L’Afrique du Sud est actuellement secouée par une vague d’intoxications mortelles d’enfants et les conséquences sociétales qui en découlent. Depuis le début de l’année, 23 jeunes victimes sont à déplorer autour de Johannesburg, suscitant émotion et colère au sein de la population. Mais derrière ce drame sanitaire se profile une nouvelle montée des tensions xénophobes dans le pays.
Le drame de Naledi, épicentre du scandale
C’est à Naledi, un quartier du vaste township de Soweto, que le scandale a éclaté le mois dernier. Six élèves y ont trouvé la mort après avoir mangé des chips achetées dans une épicerie locale, un “spaza shop”. L’autopsie a révélé la présence d’un pesticide mortel, le terbufos, dans les paquets consommés par l’une des victimes.
Le jour même du drame, la boutique incriminée a été prise d’assaut et pillée par des habitants en colère. Depuis, les autorités multiplient les raids et contrôles, sous pression politique. Car les épiceries mises en cause ont un point commun : elles sont tenues par des étrangers, principalement originaires d’Éthiopie, de Somalie ou du Pakistan.
L’Opération Dudula en première ligne
Surfant sur l’émotion et les rumeurs d’empoisonnement volontaire, une organisation antimigrants bien connue en Afrique du Sud est entrée en action : l’Opération Dudula, qui signifie “refouler” en zoulou. Ses militants ont imposé la fermeture de plusieurs commerces et leur transfert à des gérants sud-africains, même quand les autorités n’avaient rien trouvé à redire.
Nous avons chassé les étrangers
Maphoka Mohalanwani, nouvelle gérante d’un spaza shop “repris” à Naledi
Rumeurs et théories du complot
Cette “saga des spaza shops” divise l’opinion. Pour certains, nul doute que les commerçants étrangers empoisonnent délibérément les Sud-Africains. D’autres y voient un prétexte pour s’accaparer leurs commerces sur fond de xénophobie récurrente dans le pays, où des violences antimigrants ont déjà fait des dizaines de morts par le passé.
Beaucoup de ces initiatives visent à éliminer la concurrence. Si l’on s’en prend à un étranger, personne ne proteste.
Loren Landau, spécialiste des migrations
Un bilan controversé
Le président Cyril Ramaphosa a tenté de calmer le jeu, balayant l’idée d’une “campagne délibérée d’empoisonnement des enfants” et pointant la propagation de “fausses informations”. Mais le mal est fait. Malgré la réouverture de certains spaza shops, le climat reste lourd pour les commerçants immigrés.
Cette crise, mêlant tragédie sanitaire et bouc-émissaires communautaires, révèle une fois de plus les profondes fractures qui traversent la société sud-africaine. Un nouveau défi pour le pays arc-en-ciel, hanté par les démons de la xénophobie et des inégalités.