Alors que la poussière retombe à peine sur la prise de pouvoir par la coalition islamiste en Syrie, les regards se tournent déjà vers l’avenir du pays. Et selon Antony Blinken, chef de la diplomatie américaine, le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) qui mène cette coalition ferait bien de tirer les leçons du sort des talibans en Afghanistan s’il veut éviter de connaître le même isolement sur la scène internationale.
Un parallèle troublant avec l’Afghanistan
Lors d’une intervention au Council on Foreign Relations à New York, Antony Blinken a en effet souligné les similitudes entre la situation actuelle en Syrie et celle de l’Afghanistan après le retour au pouvoir des talibans en 2021. Ces derniers avaient initialement tenté de montrer un visage plus modéré, mais leur véritable nature avait rapidement repris le dessus, les condamnant à un isolement quasi-total sur la scène internationale.
Les talibans ont montré un visage plus modéré, ou du moins ont tenté de le faire, lorsqu’ils ont pris le contrôle de l’Afghanistan, puis leur vrai visage est apparu. Le résultat est qu’ils restent largement isolés dans le monde.
Antony Blinken, Secrétaire d’État américain
Un avertissement on ne peut plus clair à l’attention de HTC. Si le groupe veut éviter de subir le même sort, il va devoir tenir ses promesses de modération et œuvrer au progrès du pays selon Blinken.
Les engagements de HTC en question
Issu d’une branche syrienne d’Al-Qaïda, HTC affirme pourtant avoir rompu avec le djihadisme. Son chef militaire Mourhaf Abou Qasra a même appelé l’ONU et les pays occidentaux à retirer le groupe de leurs listes des organisations terroristes.
Mais au-delà des déclarations, ce sont les actes qui seront scrutés de près par la communauté internationale. HTC devra prouver sa bonne foi en s’engageant sur la voie d’une transition politique pacifique et inclusive en Syrie.
Les attentes de la communauté internationale
Concrètement, Antony Blinken a listé plusieurs points sur lesquels HTC devra avancer pour gagner la confiance des acteurs internationaux :
- La formation d’un gouvernement syrien « non sectaire » qui protège les minorités
- La poursuite de la lutte contre le groupe État islamique (EI)
- L’élimination des stocks d’armes chimiques persistants du régime Assad
Autant de chantiers titanesques pour un groupe dont la sincérité des engagements reste à prouver. Mais HTC n’a pas vraiment le choix s’il veut sortir la Syrie de son isolement et lui permettre de retrouver sa place dans le concert des nations.
L’erreur fatale de Bachar el-Assad
Au-delà de ces attentes, Antony Blinken estime également que HTC peut tirer des enseignements de la chute de Bachar el-Assad. Selon lui, le refus obstiné de l’ancien dictateur de s’engager dans un processus politique a grandement précipité sa perte.
Le refus catégorique d’Assad de s’engager dans un quelconque processus politique est l’un des éléments qui ont scellé sa chute.
Antony Blinken, Secrétaire d’État américain
Un constat qui sonne comme un ultime avertissement pour HTC. Le groupe a aujourd’hui les cartes en main pour sortir la Syrie du chaos. Mais il doit impérativement jouer le jeu du dialogue et du compromis s’il ne veut pas voir le pays sombrer à nouveau. L’histoire lui a montré à quel point l’obstination pouvait être fatale.
L’avenir de la Syrie en suspens
Après plus d’une décennie de guerre civile dévastatrice, la situation en Syrie reste donc plus que jamais incertaine. Le pays est en ruines, sa population exsangue, et les défis à relever sont immenses.
HTC a aujourd’hui une responsabilité historique : celle de montrer qu’il peut être un acteur crédible et responsable pour guider la Syrie vers la paix et la stabilité. Un pari risqué, mais qui mérite d’être tenté pour enfin tourner la page d’un des conflits les plus meurtriers du XXIe siècle.
Car au-delà du sort de HTC, c’est bien l’avenir de tout un peuple qui est en jeu. Un peuple qui aspire désespérément à retrouver une vie normale après tant d’années de souffrances et de privations. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais l’espoir doit rester permis. Pour que la Syrie puisse enfin se reconstruire et panser ses plaies.