Ce dimanche 8 décembre au matin, un événement d’une portée considérable vient de se produire en Syrie. Après 13 années d’une guerre civile sanglante, le régime de Bachar el-Assad s’est effondré en l’espace de seulement 12 jours, balayé par une spectaculaire offensive des rebelles islamistes. Dans la nuit, le dictateur a fui le pays, laissant derrière lui un pouvoir vacant. Un séisme géopolitique dont les répliques vont se faire sentir dans tout le Moyen-Orient.
Une offensive éclair qui prend tout le monde de court
Lancée il y a moins de deux semaines, l’offensive des opposants armés a progressé à une allure fulgurante, ne rencontrant qu’une résistance minimale de la part des forces loyalistes. Visiblement très affaiblies, celles-ci se sont rapidement délitées, abandonnant des pans entiers du territoire.
Alep, deuxième ville du pays, est tombée en seulement quatre jours. Puis ce fut au tour de Hama, autre bastion clé. À chaque fois, la même scène s’est répétée : des colonnes de blindés rebelles entrant triomphalement dans les villes, sous les acclamations d’une foule en liesse.
Un régime à bout de souffle
Ces succès express révèlent l’extrême fragilité dans laquelle se trouvait le régime syrien. Miné par des années de guerre, d’exactions et de corruption, il n’était plus que l’ombre de lui-même. La pauvreté et le délitement du sentiment national avaient sapé ses ultimes soutiens.
Le régime syrien était un géant aux pieds d’argile. Dès les premiers revers, tout s’est écroulé comme un château de cartes.
Analyse un expert de la région qui a requis l’anonymat.
Le spectre d’un nouveau califat
Si les derniers développements suscitent des scènes de liesse chez de nombreux Syriens, ils sont aussi source d’inquiétude. Car les principaux artisans de cette victoire sont issus des mouvances islamistes les plus radicales, au premier rang desquelles le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS).
Renommé et restructuré, cet héritier d’Al-Nosra qui avait fait allégeance à Al-Qaïda cherche à se présenter sous un jour plus respectable. Mais en coulisses, ses ambitions n’ont pas changé : instaurer un régime théocratique strict et intransigeant, à l’image de celui qu’avait fait régner l’État islamique à son apogée.
L’angoisse des minorités
Un projet qui n’est pas sans susciter de vives inquiétudes, notamment chez les minorités ethniques et religieuses qui avaient déjà payé un lourd tribut lors de la première prise de pouvoir des djihadistes.
À Alep, malgré les messages se voulant rassurants des nouveaux maîtres de la ville, la peur s’est emparée des communautés chrétiennes. Beaucoup craignent de voir se répéter les exactions et les persécutions qui les avaient durement frappées après 2011.
Ils disent qu’ils ont changé, qu’ils seront bienveillants. Mais qui peut les croire ? Pour nous, ce sont toujours les mêmes, des djihadistes assoiffés de pouvoir.
Témoigne une habitante chrétienne d’Alep.
L’onde de choc régionale
Au-delà des frontières syriennes, ce changement de régime soudain est un véritable coup de tonnerre qui rebat les cartes géopolitiques régionales. Moscou, principal soutien de Damas, voit sa stratégie syrienne s’effondrer. Une situation dont pourrait profiter la Turquie, autre acteur majeur très présent dans le nord du pays.
L’Iran chiite se retrouve quant à lui privé de son principal allié, ce qui menace tout l’arc d’influence qu’il avait patiemment bâti jusqu’aux rives de la Méditerranée. Les monarchies sunnites du Golfe pourraient être tentées d’en profiter pour l’affaiblir encore davantage.
L’avenir en pointillé
Dans l’immédiat, tous les regards sont tournés vers les nouveaux hommes forts de Damas. De leur capacité à ramener un semblant de stabilité et à rassembler au-delà de leur base dépendra en grande partie l’avenir du pays. Mais la tâche s’annonce immense.
Car derrière l’unité de façade des vainqueurs se cachent de profondes rivalités et des visions antagonistes. Le risque est grand de voir la Syrie sombrer dans une nouvelle guerre de factions, sur le modèle libyen. Un scénario catastrophe qui signerait la dislocation définitive du pays.
Les prochains jours seront donc décisifs. À l’euphorie et au soulagement de la chute de la dictature, déjà se mêlent les interrogations et les inquiétudes sur le nouveau visage que prendra le pays. Bien des Syriens espèrent un avenir démocratique et apaisé. Mais plus d’un craint désormais que leur cauchemar ne fasse que commencer.