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Tanzanie : Interdiction des Manifestations après une Répression Sanglante

Plus de 1000 morts après des élections dénoncées comme frauduleuses, la police interdit désormais tout nouveau rassemblement. La Tanzanie vacille-t-elle vers une crise sans précédent ? Ce qui se passe vraiment derrière le silence officiel...

Imaginez un pays d’ordinaire calme, bordé par l’océan Indien et célèbre pour le Kilimandjaro, qui bascule soudain dans le chaos quelques heures après la fermeture des bureaux de vote. C’est exactement ce qui s’est produit en Tanzanie fin octobre dernier.

Une interdiction qui tombe comme un couperet

La police tanzanienne vient d’annonter officiellement l’interdiction de tout rassemblement prévu la semaine prochaine, et plus particulièrement celui envisagé le 9 décembre, jour de la fête nationale. Ce n’est pas une simple mesure de sécurité : c’est un signal fort envoyé à une population encore sous le choc des événements d’octobre.

Dans un communiqué publié en swahili, le porte-parole de la police a justifié cette décision par l’absence de notification officielle et par les « tactiques illégales » observées lors des précédentes manifestations. Derrière les mots choisis avec soin, on comprend que les autorités ne veulent plus laisser la moindre marge de manœuvre à l’opposition.

Retour sur les journées noires de la fin octobre

Le 29 octobre, les Tanzaniens étaient appelés aux urnes pour élire leur président et leurs députés. Très vite, les accusations de fraude massive ont fusé. Observateurs étrangers et citoyens ont dénoncé des irrégularités flagrantes : bourrage d’urnes, intimidations, et même disparition de bulletins favorables à l’opposition.

La contestation a rapidement dégénéré. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Dar es Salaam, Arusha ou Mwanza. La réponse des forces de l’ordre a été immédiate et d’une extrême violence.

« Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des foules désarmées »

rapport d’une ONG de défense des droits humains

Selon l’opposition et plusieurs organisations non gouvernementales, le bilan humain dépasserait les mille morts en seulement quelques jours. À ce jour, le gouvernement refuse toujours de communiquer le moindre chiffre officiel. Ce silence alimente d’autant plus la colère populaire.

Samia Suluhu Hassan au cœur de la tempête

Élues avec près de 98 % des voix, la présidente sortante est accusée d’avoir orchestré une vaste fraude pour se maintenir au pouvoir. Mais les griefs vont bien au-delà du simple scrutin.

De nombreux manifestants pointent également une campagne d’intimidation qui aurait précédé l’élection : enlèvements de figures de l’opposition, assassinats ciblés, menaces ouvertes. Des noms circulent, des familles pleurent des disparus, et la peur s’est installée durablement dans certains quartiers.

Ce qui frappe, c’est le contraste avec l’image que Samia Suluhu Hassan avait tenté de construire depuis son arrivée au pouvoir en 2021, après le décès soudain de John Magufuli. Beaucoup espéraient alors un assouplissement du régime. La réalité semble avoir rattrapé ces espoirs.

Les réseaux sociaux, dernier espace de liberté surveillé

Face au black-out médiatique imposé dans le pays, les Tanzaniens se sont tournés massivement vers les réseaux sociaux pour témoigner. Vidéos choc, photos de corps dans les rues, appels à manifester : tout circulait à une vitesse folle.

La riposte ne s’est pas fait attendre. Cette semaine, Meta a suspendu les comptes Instagram de deux militants très actifs, ceux-là mêmes qui diffusaient les images les plus accablantes de la répression. Officiellement pour « violation des règles communautaires ». Beaucoup y voient une pression directe des autorités tanzaniennes sur les géants du web.

Le communiqué policier mentionne d’ailleurs explicitement des appels à manifester lancés depuis « des numéros situés à l’intérieur et à l’extérieur du pays » et via « des comptes anonymes gérés depuis l’étranger ». Une manière de désigner les exilés politiques comme les vrais instigateurs et de justifier une surveillance accrue.

Une fête nationale sous très haute tension

Le 9 décembre, la Tanzanie célèbre habituellement son indépendance dans la joie et les défilés. Cette année, l’ambiance risque d’être radicalement différente.

Des messages circulent déjà sur les groupes privés : « Nous reviendrons dans la rue, avec ou sans autorisation ». Beaucoup savent que le risque est immense, mais la colère semble avoir dépassé la peur.

En interdisant préventivement toute manifestation, la police espère sans doute éviter un nouveau bain de sang. Mais cette décision pourrait aussi transformer une journée symbolique en point de rupture.

La communauté internationale sort de son silence

Longtemps discrète, la réaction internationale se durcit enfin. Les États-Unis ont annoncé un « examen approfondi » de leurs relations bilatérales avec la Tanzanie. Un signal fort, quand on sait l’importance de l’aide américaine dans le pays.

De son côté, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé vendredi une « intensification de la répression » contre l’opposition. Des termes rares, qui traduisent une inquiétude croissante.

À retenir :

  • Élection présidentielle contestée fin octobre
  • Bilan estimé à plus de 1000 morts selon l’opposition
  • Aucune communication officielle sur les victimes
  • Interdiction totale des rassemblements à venir
  • Pression croissante sur les réseaux sociaux
  • Critiques internationales de plus en plus vives

Et maintenant ?

La Tanzanie se trouve à un carrefour dangereux. Soit les autorités acceptent enfin le dialogue et une enquête indépendante sur les événements d’octobre, soit le cycle de la violence risque de s’installer durablement.

Dans les rues, beaucoup murmurent que le 9 décembre sera décisif. Une journée qui pourrait marquer soit le début d’une désescalade, soit l’entrée dans une nouvelle phase de confrontation.

Une chose est sûre : le calme apparent qui règne aujourd’hui dans les grandes villes n’est qu’une façade. Sous la surface, la colère couve, prête à resurgir à la moindre étincelle.

Et pendant ce temps, le monde observe, attend, et commence enfin à réagir. Car ce qui se joue en Tanzanie dépasse largement ses frontières : c’est la crédibilité même de la démocratie en Afrique de l’Est qui est en jeu.

(Article mis à jour le 6 décembre 2025 – Suivi en continu de la situation)

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