Un bras de fer juridique est engagé au Gabon autour des conditions de détention de Sylvia Bongo, épouse de l’ex-président Ali Bongo, et de leur fils Nourredin, incarcérés depuis le coup d’État d’août 2023. Alors que leurs avocats dénoncent des actes de torture, la justice gabonaise assure que les droits des détenus sont respectés. Retour sur une affaire qui secoue l’ancien clan présidentiel.
Des avocats « encore sous le choc »
Jeudi dernier, pour la première fois depuis leur arrestation il y a 17 mois, les avocats de Sylvia et Nourredin Bongo ont pu leur rendre visite en prison. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Me François Zimeray et Me Catalina de la Sota sont ressortis bouleversés de cette entrevue :
Nous sommes encore sous le choc de ce que nous avons vu et contestons totalement les allégations mensongères d’un procureur manifestement aux ordres.
François Zimeray et Catalina de la Sota, avocats de Sylvia et Nourredin Bongo
Selon eux, leurs clients auraient subi des actes de torture durant leur détention. Des allégations formellement démenties par la justice gabonaise. Le procureur de la République de Libreville, Bruno Obiang Mve, a en effet assuré que les avocats ont pu constater que Sylvia et Nourredin Bongo n’avaient « jamais été torturés », et que les entrevues s’étaient déroulées « dans le strict respect des droits de la défense ».
Des « révélations inédites » à venir ?
Face à ce qu’ils qualifient d’« allégations mensongères », les avocats de l’ancienne première dame et de son fils promettent « prochainement des révélations inédites et précises à la presse ». De quoi relancer les spéculations autour de ce dossier ultra-sensible.
Pour rappel, Sylvia et Nourredin Bongo sont détenus depuis le coup d’État du 30 août 2023 qui a renversé Ali Bongo après 14 ans de présidence. L’ancienne première dame est poursuivie pour « blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux », tandis que son fils est accusé de « corruption » et de « détournements de fonds publics ».
L’ombre de la « Françafrique »
Cette affaire replonge le Gabon dans les heures sombres de la « Françafrique ». Avant le putsch de 2023, la famille Bongo régnait sans partage sur ce petit État pétrolier pendant 55 ans, d’abord avec Omar Bongo de 1967 à 2009, puis avec son fils Ali.
Un règne marqué par des accusations récurrentes de « corruption massive » et de « mauvaise gouvernance » de la part de l’opposition. Des soupçons qui semblent se confirmer avec les poursuites judiciaires lancées contre les proches d’Ali Bongo depuis sa chute.
La France embarrassée ?
Questionnées en février dernier sur les allégations de torture, des sources diplomatiques françaises avaient indiqué n’« avoir pas connaissance des faits allégués », tout en précisant que Sylvia et Nourredin Bongo avaient reçu des visites consulaires en prison. Une prudence qui témoigne de l’embarras de Paris face à un dossier qui éclabousse ses anciennes amitiés gabonaises.
Malgré la chute d’Ali Bongo, l’ancien président bénéficie toujours d’une certaine mansuétude de la part des nouvelles autorités. Selon Libreville, il serait « libre de quitter le pays » alors qu’il vit retiré dans sa résidence privée depuis le putsch. Un traitement de faveur qui contraste avec le sort réservé à son épouse et à son fils.
Quel avenir pour les Bongo ?
Au-delà de la bataille judiciaire, c’est l’avenir de tout un clan qui se joue. Après plus d’un demi-siècle de règne sans partage, les Bongo sont aujourd’hui confrontés à une vague de ressentiment et à une soif de justice longtemps étouffées par un pouvoir autoritaire et corrompu.
Quelles que soient les « révélations » promises par leurs avocats, Sylvia et Nourredin Bongo risquent de payer au prix fort les errements du passé. Reste à savoir si Ali Bongo, pour l’heure épargné, parviendra à échapper aux poursuites et à sauver ce qui peut l’être d’un empire familial vacillant. Les prochains mois s’annoncent décisifs.