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Taliban : Les ONG Employant Des Femmes Afghanes Menacées De Fermeture

Sous le joug des Taliban, les ONG en Afghanistan font face à un terrible dilemme : se plier à l'interdiction d'employer des femmes sous peine de fermeture, ou cesser leurs activités vitales dans un pays en crise. Un nouveau coup dur pour les droits des Afghanes.

Depuis leur retour au pouvoir en Afghanistan en août 2021, les Taliban n’ont cessé de restreindre les droits et libertés durement acquis par les femmes afghanes ces 20 dernières années. Leur dernier diktat en date menace directement les organisations non-gouvernementales (ONG) présentes dans le pays : celles qui emploient des femmes afghanes risquent la fermeture pure et simple.

Le couperet tombe pour les ONG

Dans une lettre publiée dimanche soir, le ministère afghan de l’Économie met en garde les ONG : si elles ne se plient pas à l’interdiction d’employer des femmes afghanes, elles perdront leur licence d’exploitation dans le pays. Une menace on ne peut plus claire, qui fait suite à la suspension il y a deux ans de l’emploi de femmes au motif fallacieux qu’elles ne porteraient pas correctement le voile islamique.

Les organisations humanitaires se retrouvent face à un cruel dilemme. Soit elles cèdent à ce chantage intolérable en se séparant de leurs employées afghanes, privant celles-ci d’une autonomie durement gagnée, soit elles mettent la clé sous la porte, abandonnant des projets cruciaux pour la population.

Une répression en crescendo

La restriction imposée aux ONG s’inscrit dans une dynamique répressive plus vaste envers les Afghanes depuis le retour des Taliban au pouvoir :

  • Exclusion des femmes de nombreux emplois et de la plupart des espaces publics
  • Interdiction pour les filles d’étudier au-delà du primaire
  • Obligation de se voiler intégralement en public
  • Interdiction de voyager seules au-delà de 70 km

Un retour en arrière dramatique pour ces femmes qui avaient conquis d’importants droits depuis la chute du précédent régime taliban en 2001 : accès à l’éducation, au travail, à une forme de vie sociale et publique.

Une crise humanitaire exacerbée

La répression tous azimuts des Taliban à l’encontre des femmes n’a pas seulement un coût humain intolérable. Elle aggrave aussi une situation humanitaire déjà catastrophique dans un pays ravagé par des décennies de conflits et confronté à une pauvreté endémique. Selon les Nations Unies, plus de la moitié de la population afghane a besoin d’une aide humanitaire pour survivre.

Or les femmes jouent un rôle crucial dans l’acheminement et la distribution de cette aide, notamment quand il s’agit d’atteindre d’autres femmes dans une société aussi segmentée. Leur mise à l’écart risque de priver une part encore plus grande de la population de l’assistance vitale fournie par les ONG.

Sans les femmes, nous ne pouvons tout simplement pas faire ce travail de manière sûre et efficace

– Ramiz Alakbarov, Coordinateur humanitaire de l’ONU en Afghanistan

Une communauté internationale impuissante ?

Face à la dérive ultra-rigoriste du régime taliban, les condamnations internationales se multiplient mais semblent bien peu efficaces. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a bien fait part fin décembre de sa « profonde préoccupation » face aux restrictions visant les femmes afghanes. Plusieurs pays comme l’Australie ou la Suisse ont appelé les Taliban à revenir sur leur décision.

Mais au-delà des déclarations d’intention, les leviers semblent bien maigres. Les sanctions économiques imposées après le retour des Taliban au pouvoir asphyxient le pays, mais ne font pas plier le régime. À l’inverse, un assouplissement pourrait être vu comme un encouragement par les islamistes afghans.

Face à ce dilemme diplomatique, la communauté internationale apparaît bien démunie pour infléchir la politique intérieure des Taliban. Pendant ce temps, ce sont les femmes afghanes qui paient au prix fort chaque nouvelle entaille à leurs droits fondamentaux. Jusqu’où les maîtres de Kaboul pousseront-ils leur logique liberticide ? La question reste entière, mais les dernières décisions font craindre le pire pour l’avenir des Afghanes et de leur pays.

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