Saviez-vous qu’un Pape avait osé s’opposer frontalement à Napoléon au sommet de sa puissance ? Retour sur le destin exceptionnel de Pie VII, ce pontife déterminé qui a défié l’Empereur des Français, quitte à y laisser sa liberté. Un épisode méconnu et fascinant de l’histoire européenne du début du 19ème siècle.
Pie VII, un aristocrate érudit propulsé sur le trône de Saint Pierre
Issu de la noblesse de Cesena en Italie, Barnaba Chiaramonti est élu Pape en 1800 sous le nom de Pie VII, dans un contexte européen particulièrement troublé. La France révolutionnaire, qui a envahi les États pontificaux, vient d’exiler son prédécesseur Pie VI. Pie VII, réputé ouvert et diplomate, veut renouer le dialogue avec le nouveau pouvoir français, désormais incarné par le jeune général Bonaparte.
La forme du gouvernement démocratique ne répugne pas à l’Évangile.
Pie VII, nouveau Pape conciliant avec les idées nouvelles
1801 : le Concordat, une réconciliation entre l’Église et l’État
Pour normaliser la situation religieuse en France après la Révolution, Napoléon Bonaparte signe avec Pie VII le Concordat de 1801. Ce compromis rétablit le culte catholique comme religion majoritaire des Français, mais dans le cadre d’une Église placée sous contrôle de l’État. Si le Pape y voit un moyen de restaurer l’influence de l’Église, l’ambitieux Bonaparte compte bien garder la haute main sur celle-ci.
Le sacre impérial de 1804 : prélude à l’affrontement
Devenu Empereur, Napoléon souhaite asseoir sa légitimité en recevant l’onction pontificale, comme Charlemagne 1000 ans plus tôt. Réticent, Pie VII accepte néanmoins de venir le sacrer à Notre-Dame de Paris. Mais le 2 décembre 1804, coup de théâtre : au moment de le couronner, Napoléon s’empare de la couronne et se la pose lui-même sur la tête ! Le message est clair : l’Empereur ne tient son pouvoir que de lui-même. Pie VII, humilié, s’est fait piéger.
1809 : Napoléon occupe Rome, le Pape riposte
Déterminé à placer l’ensemble de l’Italie sous sa coupe, Napoléon occupe Rome en 1809 et annexe les États du Pape. Excédé, Pie VII riposte courageusement par une bulle d’excommunication contre l’Empereur et ses collaborateurs. Fou de rage, Napoléon fait enlever le souverain pontife, qui est emmené en France comme prisonnier.
Non possiamo, non dobbiamo, non vogliamo. (Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, nous ne voulons pas.)
Pie VII opposant son refus à Napoléon
1812-1814 : le Pape prisonnier résiste héroïquement
Durant cinq longues années, le Pape reste l’otage de l’Empereur, confiné successivement à Savone puis au château de Fontainebleau. Affaibli et malade, Pie VII ne cède pourtant pas aux pressions de son geôlier, qui veut lui imposer de nouvelles concessions. Au contraire, il l’affronte dans un duel psychologique épuisant, usant de résistance passive. En 1813, profitant du déclin de Napoléon après la campagne de Russie, le Pontife parvient même à s’évader pour regagner Rome !
Épilogue : le Pape vainqueur, Napoléon défait
Ironie de l’histoire, après la chute de l’Empire en 1814, c’est Pie VII qui intercède auprès des vainqueurs pour adoucir le sort de Napoléon, exilé à l’île d’Elbe ! Rétabli dans ses États, le Pape poursuit son long règne jusqu’à sa mort en 1823, non sans nostalgie pour son adversaire. Quant à Napoléon, il finira ses jours à Sainte-Hélène, se remémorant son face-à-face titanesque avec ce Pape inébranlable.
L’opposition épique entre Pie VII et Napoléon nous rappelle la complexité des relations entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Si l’Empereur des Français s’est heurté à plus fort que lui en la personne de ce Pape, leur duel au sommet aura durablement façonné le visage de l’Europe post-révolutionnaire. Deux “géants” que l’Histoire a réunis pour une joute mémorable !