Imaginez la scène : vous dégustez tranquillement un plat de tapas en terrasse à Barcelone, quand soudain, vous vous retrouvez trempé de la tête aux pieds. Non, il ne s’agit pas d’une averse soudaine, mais bien d’une attaque au pistolet à eau menée par des manifestants en colère. Bienvenue dans la réalité du surtourisme à Barcelone, où les habitants excédés ont décidé de passer à l’action de manière aussi originale qu’efficace.
Une manifestation pas comme les autres
Le 6 juillet dernier, des milliers de Barcelonais sont descendus dans la rue pour protester contre le tourisme de masse qui envahit leur ville. Mais plutôt que de brandir les traditionnelles pancartes et slogans, ils ont opté pour une arme peu conventionnelle : le pistolet à eau. Les touristes attablés en terrasse ont ainsi eu la surprise de se voir arroser copieusement, une manière pour les manifestants de leur signifier qu’ils n’étaient plus les bienvenus.
Derrière cette action coup de poing, un ras-le-bol généralisé face aux conséquences néfastes du surtourisme. Avec plus de 12 millions de visiteurs en 2023, et des prévisions à la hausse pour 2024, Barcelone croule littéralement sous les touristes. Une situation devenue intenable pour les habitants, qui voient leur quotidien bouleversé et leur ville perdre son âme.
Loyers en hausse et paupérisation
L’un des principaux griefs des manifestants concerne la flambée des loyers, directement liée à l’essor des locations de courte durée type Airbnb. Selon un manifestant interrogé, « les restaurants et les hôtels sont les secteurs qui gagnent vraiment beaucoup d’argent. Mais la plupart des gens sont dans une situation de grande pauvreté et n’ont pas assez d’argent pour vivre ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en juin, les loyers ont bondi de 18% par rapport à l’année précédente dans les villes touristiques comme Barcelone et Madrid.
Face à cette situation explosive, la mairie de Barcelone a dû prendre des mesures radicales. Le mois dernier, le maire Jaume Collboni a ainsi annoncé un plan visant à supprimer toutes les locations de courte durée d’ici 2028. Une décision forte, qui témoigne de l’urgence à endiguer les dérives du surtourisme.
Vers un tourisme plus durable ?
Si la manifestation au pistolet à eau peut prêter à sourire, elle soulève en réalité un problème de fond : comment concilier tourisme et qualité de vie pour les habitants ? Car Barcelone n’est pas un cas isolé. De plus en plus de villes à travers le monde sont confrontées aux défis du surtourisme, et doivent repenser en profondeur leur modèle.
Certaines initiatives encourageantes émergent çà et là, comme la mise en place de quotas, la régulation des locations saisonnières ou encore la promotion d’un tourisme plus qualitatif et respectueux. Mais il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à un équilibre satisfaisant entre l’économie touristique et le bien-être des populations locales.
En attendant, les Barcelonais ont trouvé une parade aussi insolite qu’efficace pour faire passer leur message. Gageons que les touristes aspergés en terrasse réfléchiront à deux fois avant de revenir s’entasser dans la cité catalane aux beaux jours. Et qui sait, peut-être que la prochaine révolution du tourisme viendra des pistolets à eau made in Barcelone !
Le surtourisme est un fléau contre lequel il faut lutter, pour préserver nos villes et notre qualité de vie.
Ada Colau, ancienne maire de Barcelone
Le surtourisme est un défi complexe, qui nécessite une prise de conscience collective et des actions concrètes de la part de tous les acteurs concernés : pouvoirs publics, professionnels du tourisme, visiteurs et habitants. Quelques pistes pour un tourisme plus durable :
- Réguler les locations saisonnières type Airbnb
- Promouvoir un tourisme qualitatif et respectueux
- Mieux répartir les flux touristiques dans l’espace et le temps
- Impliquer les habitants dans les politiques touristiques
- Sensibiliser les visiteurs aux impacts de leurs pratiques
La manifestation au pistolet à eau de Barcelone est un signal fort, qui doit nous faire réfléchir collectivement aux dérives du surtourisme. Pour que nos villes restent vivables et accueillantes, il est urgent de repenser notre façon de voyager et de cohabiter. L’avenir du tourisme se jouera dans notre capacité à inventer un modèle plus durable et harmonieux, où chacun trouve sa place. Un défi aussi enthousiasmant que nécessaire.