Une crise sanitaire d’une ampleur inédite. C’est le tableau alarmant dressé par les autorités éthiopiennes concernant la région d’Amhara, théâtre depuis plus d’un an d’un violent conflit entre forces gouvernementales et milices locales. Lors d’une récente conférence de presse à Addis-Abeba, le ministre de la Santé Ayele Teshome a tiré la sonnette d’alarme sur les conséquences « catastrophiques » de ces affrontements sur le système de santé de cette région, la deuxième plus peuplée du pays.
Un système de santé à genoux
Depuis le début du soulèvement armé des milices Fano en avril 2023, les 23 millions d’habitants de la région ont vu leur accès aux soins se détériorer dramatiquement. « D’une part, la demande de services de soins de santé a augmenté, et d’autre part, l’accès à ces services essentiels s’est considérablement détérioré », a déploré le ministre. Hôpitaux endommagés voire totalement détruits, personnel soignant en fuite, approvisionnement en médicaments perturbé… Les dommages collatéraux des combats sur les infrastructures sanitaires sont considérables.
L’impossibilité pour de nombreux Amharas, notamment dans les zones rurales isolées, d’accéder aux structures de santé a des conséquences dramatiques, en particulier pour les populations les plus vulnérables. Le gouvernement fait état de « taux alarmants de malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants ». Une situation catastrophique qui risque de s’aggraver si rien n’est fait rapidement pour rétablir des services de santé fonctionnels.
L’accès humanitaire entravé
Pour ne rien arranger, l’insécurité chronique qui règne dans la région rend l’acheminement de l’aide humanitaire particulièrement compliqué. Selon le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), entre janvier et août 2024, huit travailleurs humanitaires ont été tués en Éthiopie, dont six rien qu’en Amhara. Enlèvements contre rançon, attaques de convois, blocages administratifs… Les obstacles sont nombreux pour les organisations qui tentent de porter assistance aux populations dans le besoin.
L’impact de ce conflit sur les services de santé et humanitaires a été catastrophique.
Ayele Teshome, ministre éthiopien de la Santé
Un appel à l’aide internationale
Face à l’ampleur des dégâts, le gouvernement éthiopien se tourne vers la communauté internationale. Pour reconstruire les hôpitaux détruits et rétablir des services de santé dignes de ce nom pour les Amharas, le ministre de la Santé a lancé un appel à l’aide à destination des « partenaires et la communauté internationale ». Reste à savoir si cet appel sera entendu, alors que l’Éthiopie est déjà le théâtre de plusieurs crises humanitaires majeures, notamment dans les régions du Tigré et de l’Oromia.
Des violences qui perdurent
Car malgré la fin officielle du conflit en novembre 2022, la situation sécuritaire reste très précaire dans de nombreuses parties du pays. En Amhara, l’insurrection des milices Fano, déclenchée par la volonté du gouvernement fédéral de les désarmer, se poursuit, malgré la proclamation de l’état d’urgence dans la région en août 2023. Des violences qui inquiètent la communauté internationale, les États-Unis faisant part début novembre de leur « préoccupation » face aux « violences croissantes » dans la région.
Pour tenter de remédier à cette situation, Washington appelle à « un dialogue politique pour résoudre les autres conflits internes de l’Éthiopie ». Un vœu pieux pour l’instant, alors que le Premier ministre Abiy Ahmed semble privilégier la manière forte pour mater les différentes rébellions auxquelles son gouvernement est confronté. Et ce sont les civils, déjà durement éprouvés par deux années d’une guerre meurtrière au Tigré, qui continuent de payer le plus lourd tribut de ces violences à répétition.