Le 25 mai dernier, les urnes ont parlé au Suriname, un petit pays niché au nord de l’Amérique du Sud. Dans ce territoire néerlandophone, où les cicatrices des coups d’État et des rébellions marquent encore les esprits, un vent de changement semble souffler. À l’issue des élections législatives, une figure se détache : Jennifer Geerlings-Simons, 71 ans, pourrait bien entrer dans l’histoire comme la première femme présidente du pays. Mais dans ce jeu politique complexe, où alliances et tractations dominent, rien n’est encore joué.
Un Tournant Historique pour le Suriname
Les résultats officiels des législatives, proclamés le 3 juin, ont confirmé une avancée significative pour le Parti national démocratique (NDP). Avec 18 des 51 sièges à l’Assemblée nationale, le parti de Jennifer Geerlings-Simons s’impose comme la première force politique, bien que sans majorité absolue. Ce score, obtenu grâce à 93 545 voix, marque un retour en force pour le NDP, autrefois dirigé par l’ancien président controversé Desi Bouterse.
Face à lui, le VHP (Parti de la réforme progressiste) de l’actuel président Chan Santokhi a récolté 87 032 suffrages, soit 17 sièges. Une performance honorable, mais insuffisante pour conserver une emprise confortable sur le Parlement. Ces résultats, proches des estimations partielles diffusées dès la fin du scrutin, ont rapidement mis en lumière l’ascension de Simons et les défis qui attendent Santokhi.
Jennifer Simons : Une Leader Stratégique
Jennifer Geerlings-Simons n’a pas attendu l’annonce officielle pour agir. Consciente que les 18 sièges de son parti ne suffisent pas pour accéder à la présidence, elle a engagé des négociations avec d’autres formations politiques. Son objectif ? Réunir les 34 sièges nécessaires, soit les deux tiers du Parlement, pour être désignée présidente. Une tâche ambitieuse, mais à sa portée.
« Nous sommes prêts à construire un avenir inclusif pour le Suriname », a déclaré Simons, confiante, lors d’un discours post-électoral.
Son premier succès a été de sceller un accord avec l’ABOP, dirigé par le vice-président actuel Ronnie Brunswijk, qui détient 6 sièges. À cela s’ajoute le soutien du NPS de Gregory Rusland, également fort de 6 sièges, ainsi que des trois autres partis mineurs qui se partagent les 4 sièges restants. Sur le papier, cette coalition atteindrait les 34 sièges requis. Mais dans la politique surinamaise, les alliances sont aussi fragiles que précieuses.
Chan Santokhi : Un Président Résilient
De son côté, Chan Santokhi refuse de s’avouer vaincu. Malgré la perte de terrain de son parti, il multiplie les discussions en coulisses pour tenter de renverser la dynamique. Cette résistance souligne la polarisation du paysage politique surinamais, où les rivalités personnelles et historiques pèsent lourd. Santokhi, qui a succédé à Desi Bouterse en 2020, mise sur son bilan pour convaincre les indécis.
Son mandat a été marqué par des efforts pour stabiliser l’économie et attirer les investissements étrangers, notamment dans le secteur pétrolier. Mais avec 20 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, les attentes des citoyens sont immenses, et chaque faux pas est scruté.
Le Pétrole : Un Enjeu de Taille
Si la politique domine l’actualité, un autre sujet capte l’attention : les réserves pétrolières offshore. Découvertes récemment, elles placent le Suriname sur la carte des futurs producteurs pétroliers. À partir de 2028, l’exploitation d’un bloc promet une production de 220 000 barils par jour, contre seulement 5 000 à 6 000 aujourd’hui. Ces revenus pourraient transformer l’économie du pays, mais aussi attiser les tensions politiques.
Le Pétrole en Chiffres
- Production actuelle : 5 000-6 000 barils/jour
- Production prévue (2028) : 220 000 barils/jour
- Impact économique : Des milliards de dollars potentiels
Un Passé Tourmenté, Un Futur Incertain
Le Suriname, ancienne colonie néerlandaise indépendante depuis 1975, porte encore les stigmates d’une histoire mouvementée. Coups d’État, rébellions et crises économiques ont façonné un pays où la méfiance envers les institutions reste palpable. Desi Bouterse, figure centrale du NDP, incarne ce passé. Après avoir pris le pouvoir par un coup d’État en 1980, il a dirigé le pays par intermittence, laissant un héritage controversé.
Jennifer Geerlings-Simons, en s’appuyant sur le NDP, devra naviguer qu’elle peut tourner la page tout en répondant aux aspirations d’un peuple en quête de stabilité. Sa capacité à fédérer une coalition durable sera déterminante.
Les Prochaines Étapes
Le calendrier politique s’accélère. Le 29 juin, les 51 nouveaux députés se réuniront pour la première fois. Les partis devront alors officialiser leurs candidats à la présidence, avant une élection prévue début juillet. Si Jennifer Simons parvient à maintenir sa coalition, elle pourrait être désignée présidente, marquant un tournant historique pour le Suriname.
Mais les tractations ne sont pas sans risques. Une alliance peut se fissurer sous la pression des intérêts divergents, et Chan Santokhi n’a pas à court d’arguments pour défendre sa position. Les semaines à venir seront décisives pour déterminer l’avenir politique du pays.
Un Symbole pour le Suriname
L’éventuelle arrivée de Jennifer Geerlings-Simons à la présidence ne serait pas qu’une victoire politique. Dans un pays où les hommes ont dominé la scène depuis l’indépendance, elle deviendrait un symbole d’émancipation. À 71 ans, cette femme d’expérience incarne une nouvelle ambition pour le Suriname : celle d’un pays qui, malgré ses fractures, ose rêver d’un avenir prospère.
« Le Suriname a besoin d’unité et de la justice pour avancer », a-t-elle martelé, soulignant sa volonté de rassembler au-delà des clivages.
Pourtant, le défi est de taille. Entre la gestion des ressources pétrolières, les attentes économiques et les tensions politiques, la route vers la présidence s’annonce semée d’embûches. Jennifer Geerlings-Simons parviendra-t-elle à transformer cette opportunité en succès durable ?
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