine.
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