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Syrie : Les Kurdes Dénoncent une Transition Non Démocratique

En Syrie, les Kurdes dénoncent un Parlement transitoire non démocratique. Quels enjeux pour la transition post-Assad ? Les tensions montent à Raqa et Hassaké...

Après des décennies de conflit, la Syrie se trouve à un carrefour historique. La chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, après près de 14 ans de guerre civile, a marqué un tournant, mais les espoirs d’une transition fluide vers la démocratie se heurtent à des obstacles majeurs. Dans le nord et le nord-est du pays, les Kurdes, acteurs clés de la région, élèvent la voix contre un processus de désignation du futur Parlement transitoire qu’ils jugent non démocratique. Mais quelles sont les raisons de cette colère, et que révèle-t-elle des défis d’une Syrie en reconstruction ?

Une transition sous tension en Syrie

La fin du régime d’Assad a ouvert la voie à une période de transition de cinq ans, orchestrée par le nouveau président, Ahmad al-Chareh, ancien chef rebelle islamiste. Ce dernier a dissous le Parlement et promulgué une déclaration constitutionnelle provisoire pour encadrer cette phase critique. Cependant, les modalités de formation du nouveau Parlement transitoire suscitent des critiques acerbes, notamment de la part des Kurdes, qui dénoncent un système loin des standards démocratiques.

Un processus électoral controversé

En juin 2025, un décret présidentiel a mis en place une commission électorale chargée de superviser la désignation des 210 membres du Parlement transitoire. Selon ce système, 140 députés doivent être choisis par des comités locaux entre le 15 et le 20 septembre, tandis que les 70 autres seront directement nommés par le président. Ce mode de désignation a immédiatement suscité des inquiétudes, les critiques pointant du doigt une concentration excessive du pouvoir entre les mains d’Ahmad al-Chareh.

« Ces élections ne sont ni démocratiques ni représentatives de la volonté des Syriens », a déclaré l’administration kurde dans un communiqué cinglant.

Pour les Kurdes, ce processus reflète une marginalisation persistante, rappelant les années d’exclusion sous le régime d’Assad. Ils reprochent au nouveau pouvoir de Damas de reproduire les mêmes dynamiques centralisatrices, au détriment des aspirations des différentes communautés du pays.

Le report des désignations dans les régions kurdes

Le 23 août 2025, la commission électorale basée à Damas a annoncé le report du processus de désignation dans trois provinces : Soueïda, à majorité druze, et Raqa et Hassaké, à majorité kurde. Officiellement, ce report est justifié par des défis sécuritaires dans ces régions. Cependant, cette décision a attisé la méfiance des Kurdes, qui y voient une tentative de les écarter du processus politique.

Dans un communiqué, l’administration kurde a dénoncé une « politique de marginalisation et d’exclusion » qui, selon elle, perpétue les injustices du passé. Les provinces de Raqa et Hassaké, gérées par une administration autonome kurde, revendiquent depuis longtemps un système de gouvernance décentralisé. Cette demande se heurte au refus catégorique de Damas, qui cherche à imposer une autorité centralisée pour réunifier le pays.

Les Kurdes, acteurs majeurs dans la lutte contre les groupes djihadistes en Syrie, estiment que leur rôle historique mérite une reconnaissance politique. Leur exclusion du processus électoral pourrait raviver les tensions dans une région déjà fragile.

Les Kurdes et leur quête d’autonomie

Les Kurdes de Syrie, concentrés principalement dans le nord et le nord-est, ont joué un rôle déterminant dans la guerre contre l’État islamique. Leur administration autonome, établie dans les provinces de Raqa et Hassaké, repose sur un modèle de gouvernance décentralisée, qui contraste avec la vision centralisatrice de Damas. Ce modèle, basé sur des conseils locaux et une représentation communautaire, est perçu comme une alternative viable pour une Syrie plurielle.

Pourtant, les nouvelles autorités syriennes semblent réticentes à accorder une autonomie significative aux Kurdes. Cette divergence de vision alimente un climat de méfiance, alors que le pays tente de se reconstruire après une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts et déplacé des millions de personnes.

Soueïda : une autre région sous tension

Le report du processus électoral ne concerne pas seulement les régions kurdes. La province de Soueïda, à majorité druze, est également affectée. En juillet 2025, cette région a été secouée par des violences intercommunautaires meurtrières, rendant la situation instable. L’accès à Soueïda reste difficile, et les défis sécuritaires invoqués par la commission électorale ne sont pas contestés. Cependant, ce report soulève des questions sur l’inclusion des minorités dans le futur politique de la Syrie.

La communauté druze, tout comme les Kurdes, aspire à une reconnaissance de ses spécificités culturelles et politiques. L’absence de dialogue inclusif risque d’aggraver les fractures dans un pays déjà marqué par des divisions ethniques et religieuses.

Les défis d’une reconstruction nationale

La Syrie post-Assad fait face à un défi colossal : réunifier un pays dévasté par 14 ans de guerre civile. Déclenché en 2011 par la répression brutale de manifestations prodémocratie, le conflit a laissé des cicatrices profondes. Infrastructures détruites, économie exsangue, société fragmentée : les obstacles à la reconstruction sont nombreux.

Pour les nouvelles autorités, la priorité est de rétablir une gouvernance unifiée. Cependant, les tensions avec les Kurdes et d’autres minorités montrent que cette unification ne peut se faire sans un dialogue inclusif. La centralisation excessive, dénoncée par les Kurdes, risque de reproduire les erreurs du passé et d’alimenter de nouveaux conflits.

Région Communauté majoritaire Problématique principale
Raqa Kurde Revendication d’autonomie, marginalisation
Hassaké Kurde Exclusion du processus électoral
Soueïda Druze Violences intercommunautaires

Vers une impasse politique ?

Le report du processus électoral dans les régions kurdes et druzes met en lumière les difficultés d’instaurer une gouvernance représentative. Les Kurdes, forts de leur expérience dans la gestion autonome de leurs territoires, ne se contenteront pas d’un rôle symbolique. Leur appel à un système décentralisé reflète une aspiration plus large à un modèle de gouvernance qui respecte la diversité syrienne.

Pour Ahmad al-Chareh, le défi est double : consolider son pouvoir tout en évitant d’aliéner des communautés clés. Une approche trop autoritaire pourrait raviver les tensions et compromettre la reconstruction nationale. À l’inverse, un dialogue inclusif pourrait poser les bases d’une Syrie plus stable et équitable.

Que peut-on attendre de l’avenir ?

La transition syrienne est à un tournant décisif. Les critiques des Kurdes et les tensions dans des régions comme Soueïda montrent que la reconstruction ne peut se limiter à des mesures administratives. Elle exige un véritable effort pour inclure toutes les composantes de la société syrienne, des Kurdes aux Druzes en passant par les autres minorités.

Pour l’heure, le report des désignations dans les provinces contestées laisse planer une incertitude. Les Kurdes, avec leur expérience de gouvernance autonome, pourraient devenir un modèle pour d’autres régions, à condition que Damas accepte de revoir sa vision centralisatrice. Sans compromis, la Syrie risque de s’enliser dans de nouvelles divisions.

La question centrale reste : la Syrie peut-elle surmonter ses fractures historiques pour bâtir un avenir inclusif ? Les prochaines semaines seront cruciales pour déterminer si le pays s’engage sur la voie de la réconciliation ou d’un nouveau cycle de tensions.

En attendant, les Kurdes continuent de défendre leur vision d’une Syrie décentralisée, où chaque communauté aurait voix au chapitre. Leur combat, loin d’être isolé, reflète les aspirations d’un peuple qui, après des années de guerre, rêve d’un avenir juste et équitable.

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