Alors que la Syrie panse ses plaies après plus d’une décennie de guerre civile dévastatrice, la question de la justice transitionnelle se pose avec acuité. Lors d’une visite à Damas ce mercredi, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a martelé que celle-ci était « cruciale » pour l’avenir du pays, désormais dirigé par une coalition à dominante islamiste après la chute de Bachar al-Assad en décembre dernier.
Des crimes atroces à investiguer et juger de manière équitable
Au cœur des enjeux, le sort tragique de dizaines de milliers de prisonniers et de personnes portées disparues, souvent victimes de torture dans les geôles du régime déchu, avant d’être sommairement exécutées et jetées dans des fosses communes. Mais aussi le recours aux armes chimiques et bien d’autres crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés des deux côtés durant ce conflit fratricide qui aura fait plus d’un demi-million de morts.
Les disparitions forcées, la torture, l’utilisation d’armes chimiques, parmi d’autres crimes atroces, doivent faire l’objet d’une enquête complète. Et ensuite, la justice doit être rendue, de manière équitable et impartiale.
Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme
Une visite symbolique à la prison de Saydnaya
Pour prendre la mesure de l’ampleur de la tâche, M. Türk s’est notamment rendu mardi à la tristement célèbre prison de Saydnaya, véritable symbole de la répression de masse orchestrée par l’ancien pouvoir. Il y a rencontré un ancien détenu, poignant témoignage parmi tant d’autres des atrocités commises entre ces murs.
Le défi de la réconciliation et de la réforme des institutions
Au-delà de la nécessaire recherche de la vérité et de l’établissement des responsabilités, l’autre grand défi de la justice transitionnelle sera de poser les jalons de la réconciliation nationale. Le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh, a assuré à M. Türk de son engagement en faveur du respect des droits humains de tous les Syriens, toutes composantes confondues.
Il a reconnu et m’a assuré de l’importance du respect des droits de l’homme pour tous les Syriens et pour toutes les différentes composantes de la société syrienne.
Volker Türk, rapportant les propos d’Ahmad al-Chareh
Selon le Haut-Commissaire onusien, M. Chareh soutiendrait « la recherche de la guérison, l’instauration de la confiance et de la cohésion sociale ainsi que la réforme des institutions ». Un vaste chantier qui demandera du temps et des actes concrets pour convaincre une population profondément meurtrie et divisée.
L’épineuse question des sanctions internationales
Autre dossier brûlant sur la table, celui des lourdes sanctions internationales imposées à la Syrie sous l’ère Assad. Si elles visaient à faire pression sur le régime, force est de constater qu’elles ont aussi durement impacté le quotidien et les conditions de vie de la population.
Alors que la communauté internationale examine la question des sanctions, il est essentiel de garder à l’esprit l’impact que celles-ci ont sur la vie du peuple syrien.
Volker Türk, appelant à une « réévaluation urgente » en vue de leur assouplissement
Un plaidoyer qui fait écho aux déclarations d’intention des nouvelles autorités, désireuses de tourner la page de l’isolement et de la mise au ban de la communauté internationale. Mais là encore, la prudence reste de mise tant les défis économiques, sécuritaires et politiques demeurent immenses.
La justice transitionnelle, clé de la reconstruction durable
En Syrie, après tant d’années de conflit fratricide et de violations massives des droits humains, la tentation des règlements de comptes et de la vengeance pourrait être grande. C’est tout l’enjeu de la justice transitionnelle que de tracer une autre voie, certes plus longue et plus exigeante, mais seule à même de poser les fondements d’une paix et d’un développement durables.
La vengeance et le règlement de comptes ne sont jamais la solution.
Volker Türk, mettant en garde contre les risques de dérive
Un message fort, au moment où la Syrie aborde un tournant crucial de son histoire. Avec l’espoir que l’impératif de justice et de réconciliation saura guider les pas de ce pays martyr vers un avenir meilleur pour tous ses enfants, par-delà les fractures du passé.
