Alors que la Syrie tourne une page sombre de son histoire après un demi-siècle de règne sans partage de la famille Assad, les chancelleries du monde entier s’activent en coulisses pour tisser des liens avec le nouveau pouvoir en place à Damas. Entre prudence et volonté d’influence, la communauté internationale cherche sa place dans l’avenir de ce pays meurtri par des années de guerre civile. Mais les fantômes du passé ne sont jamais loin…
Une transition politique sous haute surveillance
Depuis l’entrée des groupes rebelles à Damas le 8 décembre dernier et la fuite précipitée de Bachar el-Assad vers la Russie, les nouvelles autorités syriennes, issues principalement du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), tentent d’asseoir leur légitimité sur la scène intérieure et internationale. Une tâche ardue tant ce mouvement, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, suscite la méfiance de nombreux acteurs.
Malgré tout, les contacts diplomatiques se multiplient. Après les États-Unis et le Royaume-Uni ce week-end, la France a annoncé l’envoi d’une mission à Damas, une première depuis 2012. Objectif : jauger les intentions des nouveaux maîtres du pays et défendre ses intérêts dans la région. Une démarche également entreprise par l’envoyé spécial de l’ONU Geir Pedersen, qui a rencontré le chef de HTC Abou Mouhammad al-Jolani.
Le poids des voisins
Dans ce grand jeu diplomatique qui s’esquisse, les pays voisins de la Syrie comptent bien peser de tout leur poids. La Turquie, soutien de longue date de l’opposition syrienne, a rouvert son ambassade et se dit prête à fournir une aide militaire au nouveau régime. Le Qatar lui emboîte le pas, tandis que la Jordanie et le Liban multiplient les gestes d’ouverture.
Mais c’est surtout la position d’Israël qui est scrutée. L’État hébreu a pris le contrôle de la zone tampon du Golan et intensifié ses frappes contre des positions pro-iraniennes. Un moyen de faire comprendre qu’il entend rester un acteur incontournable, quel que soit le visage du pouvoir à Damas.
L’ombre des exactions passées
Au milieu de ces manœuvres diplomatiques, l’ampleur des crimes du régime déchu continue de se dévoiler au grand jour. Charniers, lieux de torture, disparitions… Les découvertes macabres se succèdent, ravivant la douleur des familles de victimes et l’exigence de justice. Un passif écrasant avec lequel devront composer les nouvelles autorités, sommées de faire la lumière sur ces atrocités.
Ils l’ont pris il y a 11 ou 12 ans. Il y a 9 ans, il était à Saydnaya, maintenant il n’y est plus et mon coeur est brisé.
– Fatima Marakbawi, une mère en quête de son fils disparu
Dans ce contexte, l’aide humanitaire apparaît comme un levier d’action crucial. L’Ukraine a ainsi proposé d’envoyer des céréales pour soulager une population syrienne exsangue. Reste à savoir si ces élans de solidarité suffiront à construire un avenir apaisé pour ce pays au carrefour de tant d’intérêts contradictoires.
Alors que la Syrie s’apprête à tourner l’une des pages les plus sombres de son histoire, la communauté internationale retient son souffle. Entre espoirs de stabilité et craintes de dérive, les jeux d’influence diplomatiques ne font que commencer dans ce pays qui a tant souffert et qui cherche désormais sa voie vers la paix.