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Taekwondo : L’Iranienne Refuse le Combat Face à une Israélienne

Une jeune Iranienne déclare forfait aux Mondiaux U21 de taekwondo plutôt que d’affronter une Israélienne. La Fédération israélienne parle d’un « boycott politique » qui abîme l’esprit du sport. Mais jusqu’où la politique peut-elle envahir les tatamis ?

Imaginez la scène : deux jeunes femmes de moins de 21 ans, au sommet de leur forme, prêtes à en découdre sur un tatami kenyan lors des Championnats du monde de taekwondo. L’une porte les couleurs de l’Iran, l’autre celles d’Israël. Et soudain, juste avant le combat, l’Iranienne déclare forfait. Pas pour blessure. Pas pour fatigue. Simplement parce que la règle, à Téhéran, interdit tout affrontement avec un athlète israélien.

Cet épisode, survenu cette semaine, illustre une nouvelle fois la difficulté de séparer sport et politique quand les tensions géopolitiques sont aussi vives.

Un forfait qui n’a rien de sportif

Rozhan Goudarzi, médaillée de bronze par équipes aux derniers Jeux de la solidarité islamique, était tirée au sort face à Yarden Nesher au premier tour. Selon l’agence iranienne Isna, la jeune femme « s’est retirée de la compétition parce qu’elle se trouvait dans le même groupe qu’une athlète du régime sioniste ».

La formulation est révélatrice : le terme « régime sioniste » est systématiquement employé par les autorités iraniennes pour désigner Israël, qu’elles ne reconnaissent pas officiellement depuis la révolution islamique de 1979.

La Fédération israélienne de taekwondo a réagi immédiatement par un communiqué officiel.

« La Fédération israélienne de taekwondo regrette la décision de l’athlète iranienne de déclarer forfait et d’éviter de concourir contre une adversaire israélienne. »

Plus loin, elle ajoute que « le sport est censé servir de pont entre les peuples et les nations, fondé sur les valeurs de respect, d’équité et d’égalité » et que « utiliser l’arène sportive pour promouvoir des boycotts politiques sape l’esprit du sport ».

Une pratique ancienne et bien rodée

Ce n’est malheureusement pas une première. Depuis plus de quarante ans, les athlètes iraniens appliquent une consigne claire : pas de compétition contre des Israéliens, quel que soit le prix à payer.

Les méthodes varient : forfait pur et simple, comme cette fois-ci, faux certificat médical, perte volontaire les tours précédents pour éviter le face-à-face, ou même absence totale à une compétition où un tirage défavorable est possible.

En 2023, un haltérophile iranien a ainsi été suspendu plusieurs années par son propre pays… pour avoir serré la main d’un concurrent israélien sur le podium en Pologne. Le geste, pourtant spontané et amical, a été considéré comme une faute grave.

Le cas emblématique d’Alireza Firouzja

L’histoire la plus connue reste celle du prodige des échecs Alireza Firouzja. En 2019, la fédération iranienne lui interdit de participer au championnat du monde rapide et blitz de peur qu’il ne croise un joueur israélien.

Plutôt que d’accepter cette contrainte, le jeune homme, alors âgé de 16 ans, choisit l’exil. Naturalisé français en 2021, il représente désormais la France et figure aujourd’hui parmi le top 5 mondial.

Son départ a fait l’effet d’un électrochoc et montré le coût humain de cette politique : des carrières brisées ou délocalisées pour respecter une ligne idéologique.

Le sport, victime collatérale de la géopolitique

Dans le cas du taekwondo, la World Taekwondo Federation a déjà pris des mesures par le passé. En 2021, l’Iranien Saeid Mollaei, champion du monde de judo, avait révélé avoir reçu l’ordre de perdre exprès en demi-finale des Mondiaux 2019 pour éviter une finale contre l’Israélien Sagi Muki.

Menacé à son retour, il avait fui et obtenu l’asile en Allemagne avant de concourir sous pavillon mongol puis sous les couleurs du Comité olympique des réfugiés. L’Iran avait alors été suspendu plusieurs mois par la Fédération internationale de judo.

Au taekwondo, aucune sanction n’a encore été prononcée dans l’immédiat, mais la récurrence des incidents pose question.

Des valeurs olympiques mises à mal

La Charte olympique est pourtant claire : « La pratique du sport est un droit de l’homme. Toute personne doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d’aucune sorte » (principe 4) et « tout type de discrimination à l’égard d’un pays ou d’une personne pour des raisons de race, de religion, de politique, de sexe ou autres est incompatible avec l’appartenance au Mouvement olympique » (principe 6).

Or, forcer un athlète à renoncer à une compétition pour des motifs politiques constitue, aux yeux de nombreux observateurs, une violation directe de ces principes.

La Fédération israélienne l’a d’ailleurs rappelé dans son communiqué : « Nous attendons de chaque pays et participant le respect des règles des compétitions internationales et des valeurs fondamentales du mouvement olympique ».

Entre pression nationale et rêve individuel

Derrière Rozhan Goudarzi, il y a une jeune femme de talent qui vient de remporter le bronze par équipes en Arabie saoudite. Son choix – ou plutôt l’absence de choix – est douloureux.

Refuser le combat, c’est perdre toute chance de médaille individuelle et risquer des représailles à son retour. L’accepter, c’était s’exposer à des sanctions lourdes, comme celles infligées à l’haltérophile en 2023.

Entre l’ambition sportive et la pression idéologique, beaucoup optent pour la sécurité. Quelques-uns, comme Firouzja ou Mollaei, franchissent le pas de l’exil. Mais ils sont rares.

Un contexte régional explosif

Cet incident survient dans un contexte particulièrement tendu. En juin dernier, Israël et l’Iran se sont affrontés militairement pour la première fois de manière directe, avec des frappes israéliennes suivies de ripostes iraniennes et l’intervention américaine contre des sites nucléaires.

La guerre de douze jours a laissé des traces et renforcé la rhétorique des deux côtés. Dans ce climat, un simple combat de taekwondo devient symbolique.

Pour Téhéran, laisser une athlète affronter une Israélienne reviendrait à reconnaître, même tacitement, l’État hébreu. Pour Jérusalem, chaque refus est perçu comme une nouvelle manifestation d’antisémitisme d’État.

Vers des solutions durables ?

Certains proposent des tirages au sort protégés qui éviteraient les confrontations directes dès les premiers tours. D’autres plaident pour des sanctions systématiques contre les fédérations qui imposent de tels boycotts.

Le Comité international olympique, qui se veut apolitique, marche sur des œufs. Suspendre totalement l’Iran risquerait de priver des centaines d’athlètes innocents de compétition. Ne rien faire, c’est accepter que la politique dicte les résultats sur le terrain.

En attendant, Yarden Nesher a poursuivi son parcours sans adversaire au premier tour. Une victoire par forfait qui a sûrement un goût amer.

Car au-delà des médailles, c’est l’idée même du sport comme espace de rencontre et de respect qui se trouve abîmée à chaque incident de ce type.

Et pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, les débats s’enflamment : doit-on protéger les athlètes de la politique ou la politique doit-elle céder devant le sport ? La question reste ouverte.

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