Au lendemain de la chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie, une vaste opération sécuritaire est en cours pour arrêter les fidèles de l’ancien pouvoir. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), près de 300 personnes ont été interpellées en l’espace de quelques jours seulement. Cette purge touche plusieurs régions du pays et vise en priorité d’anciens informateurs, militaires et responsables impliqués dans la répression.
Des opérations coup de poing contre les « milices d’Assad »
Lancée le 22 décembre par les nouvelles forces de sécurité, cette campagne d’arrestations cible ce que les autorités appellent les « milices d’Assad ». Selon une source proche du dossier, il s’agit de démanteler les réseaux encore actifs de l’ancien appareil sécuritaire syrien. Des perquisitions et interpellations ont ainsi été menées à Damas, Hama, Lattaquié ou encore Deir Ezzor.
Parmi les personnes arrêtées figureraient des informateurs des anciens services de renseignement, des militaires et officiers de grade inférieur, ainsi que des individus soupçonnés de meurtres et d’actes de torture sous le régime déchu. Le général Mohammed Kanjo Hassan, ancien chef de la justice militaire sous Assad, fait partie des personnalités interpellées.
Purger l’ancien appareil sécuritaire
Pour les nouvelles autorités syriennes issues des forces rebelles, il s’agit de neutraliser rapidement les éléments encore fidèles à Bachar el-Assad qui pourraient menacer la transition en cours. Le nouveau chef des renseignements, Anas Khattab, a d’ailleurs promis une restructuration complète de l’appareil sécuritaire hérité de la dictature.
Nous devons en finir avec l’injustice et la tyrannie de l’ancien régime, dont les agences sécuritaires ont semé la corruption et infligé des supplices au peuple syrien.
Anas Khattab, nouveau chef des renseignements syriens
Une purge qui suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes dans un pays meurtri par plus de 10 ans de guerre civile. Si beaucoup de Syriens aspirent à tourner la page de la dictature, d’autres redoutent une justice expéditive et des règlements de comptes.
Vers une justice transitionnelle ?
Alors que les arrestations se poursuivent, la question d’une véritable justice transitionnelle se pose avec acuité. Au-delà de la traque des anciens fidèles du régime, il s’agit aussi d’établir la vérité sur les crimes commis et d’offrir réparation aux victimes.
Selon l’OSDH, certains des individus interpellés auraient été tués sommairement, ce qui est « totalement inacceptable ». L’ONG appelle les nouvelles autorités à respecter les droits des détenus et à organiser des procès équitables.
Pour que la transition réussisse, la Syrie a besoin d’une justice impartiale établissant les responsabilités, sans verser dans la vengeance. C’est un immense défi après tant d’années de violence et d’impunité.
Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH
Reconstruire la Syrie sur de nouvelles bases
Au-delà de l’épineuse question sécuritaire, les défis qui attendent le pays sont immenses. Il s’agit de jeter les bases d’un nouvel État de droit, de relancer une économie exsangue et de rebâtir un tissu social déchiré par le conflit.
Et la tâche s’annonce ardue, tant les plaies laissées par la guerre sont profondes. Des millions de Syriens sont en exil, les infrastructures sont en ruine et la menace terroriste perdure, comme en témoigne la sanglante attaque de Daech à Deir Ezzor la semaine dernière.
Mais l’espoir renaît aussi, comme le montrent les manifestations de Syriens réclamant « la démocratie après la dictature ». À Damas, la société civile se mobilise pour faire entendre ses revendications, parmi lesquelles la réconciliation nationale et le retour des réfugiés.
Une page se tourne incontestablement en Syrie. Reste à savoir si les nouvelles autorités sauront œuvrer à une transition apaisée, respectueuse des aspirations démocratiques de la population. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais l’espoir est permis. C’est aujourd’hui une nouvelle ère qui s’ouvre pour le peuple syrien, avec son lot de défis et de promesses.