Dans le sud de la Syrie, une clameur s’élève, portée par des centaines de voix unies dans un même élan. À Soueida, bastion de la communauté druze, les habitants descendent dans les rues, brandissant des pancartes et des drapeaux pour réclamer un droit fondamental : celui de décider de leur avenir. Ces manifestations, qui ont secoué la province en ce mois d’août 2025, ne sont pas un simple sursaut de colère. Elles traduisent une aspiration profonde à l’autodétermination, nourrie par des décennies de tensions et des violences récentes qui ont ravagé la région. Mais que se passe-t-il vraiment à Soueida, et pourquoi ce cri de liberté résonne-t-il si fort ?
Une Province en Quête de Liberté
Le 13 juillet 2025, la province de Soueida a basculé dans un chaos sanglant. Des affrontements entre combattants druzes et Bédouins sunnites ont éclaté, attisés par des rivalités historiques et des tensions locales. Rapidement, le conflit a pris une ampleur dramatique avec l’intervention des forces gouvernementales et de groupes armés extérieurs. Selon certaines sources, ces violences ont causé la mort d’environ 1 600 personnes, principalement des civils druzes, laissant la communauté sous le choc. Les habitants accusent les autorités d’avoir pris parti, aggravant les tensions plutôt que de les apaiser.
Face à cette tragédie, les manifestations de samedi dernier à Soueida ont été un véritable cri du cœur. Sur l’une des places principales de la ville, des slogans tels que Soueida libre ou encore Al-Jolani dégage ont retenti, visant Ahmad al-Chareh, le président par intérim. Ce dernier, autrefois connu sous le nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani, dirige une coalition qui a renversé Bachar al-Assad en décembre dernier. Mais pour les Druzes de Soueida, son pouvoir représente une menace à leur autonomie.
Un Conflit aux Racines Profondes
Pour comprendre la situation à Soueida, il faut plonger dans l’histoire complexe de la Syrie. La communauté druze, minorité religieuse et ethnique, a toujours occupé une place particulière dans le tissu social du pays. Concentrés principalement dans cette province du sud, les Druzes se sont souvent retrouvés à l’écart des luttes de pouvoir nationales, tout en défendant farouchement leur identité. Les récents affrontements avec les Bédouins sunnites ne sont que la dernière manifestation de tensions intercommunautaires exacerbées par des décennies de marginalisation.
Le droit à l’autodétermination est un droit sacré pour Soueida.
Pancarte brandie lors des manifestations
Les habitants accusent les autorités de Damas d’avoir non seulement failli à maintenir la paix, mais aussi d’avoir orchestré des exactions contre leur communauté. Des témoignages locaux et des rapports indépendants pointent du doigt des abus ciblés, notamment des arrestations arbitraires et des violences contre les civils druzes. Ces accusations alimentent un sentiment de méfiance envers le gouvernement central, renforçant la détermination des manifestants à réclamer une plus grande autonomie.
Un Blocus qui Étrangle la Région
Depuis plus d’un mois, Soueida vit sous un blocus imposé, selon les habitants, par les autorités et leurs milices alliées. L’autoroute reliant la province à Damas reste coupée, empêchant la reprise des échanges commerciaux et l’arrivée d’une aide humanitaire suffisante. Si les autorités affirment que des convois d’aide ont été envoyés, les habitants dénoncent un accès limité et des restrictions qui aggravent la crise. Les produits de première nécessité, comme la nourriture et les médicaments, se font rares, plongeant la population dans une situation de plus en plus précaire.
Les chiffres clés de la crise :
- 1 600 morts lors des violences de juillet, majoritairement des civils.
- 1 mois de blocus imposé sur Soueida, selon les habitants.
- Autoroute coupée entre Damas et Soueida, bloquant les échanges commerciaux.
Ce blocus a poussé les manifestants à appeler à l’ouverture d’un corridor humanitaire depuis la Jordanie voisine. Une femme, s’adressant à la foule lors d’un discours retransmis en direct, a résumé l’aspiration de toute une communauté : “Nous voulons l’indépendance totale.” Ces mots, accueillis par des applaudissements nourris, traduisent l’urgence et la détermination des habitants face à une situation qu’ils jugent intenable.
Le Rôle Controversé des Acteurs Externes
La crise à Soueida ne se limite pas à un conflit interne. Des acteurs externes, notamment Israël, ont également joué un rôle dans les événements récents. Lors des affrontements de juillet, l’armée israélienne a bombardé des positions gouvernementales syriennes, affirmant vouloir protéger la communauté druze, dont une partie vit sur le territoire israélien. Ce geste a suscité des réactions contrastées : certains manifestants à Soueida ont brandi le drapeau israélien en signe de solidarité, tandis que d’autres rejettent toute ingérence étrangère.
Ce positionnement d’Israël soulève des questions complexes. D’un côté, la minorité druze en Israël bénéficie d’un statut particulier, et le pays se présente comme un protecteur de cette communauté. De l’autre, ces interventions sont perçues par certains comme une tentative d’exploiter les tensions internes à la Syrie pour des intérêts géopolitiques. Cette ambiguïté alimente les débats au sein même de la communauté druze de Soueida, partagée entre le besoin d’appuis extérieurs et la volonté de préserver son indépendance.
Vers une Enquête sur les Violences ?
Face à la gravité des événements, les autorités syriennes ont annoncé la création d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur les violences de juillet. Cependant, cette initiative est accueillie avec scepticisme par les habitants de Soueida, qui doutent de son impartialité. Pour eux, cette commission risque de n’être qu’une façade visant à apaiser les tensions sans véritablement répondre aux revendications de la population.
Nous sommes assiégés depuis plus d’un mois. Nous appelons la communauté internationale à ouvrir des corridors humanitaires.
Moustafa Sehnawi, manifestant syro-américain
Les habitants exigent des actions concrètes : la levée du blocus, la protection des civils et, surtout, la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination. Cette demande, portée par des pancartes et des discours enflammés, dépasse le cadre d’une simple protestation. Elle reflète une aspiration à un avenir où la province pourrait gérer ses propres affaires, loin des ingérences de Damas ou d’autres acteurs.
Un Avenir Incertain pour Soueida
La situation à Soueida reste explosive. Les manifestations, bien que pacifiques, témoignent d’une frustration croissante face à l’inaction des autorités et à la détérioration des conditions de vie. La province, autrefois un havre de relative stabilité dans une Syrie déchirée par la guerre, se trouve aujourd’hui à un carrefour. Entre le désir d’autonomie et les défis imposés par le blocus, les Druzes de Soueida continuent de se battre pour leur dignité et leur avenir.
Les revendications clés des manifestants :
- Reconnaissance du droit à l’autodétermination.
- Ouverture d’un corridor humanitaire depuis la Jordanie.
- Levée du blocus imposé sur la province.
- Enquête indépendante sur les violences de juillet.
Le combat des habitants de Soueida dépasse les frontières de leur province. Il pose des questions universelles sur la liberté, la justice et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Alors que la communauté internationale observe, la voix des Druzes continue de résonner, portée par une détermination sans faille. Quel avenir pour Soueida ? Seule l’histoire pourra répondre.
Les événements récents à Soueida ne sont pas un simple épisode dans le tumulte syrien. Ils incarnent une lutte pour la survie d’une communauté qui refuse de plier face à l’adversité. Les pancartes brandies dans les rues, les slogans scandés sous le soleil brûlant du sud de la Syrie, et les appels à l’aide internationale sont autant de témoignages d’un peuple qui aspire à écrire sa propre histoire. Mais pour l’heure, l’incertitude plane, et le chemin vers l’autodétermination reste semé d’embûches.