Alors que l’incertitude planait sur leur avenir, les 1100 employés de l’usine Jeep de Toledo dans l’Ohio peuvent souffler. Stellantis, le géant automobile né de la fusion entre PSA et FCA, vient en effet d’annoncer l’annulation des licenciements massifs qui étaient prévus sur le site à compter du 5 janvier prochain. Une nouvelle inattendue qui soulage les salariés mais soulève également des interrogations sur la stratégie du groupe en pleine reconfiguration.
Un revirement de situation inespéré pour les employés
C’est un véritable coup de théâtre pour les 1100 personnes qui travaillent sur les chaînes d’assemblage des Jeep Wrangler et Gladiator. Début novembre, la direction avait en effet annoncé une réduction drastique des effectifs, justifiée par la nécessité de gagner en compétitivité. Une décision brutale vécue comme un véritable choc par les salariés et leurs familles, ainsi que pour toute la communauté locale de Toledo, très dépendante de cette usine emblématique.
Mais contre toute attente, Stellantis vient de faire machine arrière. Selon un porte-parole du groupe cité par l’agence Bloomberg, « aucun employé ne sera mis en disponibilité à compter du 5 janvier comme prévu initialement ». Tous sont attendus normalement à leur poste après les fêtes de fin d’année. Une annonce accueillie avec soulagement et incrédulité par le personnel.
« On n’y croyait plus, c’est un merveilleux cadeau de Noël en avance ! »
– Un employé de l’usine sous couvert d’anonymat
Les raisons d’un tel revirement
Si le maintien des emplois est une excellente nouvelle, il soulève de nombreuses questions sur les motivations d’un tel retournement de situation. Officiellement, Stellantis justifie sa décision par la volonté de revoir sa stratégie en Amérique du Nord suite au départ précipité début décembre de son emblématique patron Carlos Tavares. Nommé par intérim, son successeur John Elkann, héritier de la dynastie Agnelli-Elkann à la tête de l’ex-Fiat, semble vouloir rompre avec certains aspects de la gestion de son prédécesseur.
Pour rappel, Carlos Tavares avait imposé au groupe une cure d’austérité drastique pour doper la rentabilité, quitte à sacrifier des usines et des emplois. Une méthode qui a certes porté ses fruits financièrement mais au prix d’une détérioration du climat social et de vives tensions avec les syndicats et le monde politique, en Europe comme aux États-Unis.
Un changement de cap stratégique
En épargnant le site de Toledo, John Elkann envoie ainsi un signal d’apaisement et de rupture, sans toutefois remettre en cause les objectifs de performance. Selon des sources internes, il s’agirait surtout de se donner du temps pour repenser plus globalement l’organisation industrielle du groupe sur le continent américain, un marché hautement stratégique et concurrentiel où Stellantis doit accélérer sa mue dans l’électrique.
L’usine de l’Ohio, qui produit des véhicules thermiques emblématiques mais vieillissants, pourrait ainsi être reconvertie progressivement dans ce sens. Un virage auquel les salariés devront se préparer. D’où la nécessité de maintenir les compétences et la cohésion des équipes dans cette phase de transition.
Des garanties à confirmer
Pour Kevin Gostynski, responsable local du syndicat UAW, « le retrait des licenciements est un premier pas dans la bonne direction » mais il attend des garanties plus pérennes de la part de la direction sur l’avenir du site. Selon nos informations, John Elkann devrait rencontrer prochainement les représentants syndicaux américains pour clarifier ses intentions.
Il devra aussi convaincre en interne un comité exécutif mondial en plein chamboulement et gagner la confiance des marchés financiers. Le maintien à flot des usines historiques mais fragiles comme Toledo sera un test grandeur nature de son pragmatisme et de sa capacité à incarner un nouveau Stellantis, à la fois performant et responsable socialement. Un défi de taille pour un groupe qui reste sous pression dans un secteur en plein bouleversement.