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Syrie : Spectateurs d’un Conflit Iran-Israël

Dans le ciel syrien, missiles iraniens et israéliens s’entrecroisent. À Damas, les habitants observent, refusant un conflit qui n’est pas le leur. Mais jusqu’à quand ?

Depuis les toits de Damas, des éclairs déchirent la nuit. Les Syriens, habitués aux tumultes, observent un spectacle nouveau : des missiles iraniens filent vers Israël, parfois interceptés par des tirs de riposte. Ce conflit, qui oppose deux puissances régionales, traverse leur ciel sans les impliquer directement. Pourtant, chaque explosion ravive la mémoire d’une guerre civile qui a ravagé leur pays pendant près de 14 ans. Aujourd’hui, les habitants de la capitale syrienne, comme ceux des campagnes, adoptent une posture singulière : celle de spectateurs d’une guerre qu’ils refusent d’endosser.

Un ciel syrien traversé par la guerre des autres

Depuis une semaine, les nuits syriennes sont ponctuées de traînées lumineuses. Les missiles iraniens, lancés en direction d’Israël, survolent le territoire, parfois neutralisés par des systèmes de défense israéliens. À Damas, les habitants scrutent le ciel, mêlant fascination et lassitude. « Depuis mon balcon, j’observe ces éclairs, ces explosions lointaines », confie Mohammad, un chirurgien de 45 ans, attablé dans un café de la capitale. Pour lui, comme pour beaucoup, ce conflit n’est pas le leur.

« Le peuple syrien est épuisé par la guerre. Nous voulons seulement reconstruire notre pays. »

Mohammad, chirurgien à Damas

Cette posture de neutralité n’est pas seulement celle des citoyens. Les nouvelles autorités, issues de la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, adoptent une position similaire. Alors que des capitales arabes condamnent les frappes israéliennes sur l’Iran, Damas reste silencieux, refusant de s’aligner sur l’un ou l’autre camp. Cette retenue reflète une volonté de se concentrer sur la reconstruction nationale, après des décennies de destructions.

Une population marquée par la guerre civile

Pour comprendre cette distance face au conflit Iran-Israël, il faut remonter à la guerre civile syrienne. Pendant près de 14 ans, le pays a été un champ de bataille pour des puissances étrangères. L’Iran, allié indéfectible d’Assad, a joué un rôle clé en soutenant son régime, notamment via des milices comme le Hezbollah libanais. Cette ingérence a laissé des cicatrices profondes. « Nous avons payé le prix de leurs ambitions », lâche Ahmad, un acteur de 42 ans, depuis le café Rawda, un lieu emblématique de Damas.

La chute d’Assad a exacerbé ce ressentiment. L’ambassade iranienne à Damas, saccagée en décembre 2024, porte encore les traces de la colère populaire : des graffitis comme « Maudit soit l’Iran » ornent ses murs. Ahmad exprime un sentiment partagé : « J’ai de la compassion pour le peuple iranien, mais leur régime, comme celui d’Israël, nous a fait souffrir. »

Fait marquant : Après la chute d’Assad, des milliers d’Iraniens ont fui la Syrie, marquant la fin d’une présence iranienne influente dans le pays.

Neutralité : une stratégie pour la reconstruction

Le silence des autorités syriennes face à l’escalade régionale n’est pas un hasard. « Damas adopte une politique de neutralité pour éviter toute implication », explique Bassam, un analyste politique proche du pouvoir. Cette stratégie vise à protéger un pays déjà fragilisé. L’économie syrienne, exsangue après des années de conflit, ne peut supporter une nouvelle crise. Les priorités sont ailleurs : relancer les infrastructures, attirer des investissements, et stabiliser les institutions.

Cette neutralité s’accompagne d’une critique mesurée de l’Iran. Le président intérimaire, Ahmad al-Chareh, a souligné que toute relation future avec Téhéran devra respecter la souveraineté syrienne. Cette position marque une rupture avec l’ère Assad, où Damas était un satellite de Téhéran. Pourtant, la Syrie évite aussi de condamner Israël, malgré les violations répétées de son espace aérien par des frappes.

Les risques d’un conflit importé

Malgré cette volonté de rester en retrait, la guerre Iran-Israël n’épargne pas totalement la Syrie. Des débris de missiles et de drones, tombés dans le sud du pays, ont causé la mort d’une civile et blessé plusieurs personnes. Ces incidents rappellent que la géographie place la Syrie au cœur des tensions régionales. « J’ai peur que ce conflit finisse par nous atteindre », confie Sarah, une médecin de 27 ans, depuis une boîte de nuit de Damas où elle tente d’oublier l’angoisse.

« On essaie de vivre normalement, mais les missiles dans le ciel nous rappellent que la guerre n’est jamais loin. »

Sarah, médecin à Damas

La crainte d’un embrasement régional est palpable. Les missiles iraniens survolent non seulement la Syrie, mais aussi l’Irak et le Liban, soulignant l’interconnexion des conflits au Moyen-Orient. Si la Syrie parvient pour l’instant à rester à l’écart, un dérapage pourrait changer la donne. Une frappe mal ciblée ou une escalade incontrôlée suffirait à ramener la guerre sur le sol syrien.

Un peuple tourné vers l’avenir

Dans les rues de Damas, la vie continue malgré les éclairs dans le ciel. Les cafés sont bondés, les marchés reprennent vie, et les jeunes sortent danser. Cette résilience, forgée par des années de conflit, traduit un désir profond de tourner la page. « Nous voulons reconstruire, pas nous battre », insiste Mohammad, le chirurgien. Cette aspiration se heurte toutefois à des défis immenses : une économie en ruine, des infrastructures dévastées, et une transition politique incertaine.

Pour beaucoup, la neutralité face au conflit Iran-Israël est une question de survie. S’impliquer, c’est risquer de replonger dans le chaos. Rester à l’écart, c’est préserver une chance de rebâtir. Mais cette posture est fragile, suspendue aux caprices d’une région instable.

EnjeuPosition syrienne
Conflit Iran-IsraëlNeutralité stricte
ReconstructionPriorité nationale
SouverainetéExigence face à l’Iran
Risques régionauxCrainte d’escalade

Un regard nuancé sur les belligérants

Les Syriens ne cachent pas leur ambivalence face aux deux protagonistes. L’Iran, perçu comme un oppresseur sous Assad, suscite une hostilité marquée. Israël, avec ses frappes répétées sur le sol syrien, n’inspire pas davantage de sympathie. Pourtant, certains, comme Ahmad, expriment une solidarité avec les peuples iranien et palestinien, tout en rejetant leurs gouvernements. « Notre cause reste la Palestine, mais nous ne voulons plus être les pions des grandes puissances », dit-il.

Cette nuance reflète une maturité politique née des épreuves. Après avoir été le théâtre des rivalités régionales, la Syrie aspire à définir son propre chemin. Cette aspiration, toutefois, se heurte à la réalité d’un Moyen-Orient où les conflits transcendent les frontières.

Vers une Syrie indépendante ?

La neutralité syrienne face au conflit Iran-Israël est plus qu’une tactique : elle symbolise une volonté d’émancipation. Après des décennies d’ingérences étrangères, le pays cherche à reprendre la main sur son destin. Le président intérimaire, en critiquant l’Iran tout en évitant de provoquer Israël, incarne cette prudence. Mais cette indépendance reste fragile, menacée par les retombées d’une guerre qui, pour l’instant, ne fait que survoler le pays.

À Damas, les habitants continuent d’observer le ciel, partagés entre résilience et appréhension. Chaque missile est un rappel que la paix, si proche, reste hors de portée. Pourtant, dans leurs regards, une lueur persiste : celle d’un peuple déterminé à ne plus être le théâtre des guerres des autres.

En résumé : La Syrie, spectatrice d’un conflit Iran-Israël, choisit la neutralité pour se consacrer à sa reconstruction. Mais dans une région volatile, cette posture est un pari risqué.

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