Imaginez une communauté entière qui descend dans la rue, non pas pour célébrer une victoire, mais pour crier son désespoir face à des violences ciblées. En Syrie, ce scénario est devenu réalité ce dimanche, lorsque des milliers de personnes issues de la minorité alaouite ont manifesté pour dénoncer des attaques qui les visent spécifiquement. Malheureusement, ces rassemblements pacifiques ont vite tourné au chaos, laissant derrière eux un bilan tragique.
Un Week-end Sous Haute Tension en Syrie
Le pays, encore marqué par des années de conflit, connaît une nouvelle vague de crispations. Tout a commencé vendredi avec une attaque contre une mosquée, qui a coûté la vie à huit personnes. Cet acte a profondément choqué la communauté alaouite, poussant ses membres à organiser des manifestations massives dès le lendemain.
Dimanche, les rues de plusieurs villes ont été le théâtre de ces rassemblements. À Lattaquié, ville côtière historiquement liée à cette minorité, la situation a dégénéré de manière dramatique. Des affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de sécurité, entraînant la mort de deux personnes.
Le Bilan Tragique à Lattaquié
Les informations rapportées par des sources indépendantes font état de deux victimes tuées lors de la dispersion du rassemblement principal. Un hôpital local a confirmé avoir reçu les corps de ces deux individus. Ces décès ont immédiatement amplifié la colère des participants, qui dénoncent une répression disproportionnée.
Les autorités, de leur côté, ont déclaré avoir « maîtrisé la situation » sans confirmer l’usage d’armes à feu contre la foule. Elles ont préféré pointer du doigt des éléments perturbateurs, accusant certains de soutenir l’ancien régime et d’avoir provoqué les forces de l’ordre.
Cette version contraste avec les témoignages recueillis sur place, où les manifestants affirment avoir exprimé pacifiquement leurs revendications avant que la situation ne bascule.
Les Voix des Manifestants
Au cœur de ces rassemblements, des messages clairs et émouvants ont été portés par les participants. Un marchand de 48 ans, Numeir Ramadan, s’est interrogé publiquement : pourquoi ces tueries continuent-elles malgré le départ de l’ancien président ?
« Assad est parti et nous ne soutenons pas Assad… Pourquoi cette tuerie ? »
Numeir Ramadan, manifestant à Lattaquié
Il a ajouté une question plus large sur l’absence de mesures pour prévenir ces actes aléatoires, soulignant un sentiment d’abandon et d’insécurité généralisé.
Une autre voix, celle d’Hadil Saleh, une femme au foyer de 40 ans, a résumé l’une des principales revendications : le fédéralisme comme solution pour stopper le cycle de violence.
« Notre première revendication est le fédéralisme afin de mettre fin au bain de sang. On nous tue parce que nous sommes alaouites. »
Hadil Saleh, manifestante
Ces paroles reflètent une peur profonde : celle d’être ciblés uniquement en raison de leur appartenance religieuse.
Contexte : Une Minorité Sous Pression
La communauté alaouite, branche de l’islam chiite, a longtemps été associée au pouvoir précédent en raison des origines de l’ancien président. Depuis la prise de pouvoir par une coalition islamiste fin 2024, elle fait face à une montée des attaques sectaires.
L’attaque de vendredi contre la mosquée à Homs s’inscrit dans cette dynamique inquiétante. Un groupuscule extrémiste sunnite peu connu a revendiqué l’acte, promettant de poursuivre ses actions contre ceux qu’il qualifie d' »infidèles ».
Ce n’est pas un incident isolé. En mars, des violences sur le littoral avaient déjà causé des milliers de victimes, majoritairement issues de cette minorité. Ces événements ont laissé des cicatrices profondes et alimentent aujourd’hui les craintes d’une nouvelle escalade.
Les Revendications au Cœur des Manifestations
Les manifestants n’ont pas seulement dénoncé les violences. Ils ont porté des demandes précises :
- La fin immédiate des attaques ciblées contre leur communauté.
- L’instauration d’un système fédéral pour garantir leur sécurité et leur autonomie.
- La libération des détenus alaouites arrêtés sans charges claires.
- Une protection effective contre les groupes extrémistes.
Des portraits d’un dignitaire religieux ont été brandis dans la foule, accompagnés de chants appelant à plus d’autonomie. Ce leader avait lui-même appelé à manifester pour affirmer que cette communauté ne pouvait être marginalisée.
Il a depuis condamné ce qu’il décrit comme une oppression du nouveau pouvoir, tout en appelant ses coreligionnaires à la prudence pour éviter une spirale plus grave.
Échauffourées à Homs et Réactions Officielles
Outre Lattaquié, des incidents ont également été signalés à Homs, avec plusieurs blessés recensés. La ville, théâtre de l’attaque initiale contre la mosquée, reste un foyer de tensions.
Du côté des autorités, des gestes ont été annoncés pour apaiser les esprits. Une vague de libérations de détenus alaouites a eu lieu récemment, concernant ceux non impliqués dans des crimes graves. D’autres mesures similaires sont promises.
Ces annonces interviennent dans un contexte où le nouveau pouvoir cherche à consolider sa légitimité, tout en faisant face à des accusations de partialité.
Vers une Nouvelle Crise Sectaire ?
La question qui se pose désormais est celle de l’avenir. Les manifestations de dimanche montrent que la communauté alaouite refuse de rester passive face aux menaces. Ses appels au fédéralisme traduisent un désir de protection institutionnelle.
Mais dans un pays encore fragile, toute escalade risque d’ouvrir la porte à des divisions plus profondes. Les voix modérées, qui rejettent toute idée de guerre civile, doivent être entendues pour éviter un engrenage fatal.
Ce dimanche tragique rappelle que la transition en Syrie reste semée d’embûches. La protection des minorités sera un test crucial pour la stabilité du pays dans les mois à venir.
Les événements de ces derniers jours ne sont pas qu’un épisode isolé. Ils s’inscrivent dans une histoire complexe où religion, politique et sécurité s’entremêlent. Comprendre ces dynamiques est essentiel pour saisir les défis auxquels fait face la Syrie aujourd’hui.
En observant ces manifestations, on mesure l’ampleur du traumatisme vécu par cette communauté. Des familles entières se sentent vulnérables, et leurs rassemblements traduisent à la fois peur et détermination.
Le chemin vers une paix durable passe nécessairement par le dialogue et la reconnaissance des droits de tous. Espérons que ces voix, portées dans les rues ce week-end, trouvent un écho constructif avant que d’autres drames ne surviennent.
À retenir : La Syrie traverse une phase critique où les tensions communautaires menacent la fragile reconstruction. Les événements de dimanche soulignent l’urgence d’une approche inclusive pour éviter de nouvelles fractures.
La communauté internationale suit ces développements avec attention, consciente que la stabilité régionale en dépend en partie. Chaque incident, chaque manifestation, contribue à dessiner l’avenir d’un pays qui aspire à tourner la page d’années de souffrance.
Pour l’instant, le silence relatif des grandes instances laisse place aux initiatives locales. Mais le temps presse : protéger les minorités n’est pas seulement une question de justice, c’est une condition sine qua non pour une Syrie apaisée.
Ces manifestations, malgré leur issue tragique, ont au moins eu le mérite de remettre au centre du débat la question des droits communautaires. Elles rappellent que la chute d’un régime ne suffit pas à effacer des décennies de divisions.
En définitive, ce dimanche marque un tournant. Il pose les bases d’un débat crucial sur la forme que prendra l’État syrien demain : centralisé ou fédéral, inclusif ou exclusif. Les réponses apportées dans les prochaines semaines seront déterminantes.
Restons attentifs à l’évolution de la situation, car derrière ces chiffres et ces affrontements se jouent le destin de millions de personnes cherchant simplement à vivre en paix.









